Résultats pour  action collective

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  1. Six associés reconnus comme des chefs de file au Canada par Lexpert dans son édition spéciale en Litige

    Le 21 novembre 2024, Lexpert a reconnu l'expertise de six associés dans son édition 2024 de Lexpert Special Edition: Litigation. Laurence Bich-Carrière, Dominic Boisvert, Myriam Brixi, Marie-Claude Cantin, Marc-André Landry et Martin Pichette figurent ainsi parmi les chefs de file au Canada dans leurs expertises respectives. Laurence Bich-Carrière exerce au sein du groupe de Litige et règlements de différends, dans une pratique polyvalente : action collective, appel, consommation, droit administratif, infrastructure sont autant de domaines dans lesquels ses services sont retenus. Dans ce cadre, elle est appelée à représenter divers clients devant les tribunaux, notamment devant les instances d'appel, mais aussi à les conseiller en matière de rédaction, de négociation contractuelle ou de règlement et relativement à la gestion des risques. Dominic Boisvert a une pratique principalement axée sur le droit des assurances et la responsabilité civile. Depuis son admission au Barreau du Québec, il a acquis une expertise dans plusieurs domaines spécialisés comme la couverture d’assurance et la distribution de produits et services financiers. Myriam Brixi oriente sa pratique principalement vers les actions collectives, la responsabilité du fabricant et du vendeur, le droit de la consommation, ainsi que le droit des assurances. Myriam a participé à des actions collectives complexes soulevant d’importantes questions juridiques incluant une vaste gamme d’actions collectives multijuridictionnelles.  Marie-Claude Cantin représente les intérêts des assureurs et leurs assurés dans le cadre de différents types de réclamations, l’amenant ainsi à représenter une clientèle variée qui inclut des fabricants, des entrepreneurs et des professionnels tels que des ingénieurs, architectes, arpenteurs-géomètres et courtiers d’assurances. Marc-André Landry assiste fréquemment ses clients afin de résoudre leurs différends, que ce soit par le biais de la négociation, la médiation, l'arbitrage ou devant les diverses instances judiciaires. Au fil des ans, il a représenté des entreprises évoluant dans diverses sphères d'activités, incluant les domaines de la construction et de l'immobilier, le secteur de l'énergie renouvelable et celui des énergies, des nouvelles technologies, des services financiers ou encore de l'industrie pharmaceutique. Martin Pichette agit principalement à titre de plaideur et d’avocat-conseil dans les domaines liés aux litiges commerciaux et civils, plus particulièrement ceux relevant du droit de la construction et ceux découlant de la responsabilité professionnelle, de l’assurance de dommages et de la responsabilité du fabricant. À propos de Lavery Lavery est la firme juridique indépendante de référence au Québec. Elle compte plus de 200 professionnels établis à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières, qui œuvrent chaque jour pour offrir toute la gamme des services juridiques aux organisations qui font des affaires au Québec. Reconnus par les plus prestigieux répertoires juridiques, les professionnels de Lavery sont au cœur de ce qui bouge dans le milieu des affaires et s'impliquent activement dans leurs communautés. L'expertise du cabinet est fréquemment sollicitée par de nombreux partenaires nationaux et mondiaux pour les accompagner dans des dossiers de juridiction québécoise.

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  2. Laurence Bich-Carrière, une étoile montante de la profession juridique au Canada

    Lavery est fier d'annoncer que Laurence Bich-Carrière a reçu le prix Rising Stars Leading Lawyers Under 40 décerné par Lexpert ce 19 novembre. Cette prestigieuse distinction honore les avocats de moins de 40 ans qui se démarquent dans la profession juridique à travers le Canada. Les lauréats sont sélectionnés par un jury composé d'associés directeurs de cabinets d'avocats et de responsables juridiques d'entreprises reconnus, en fonction de critères rigoureusement étudiés tels que le leadership, la qualité remarquable des accomplissements professionnels et des services rendus auprès de ses clients. Associée en litige et membre des barreaux du Québec ainsi que de l'Ontario, Laurence est une avocate accomplie. Spécialisée en litige complexe, son expertise est particulièrement prisée en matière d'action collective et d'appel. Ses clients apprécient son efficacité, ses analyses rigoureuses et sa capacité à proposer un éventail de solutions, souvent hors des sentiers battus, pour l'avancement des dossiers. Engagée auprès de ses clients et de ses collègues, Laurence est également une membre très active de la communauté juridique, illustration de sa polyvalence professionnelle. Elle s'implique ainsi à la fois auprès d'institutions juridiques –elle est, entre autres, membre du groupe d'experts en procédure civile du Barreau du Québec, membre de comités exécutifs de l'Association du Barreau canadien, division Québec, dont la section Recherche et Gestion du savoir et la section International— et d'organismes communautaires, comme le conseil d'administration de la Fondation Claude Masse pour la diffusion des connaissances en droit de la consommation. Forte d'une solide expérience pratique, Laurence s'intéresse également à la recherche et à la formation de la relève: conférencière recherchée, auteure d'une quarantaine d'articles, dont plusieurs dans des revues scientifiques, elle agit à l'occasion comme chargée de cours et participe aux réflexions de divers groupes de recherche universitaires. Félicitations à Laurence pour cette nomination qui témoigne de son talent et de son expertise. Pour plus d'information, nous vous invitions à lire l'article : 2024 Winners | Lexpert Rising Stars (risingstarscanada.com) À propos de Lavery Lavery est le cabinet d'avocats indépendant de référence au Québec. Nous comptons plus de 200 professionnels établis à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières, qui œuvrent chaque jour pour offrir toute la gamme des services juridiques aux organisations qui font des affaires au Québec. Reconnus par les plus prestigieux répertoires juridiques, les professionnels de Lavery sont au cœur de ce qui bouge dans le milieu des affaires et s'impliquent activement dans leurs communautés. L'expertise du cabinet est fréquemment sollicitée par de nombreux partenaires nationaux et mondiaux pour les accompagner dans des dossiers de juridiction québécoise.

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  3. Bernard Larocque nommé juge à la Cour supérieure du Québec

    C'est avec une immense fierté que nous avons accueilli l'annonce du ministre de la Justice qui confirme la nomination de Bernard Larocque comme juge de la Cour supérieure du Québec pour le district de Montréal. La Cour supérieure du Québec est le tribunal de droit commun au Québec qui entend en première instance toute demande en justice qu'une disposition formelle d'une loi n'a pas confiée à un autre tribunal. La Cour supérieure joue un rôle de premier plan dans le système de justice du Québec. Arrivé au cabinet en 1998 au sein du groupe de litige, Bernard Larocque est devenu associé dès 2003. Sa pratique s'est concentrée en litige civil, dont notamment la diffamation, le droit des assurances, l'action collective, la responsabilité professionnelle et le litige administratif. Il a fréquemment plaidé devant les tribunaux, dont la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel du Québec. Son excellence et sa réputation comme avocat plaideur lui ont d'ailleurs valu d'être consacré Fellow par le prestigieux American College of Trial Lawyers (ACTL) en mars 2020. Bernard a aussi toujours rayonné sur le plan communautaire et a été très impliqué au sein du conseil d'administration de Justice Pro Bono pendant plus de vingt ans, conseil qu'il préside depuis 2020. « Bernard rejoint à la magistrature plusieurs de ses anciens collègues et amis du cabinet. Il incarne parfaitement les valeurs de Lavery, animé par l'excellence et la rigueur, un sens profond du devoir et un désir de redonner à la société. Des qualités qui le suivront dans cette prochaine étape importante de sa carrière juridique », conclut Anik Trudel, cheffe de la direction chez Lavery.

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  4. Bernard Larocque nommé avocat de l’année en responsabilité professionnelle par The Best Lawyers in Canada 2023

    Lavery est heureux d'annoncer que l'expertise de Bernard Larocque en responsabilité professionnelle a été reconnue dans l'édition 2023 du répertoire The Best Lawyers in Canada à titre de Lawyer of the Year. Bernard Larocque est un associé au sein du groupe Litige et règlement des différends. Sa pratique porte surtout sur le litige civil dont notamment la diffamation, le droit des assurances, l'action collective, la responsabilité professionnelle et le litige administratif. Il a fréquemment plaidé devant les tribunaux dont la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel du Québec. De plus, il donne régulièrement des conférences sur divers sujets touchant notamment le droit des assurances, la responsabilité et la procédure civile. En plus d'être Fellow de l'American College of Trial Lawyers, son expertise est également reconnue par le répertoire The Canadian Legal LEXPERT® dans le domaine du litige et de l'assurance commerciale depuis 2018.

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  5. La Cour d’appel confirme le rejet de l’action collective contre Bel-Air Laurentien Aviation

    La Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande d’action collective intentée contre notre cliente, Bel-Air Laurentien Aviation. En 2019, dans un jugement étoffé sur le fond, la Cour supérieure avait conclu à l’absence de faute et à l’absence de trouble de voisinage de la part de Bel-Air Laurentien Aviation. La Cour d’appel a confirmé ces conclusions. Myriam Brixi et Laurence Bich-Carrière qui ont mené l’appel de cette affaire sont soulagées pour leur cliente qui faisait face à une action collective estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars. Le magazine L’Actualité avait cité cette affaire comme étant à surveiller en 2018.

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  6. Bernard Larocque nommé avocat de l’année en responsabilité professionnelle par The Best Lawyers in Canada 2022

    Lavery est heureux d'annoncer que l’expertise de Bernard Larocque en responsabilité professionnelle a été reconnue dans l’édition 2022 du répertoire The Best Lawyers in Canada à titre de Lawyer of the Year. Bernard Larocque est un associé au sein du groupe Litige et règlement des différends. Sa pratique porte surtout sur le litige civil dont notamment la diffamation, le droit des assurances, l’action collective, la responsabilité professionnelle et le litige administratif. Il a fréquemment plaidé devant les tribunaux dont la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel du Québec. De plus, il donne régulièrement des conférences sur divers sujets touchant notamment le droit des assurances, la responsabilité et la procédure civile. En plus d’être Fellow de l’American College of Trial Lawyers, son expertise est également reconnue par le répertoire The Canadian Legal LEXPERT® dans le domaine du litige et de l'assurance commerciale.

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  7. Victoire de Lavery : La Cour supérieure rejette l’action collective contre Bel-Air Laurentien Aviation

    Citée comme l’une des affaires à surveiller en 2018 par le magazine l’Actualité, la Cour supérieure a rejeté aujourd’hui la demande d’action collective intentée contre Bel-Air Laurentien Aviation. Dans un jugement étoffé, le Tribunal conclut à l’absence de faute et confirme que les vols touristiques effectués par Bel-Air ne constituent pas un trouble de voisinage. Me Brixi et Me Joizil qui ont mené la défense de cette affaire sont soulagées pour leurs clients qui faisaient face à une action collective estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars.

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  8. Bernard Larocque conférencier au Colloque national sur l’action collective

    Le 23 mars, Bernard Larocque, associé au sein du groupe Litige et règlement des différends, a participé à un panel lors de la 14e édition du Colloque national sur les actions collectives du Barreau du Québec qui avait lieu au Palais des Congrès de Montréal. Intitulée Action collective en matière environnementale, la conférence avait pour objectif de discuter de différentes questions propres aux actions collectives au mérite portant sur des problèmes environnementaux.

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  9. Jean Saint-Onge préside la 13e édition du Colloque national sur les actions collectives

    Les 10 et 11 mars 2016, au Palais des Congrès de Montréal, Jean Saint-Onge, associé au sein du groupe Litige du cabinet, a présidé et animé la 13e édition du Colloque national sur les actions collectives – Développements récents au Québec, au Canada et aux États-Unis organisé par le Service de la formation continue du Barreau du Québec. Ce colloque de deux jours qui jouit d'une grande notoriété, a regroupé pas moins de 40 conférenciers provenant du Canada et des États-Unis qui ont discuté des sujets de l'heure touchant l'action collective. Il s'agit de l'une des plus importantes activités de formation permanente dans le domaine de l'action collective au Canada.  Pour accéder au programme complet du colloque veuillez cliquer ici.

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  10. Demande d’autorisation d’action collective contre la Commission de la construction du Québec représentée par Lavery rejetée

    La Cour supérieure du Québec a refusé le 7 janvier dernier d'accorder l'autorisation de présenter une action collective au nom des monteurs de lignes et de câbles de télécommunication ayant œuvré pour une entreprise de compétence fédérale et qui, depuis l'entrée en fonction de la Commission de la construction du Québec («  CCQ »), verse différentes cotisations et contributions en vertu de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d'œuvre dans l'industrie de la construction, RLRQ, c. R-20. Le représentant du groupe envisagé demandait entre autres le remboursement des cotisations prélevées par la CCQ. Dans la décision Caron c. Fraternité provinciale des ouvriers en électricité-section locale 1676, 2016 QCCS 25,  la juge Chantal Lamarche, j.c.s. a en effet conclut que les conditions pour exercer le recours collectif n’étaient pas réunies.  Elle rejette la demande d’autorisation en raison notamment de la complexité de la preuve à administrer pour déterminer si les entreprises pour lesquelles les membres du groupe envisagé ont travaillé étaient de compétence fédérale ou provinciale et en raison du fait que le remboursement des cotisations demandé soulevait des questions qui n’étaient pas communes aux membres du groupe. Lavery a représenté avec succès la CCQ contre qui la demande d'autorisation d'exercer l'action collective était notamment dirigée. L’équipe était composée de Mes Raymond Doray, Ad.E. et Bernard Larocque assistés de Me Guillaume Laberge. Raymond Doray Bernard Larocque Guillaume Laberge

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  11. Le Magazine Juriste International publie un article de Jean Saint-Onge

    Dans son édition du mois de juillet 2014, le MagazineJuriste international de l’Union Internationale des Avocats (UIA) www.uianet.org, publie un article de Jean Saint-Onge intitulé 'L'action collective comme mesure privilégiée d'accès à la justice - Portrait de ce véhicule procédural au Canada et au Québec'. Pour prendre connaissance de cet article, cliquez ici.

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Publications

  • Quelques actions collectives à surveiller en 2024

    Le Québec est un terreau fertile pour les actions collectives : plus de 550 dossiers sont présentement actifs et il se dépose chaque année entre 50 et 100 nouvelles demandes d’autorisation. Si l’année 2023 a marqué le cinquième anniversaire de la « nouvelle » chambre des actions collectives, plusieurs dossiers sont à surveiller en 2024. En voici quelques-uns. Les opioïdes et l’État: Sanis c. Colombie-Britannique Est-ce que l’État peut être demandeur dans le cadre d’une action collective? Peut-il être demandeur dans le cadre d’une action collective dans un autre État? Peut-il être membre d’une action collective dans un autre État? En 2018, la Colombie-Britannique adopte l’Opioid Damages and Health Care Costs Recovery Act1 [ORA], qui permet au gouvernement d’intenter une action collective relativement aux « méfaits liés aux opioïdes ». L’ORA s’inscrit dans le sillage de la loi visant les « méfaits liés au tabac »2 dont la Cour suprême avait confirmé la constitutionnalité treize ans plus tôt3. La particularité de l’ORA, c’est qu’elle permet non seulement à la Colombie-Britannique d’instituer une telle action en son nom, mais qu’elle lui permet aussi de le faire « au nom d’un groupe composé d’un ou de plusieurs gouvernements du Canada et des provinces ou territoires du Canada », à condition qu’elle ait elle-même entamé des procédures collectives4. C’est la constitutionnalité de cette disposition que conteste Sanis, sans succès en première instance5, ni appel6. Si la Cour d’appel a confirmé la validité de la disposition, elle l’a néanmoins qualifiée de « mesure audacieuse, voire expérimentale, visant à rapprocher le plus possible les actions collectives menées par le gouvernement des procédures véritablement “nationales” au sein de la structure fédérale du Canada »7. L’ORA a fait des petits, pour ainsi dire, chacune des provinces canadiennes adoptant une loi semblable8. Dans ce contexte, c’est sans grande surprise que la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’appel9. L’audience est prévue pour 2024. En parallèle, au Québec, les parties sont dans l’attente d’un jugement sur la demande d’autorisation d’exercer une action collective contre plusieurs compagnies pharmaceutiques10 relativement à la fabrication, à la mise en marché, à la distribution et à la vente d’opioïdes. Dans cette affaire, le demandeur cherche à représenter toutes les personnes au Québec souffrant, ou ayant souffert, d'un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes sur ordonnance fabriqués, commercialisés, distribués et/ou vendus par les défenderesses depuis 1996. Il est désormais acquis qu’une personne peut poursuivre dans une seule action plusieurs défendeurs à qui elle reproche une pratique illégale commune et ce, même si elle ne détient pas de cause d’action directe contre chacun, pourvu qu’elle soit autrement capable de représenter adéquatement les membres qui, eux, ont une telle cause d’action directe11. Le représentant proposé à cette demande d’autorisation sera-t-il en mesure d’assurer son rôle contre une vingtaine d’entreprises ayant commercialisé plus de 150 produits pendant plus d’un quart de siècle? De la compétence des autorités québécoises sur des défenderesses étrangères Des allégations suffisent-elles à asseoir la compétence des autorités québécoises sur des défenderesses étrangères distinctes de leurs filiales, elles, québécoises?12 Et le cas échéant, quelles doivent être les limites géographiques du groupe putatif? Dans l’affaire Bourgeois, le représentant proposé, résident du Québec, souhaite être autorisé à instituer une action collective contre plusieurs sociétés développant et commercialisant des jeux vidéo relativement au mécanisme de type « coffre à butin » qu’il prétend constituer une forme de jeu illégal. Les membres putatifs du groupe ne sont pas limités aux résidents du Québec. Par ailleurs, plusieurs des intimées sont des sociétés étrangères et certaines n’ont aucun établissement au Québec. Certaines ont présenté une exception déclinatoire, que le tribunal a rejetée. S’agit-il là d’un élargissement indu de la définition d’« établissement » au sens de l’article 3148 du Code civil du Québec? Y a-t-il des balises pour déterminer quand cette question doit être traitée? Les réponses sont en suspens puisque la Cour d’appel rendra jugement sur cette question dans les prochains mois, l’appel ayant été entendu le 2 février 2024. En 2023, la Cour d’appel du Québec avait fermé la porte à l’utilisation des principes directeurs de la procédure pour élargir la portée de sa compétence13. Plus tôt cette même année, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait estimé n’avoir pas compétence, faute de « lien substantiel et réel », sur une action collective relative à de fausses représentations faites à l’extérieur de son territoire14, et la Cour supérieure de l’Ontario avait emboîté le pas15. De toute évidence, l’action collective et le droit international privé continuent de croiser, sinon le fer, au moins leurs chemins. Plus de 10 ans après, une action collective suit toujours son cours16 La majorité des actions collectives se règlent avant d’arriver sur le fond. Rien de tel dans le dossier de la tragédie de Lac-Mégantic, où un jugement rendu sur la responsabilité de certaines défenderesses fait l’objet d’un appel. Le 6 juillet 2013 à 1 h 14, le déraillement d’un convoi de wagons-citernes provoque l’embrasement du centre-ville de Lac-Mégantic. Des images de l’accident ferroviaire font le tour de la planète. Une action collective est déposée le 15 juillet 2013. Autorisée le 8 juin 201517, elle est jointe à deux recours civils, l’un du Procureur général du Québec « pour l’ensemble des dommages subis par l’État québécois en raison de cette tragédie », évalué à plus de 231 millions de dollars, l’autre par un groupe d’assureurs18. Ces instances ont également été scindées afin de procéder d’abord sur la responsabilité des défenderesses, soit la Montreal, Maine & Atlantic [MMA] et le Canadien Pacific [CP]19. Le 14 décembre 2022, après un procès de soixante-trois jours étendus sur neuf mois, la Cour supérieure rejette la responsabilité du CP à l’égard du déraillement pour ne retenir que celle de MMA20. Des appels sont formés de part et d’autre en janvier 2023, suspendant la poursuite du dossier en première instance21. L’appel ayant été inscrit à l’automne 2023, une audience est à prévoir en 2024. Les avocats de la demande: entre le groupe et le représentant22? Les avocats du représentant sont-ils les avocats du groupe? Un jugement de première instance suggère de le considérer, si c’est dans l’intérêt du groupe. La Cour d’appel doit se pencher sur la question. La Cour d’appel pourrait être appelée à se prononcer sur ce point de discorde périodique entre les avocats qui agissent surtout en demande et ceux qui agissent surtout en défense : les avocats de la demande ont-ils un lien direct avec les membres du groupe, ou leur lien juridique dépend-il du lien qu’ils ont avec le représentant? Le dossier a pour trame de fond le droit du travail dans les ligues de hockey junior majeur canadiennes. Vers 2020, les parties à trois actions collectives autorisées, une en Alberta, une en Ontario et une au Québec23, conviennent d’une entente de règlement qui comporte une quittance. La portée de cette quittance sera la pierre d’achoppement : les trois tribunaux saisis refusent d’approuver la transaction et renvoient les parties à la table à dessin24. Une nouvelle quittance à la même entente intervient en 2023. Elle est signée par les deux représentants du groupe québécois, Lukas Walter et Thomas Gobeil, les 9 mai et 5 juin 2023. Une date est alors fixée pour l’approbation. Coup de théâtre le 14 juin 2023, Walter et Gobeil indiquent à leurs avocats s’opposer désormais à la transaction modifiée. Des avis de révocation de mandat seront transmis quelques jours avant la date prévue pour l’audience. Les avocats jusque-là au dossier, « soulevant la sauvegarde des intérêts des membres du groupe […] demandent […] au Tribunal de rejeter les avis de révocation »25. Le texte de l’article 576 du Cpc est sans équivoque : c’est le tribunal qui désigne le représentant. La jurisprudence indique également clairement que c’est le représentant qui donne un mandat à son avocat et non l’inverse26. Le représentant bénéficiant, comme tout autre justiciable, du droit à l’avocat de son choix, il était en principe loisible à Walter et à Gobeil de révoquer le mandat de leurs avocats, malgré la participation de ceux-ci depuis le début du dossier. L’affaire se complique lorsque l’on considère, explique la juge de première instance, l’intérêt des membres du groupe. « Qui donc agira au dossier et afin de représenter qui? », écrit-elle27. Ménageant la chèvre et le chou, peut-être, elle constate la révocation des mandats, mais confirme que ces avocats continuent à représenter le groupe et qu’ils « doivent poursuivre leur devoir de représentation du groupe et présenter, pour fins d’approbation, les termes de l’entente de règlement telle que modifiée »28. Autrement dit, elle considère qu’il existe un lien direct entre les avocats de la demande et le groupe. L’affaire, il va sans dire, a été portée en appel. La permission a été entendue le 29 février 2024. Prix supérieur au prix annoncé : quel préjudice? Quel fardeau est imposé aux demandeurs qui souhaitent intenter une action en vertu de l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur,qui prohibe la pratique dite des « frais cachés » ou l’affichage du prix partiel (« drip pricing »)? Un jugement de première instance précise que la simple constatation d’une pratique interdite ne suffit pas à prouver un préjudice. La Cour d’appel se penchera pour la première fois, de jurisprudence rapportée, sur un jugement rendu au fond traitant de l’application de l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur. Dans cette affaire, l’Union des consommateurs reproche à Air Canada de ne pas avoir indiqué, lors de la première étape du processus de navigation pour l’achat de titres de transport en ligne, le montant des taxes, frais, charges et surcharges inclus dans le prix final exigé, ce qui constituerait une contravention de la législation en vigueur. L’Union des consommateurs demande une réduction du prix payé par les membres du groupe, correspondant à la somme de ces « frais cachés », ainsi que des dommages punitifs totalisant 10 millions de dollars. La Cour supérieure a conclu qu’Air Canada avait annoncé un prix inférieur à celui ultimement exigé des membres du groupe. Cette conclusion quant à la faute ne relevait toutefois pas le demandeur de l’obligation de démontrer l’existence d’un préjudice. Or, Air Canada ayant démontré que des avertissements clairement visibles indiquaient que les prix annoncés ne comprenaient pas tous les frais exigés, la Cour a conclu que la pratique interdite n’était pas « susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la formation, à la modification ou à l’exécution du contrat de consommation »29. Le préjudice n’étant pas démontré, aucune réparation n’a été accordée. Quant aux dommages punitifs, la preuve ne démontrait pas non plus qu’Air Canada s’était livrée à une « conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse ». De plus, Air Canada avait cessé la pratique litigieuse avant que l’action en justice ne soit autorisée. L’appel a été interjeté le 28 décembre 2022 et devrait être entendu cette année. L’arrêt à intervenir aura des répercussions importantes sur plusieurs actions collectives en cours fondées sur l’article 224 c) de la Lpc. L’arrêt apportera certainement un éclairage intéressant quant à la preuve de préjudice requise et à l’impact réel de la pratique interdite sur les décisions d’achat des consommateurs. Dévalorisation des permis de taxi La Cour supérieure va-t-elle conclure qu’en adoptant la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile30, le gouvernement du Québec a exproprié les propriétaires de taxis sans verser une compensation juste et raisonnable? La Cour supérieure entendra, du 1er au 24 avril 2024, une action collective portant sur la baisse des revenus dans l’industrie du taxi, attribuée à l’arrivée d’Uber, une plateforme de transport en ligne qui a transformé le paysage des déplacements urbains en mettant en relation les utilisateurs avec des chauffeurs indépendants via une application mobile. Le recours a été autorisé en 201831. Le représentant, titulaire d’un permis de taxi, représente un groupe de chauffeurs et de propriétaires de taxi. Il allègue que ses pertes de revenus et la dépréciation de la valeur des permis ont été causées par l’autorisation accordée par le législateur aux activités d’Uber. Il soutient que l’exemption que la loi en cause donne à Uber relativement aux frais de permis de taxi et le non-encadrement des tarifs de course pour ses chauffeurs ont permis à Uber d’exiger des tarifs nettement inférieurs à ceux des opérateurs de taxi soumis à la réglementation. Dans cette affaire, il sera intéressant de voir si les fondements du droit d’expropriation, qui établissent qu’aucune expropriation ne peut avoir lieu sans compensation en matière de droit de propriété, seront appliqués par la Cour supérieure sur une base collective. Des honoraires conditionnels à la participation des membres? La Cour peut-elle subordonner le plein paiement des honoraires des avocats de la demande à l’atteinte d’un taux de participation des membres du groupe, alors même qu’elle a déjà retenu que les honoraires convenus dans l’entente de règlement étaient raisonnables? Après l’autorisation d’une action collective relativement à l’utilisation fausse ou trompeuse du mot « champagne » par une compagnie aérienne qui servait plutôt un vin mousseux sans appellation contrôlée32, les parties ont convenu d’un règlement octroyant aux membres du groupe le bénéfice d’un rabais de 7% sur leur prochain achat, à être effectué dans les trois prochaines années, sans aucune restriction. Le règlement prévoyait également le paiement de 1 500 000 $ aux avocats du demandeur, le remboursement des frais d’expertise et une enveloppe d’au plus 20 000 $ pour maximiser la visibilité du règlement sur les médias sociaux, sans incidence sur la compensation de 7% offerte aux membres. Le jugement approuvant le règlement autorise le paiement immédiat de 751 450 $ d’honoraires extrajudiciaires aux avocats de la demande, mais conditionne le versement du solde à l’atteinte d’un taux de participation de 50% des membres, soit 469 398 réclamations33. Le demandeur porte cette décision en appel, et obtient la permission de le faire34. En parallèle, il demande la rétractation, la rectification et la clarification du jugement, notamment au motif que l’article 593 du Cpc ne permet pas de subordonner le paiement définitif des honoraires à l’atteinte d’un taux de recouvrement, et que le taux de 50% est excessif. Cette demande n’est accueillie qu’au deuxième motif, et le taux de participation de 50% est réduit à 10%, soit 93 880 réclamations35. Le demandeur interjette appel de cette seconde décision. Le jugement qui lui accorde la permission de le faire joint les deux appels36. Les mémoires devraient être déposés au courant de l’année 2024. Quelques décisions déjà ont suggéré qu’une corrélation était nécessaire entre les honoraires des avocats de la demande et la participation des membres au bénéfice négocié pour eux37. L’arrêt de la Cour d’appel à intervenir aura certainement des incidences importantes sur les futurs règlements et apportera un éclairage intéressant quant au pouvoir discrétionnaire des juges de première instance d’imposer des conditions relatives aux honoraires des avocats de la demande. Écoblanchiment : l’action collective au service de l’environnement? L’action collective contre les fausses représentations concernant les sacs « recyclables » sera-t-elle autorisée par la Cour supérieure38? Le droit de la consommation est-il une porte d’entrée pour demander aux tribunaux de répondre à des préoccupations environnementales? Depuis quelques années, plusieurs entreprises ont adopté des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (mieux connues sous l’acronyme « ESG »), soit des critères de performance dans ces domaines. Cependant, certains observateurs remettent en question la sincérité de ces actions, les considérant parfois comme des stratégies de relations publiques plutôt que de véritables efforts pour réduire leur empreinte environnementale ou améliorer leur impact social. Dans ce contexte, il sera intéressant de suivre l’évolution d’une action collective portant sur des allégations trompeuses concernant des sacs présentés par plusieurs grandes surfaces comme étant « recyclables », alors qu’ils ne seraient en réalité que réutilisables puisque mis au rebut par les centres de tri au Québec. L’autorisation de cette action collective, qui n’a pas encore eu lieu, pourrait ouvrir la voie à de nouvelles actions similaires. Les entreprises qui ont adopté des pratiques ESG et qui mettent de l’avant leur engagement devraient prêter une attention particulière à l’issue de ce dossier. SBC 2018, c 35. Tobacco Damages and Health Care Costs Recovery Act, SBC 2000, c. 30. Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada ltée, 2005 CSC 49. Sandoz Canada Inc. v. British Columbia, 2023 BCCA 306, par. 2. British Columbia v. Apotex Inc., 2022 BCSC 2147. Sandoz Canada Inc. v. British Columbia, 2023 BCCA 306. Sandoz Canada Inc. v. British Columbia, 2023 BCCA 306, par. 3. Le Québec est le dernier à avoir adopté la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés aux opioïdes, LQ 2023, c 25, qui a été sanctionnée et est entrée en vigueur le 2 novembre 2023. Sanis Health Inc. v. Colombie-Britannique, CSC No. 40864 (9 novembre 2023). Des trente-quatre défenderesses d’origine, un certain nombre ont convenu d’un règlement amiable. Le cabinet Lavery, de Billy représente l’une des défenderesses ayant réglé. Banque de Montréal c. Marcotte,2014 CSC 55, par. 43. Bourgeois c. Electronics Arts Inc., 2023 QCCS 1011, permission accordée: Electronics Arts Inc. c. Bourgeois, 2023 QCCA 826, j. unique. Otsuka Pharmaceutical Company Limited c. Pohoresky, 2022 QCCA 1230, autorisation de pourvoi refusée : CSC no 40452 (25 mai 2023). Hershey Company v. Leaf, 2023 BCCA 264. Gebien v. Apotex Inc.., 2023 ONSC 6792. Le cabinet Lavery, de Billy a représenté un des défendeurs entre 2013 et 2016. Ouellet c. Rail World inc., 2015 QCCS 2002, modifiée par Ouellet c. Canadian Pacific Railway Company, 2016 QCCS 5087. Ouellet c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2017 QCCS 5674. Deux autres dossiers civils ont été suspendus dans le sillage de ces trois dossiers, l’un par le même jugement, l’autre par 9020-1468 Québec inc. c. Canadian Pacific Railway Company, 2019 QCCS 366. Ouellet c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2017 QCCS 5674. Ouellet c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2022 QCCS 4643. Ce n’est que depuis le 30 juin 2023 que l’article 211 du Cpc interdit que soit immédiatement porté en appel le jugement rendu dans une instance scindée qui n’y met pas fin; il n’y avait donc pas lieu de s’interroger sur les conséquences d’une éventuelle chose jugée asymétrique dans le cas d’un jugement ne mettant que partiellement fin à une telle instance. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655. Walter v. Western Hockey league, 2017 ABQB 382; Berg v. Canadian Hockey League, 2017 ONSC 2608 et Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2019 QCCS 2334. Walter c. Western Hockey League, 2020 ABQB 631; Berg c. Canadian Hockey League, 2020 ONSC 6389 et Walter c. Ligue de hockey junior majeur du Québec Inc. 2020 QCCS 3724. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655, par. 13. Deraspe c. Zinc électrolytique du Canada ltée, 2018 QCCA 256, par. 38 et s. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655, par. 23. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655, par. 24. Union des consommateurs c. Air Canada, 2022 QCCS 4254, par. 113, citant Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, par. 125. Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile, RLRQ c T-11.2. Metellus c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 4626. Macduff c. Vacances Sunwing inc., 2018 QCCS 1510. MacDuff c. Vacances Sunwing inc., 2023 QCCS 343. MacDuff c. Vacances Sunwing inc.,2023 QCCA 476, j. unique. MacDuff c. Vacances Sunwing inc., 2023 QCCS 4125. MacDuff c. Vacances Sunwing inc., 2024 QCCA 61, j. unique. P. ex., Daunais c. Honda Canada inc., 2022 QCCS 2485, par. 132-133. Cohen c. Dollarama et al., CS 500-06-001200-225.

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  • L’assureur – Une hydre à deux têtes

    Le 30 janvier 2023, la Cour d’appel du Québec a rendu l’arrêt Commission scolaire De La Jonquière c. Intact Compagnie d’assurance1. Dans cette affaire, il est principalement question des risques de conflits inhérents aux polices d’assurance responsabilité et de l’obligation de communication de documents lorsque l’obligation de défendre de l’assureur s’oppose à son obligation d’indemniser l’assuré. Les faits Cette affaire s’inscrit dans le contexte d’une action collective reprochant à l’ensemble des commissions scolaires du Québec — maintenant les centres de service scolaire — d’avoir porté atteinte au droit à la gratuité de l’éducation primaire et secondaire. Dans le cadre de cette action collective, les CSS ont intenté un recours en garantie contre leurs assureurs, afin d’être indemnisés pour tout montant qu’ils pourraient être tenus de verser. Pour leur part, les assureurs avaient reconnu leur obligation de défendre les appelantes dans le cadre du litige principal. Toutefois, ils maintenaient que la réclamation n’était pas couverte par le contrat d’assurance. À la suite de négociations, un règlement est intervenu entre les parties à l’action collective. Le recours en garantie contre les assureurs quant à lui se poursuit. Lors des interrogatoires préalables du recours en garantie, les assureurs ont demandé à obtenir l’ensemble des communications entre les appelantes et leur avocat depuis le début du litige principal. Les CSS se sont opposés à cette demande en invoquant le secret professionnel et le privilège relatif au litige. La Cour devait donc trancher sur le bien-fondé de cette objection. En première instance La Cour supérieure, s’inspirant de l’arrêt Domtar2, rejette l’objection des CSS, estimant que ces derniers ont renoncé à invoquer le secret professionnel concernant tout ce qui a trait au caractère raisonnable du règlement. Selon la Cour, cette renonciation s’infère de certaines allégations et de la communication de certains documents dans le cadre du recours en garantie. La Cour conclut que les appelantes doivent fournir aux assureurs les documents, les analyses de risques, les lettres, les échanges avec les appelantes et les expertises en lien avec le caractère raisonnable du règlement depuis le début du litige principal. Elle omet toutefois, selon la Cour d’appel, de prendre le soin d’encadrer cette transmission et de réserver aux CSS le droit de soulever de nouvelles objections en lien avec ces documents. En appel La Cour d’appel se penche sur les conflits que peut causer la double responsabilité des assureurs : leur obligation de défendre et leur obligation d’indemniser les assurés. À cet effet, elle décrit l’assureur responsabilité et son rôle comme suit : « [20] L’assureur responsabilité est en réalité une hydre à deux têtes. Une espèce de créature bicéphale qui possède une identité corporative unique, mais dont une tête voit à la défense de l’assuré alors que l’autre veille aux intérêts financiers de l’assureur en s’assurant qu’il n’indemnise que les pertes couvertes. Chacune de ces têtes doit prendre ses décisions en fonction de l’intérêt qu’elle défend et de l’information dont elle dispose. [21] Cette séparation doit être préservée afin de donner effet au contrat d’assurance. […] Le potentiel de conflit d’intérêts est donc bien réel et l’assureur se doit par conséquent de mettre en place des mesures lui permettant de respecter la couverture offerte par la police, tout en assurant la défense pleine et entière de son assuré. » Quant aux obligations déontologiques de l’avocat mandaté par l’assureur de représenter l’assuré, la Cour énonce qu’il devient à tous égards l’avocat de ce dernier; il lui doit une loyauté absolue. Ainsi, le secret professionnel de la relation entre l’assuré et l’avocat est opposable à l’assureur. Toutefois, l’avocat devra faire rapport de l’évolution du dossier à la tête de l’assureur voyant à la défense de l’assuré. La Cour énonce alors qu’il est essentiel dans ce contexte que l’information ainsi obtenue soit uniquement accessible à cette part de l’assureur et que celui-ci mette en place les mesures nécessaires afin de respecter cette ségrégation. La Cour d’appel conclut que le juge de première instance n’a commis aucune erreur en concluant que les CSS se devaient de fournir les éléments nécessaires à l’examen du caractère raisonnable du règlement intervenu aux assureurs. Toutefois, pour ce faire, un mécanisme d’exclusion réservant la possibilité aux CSS de s’opposer à la communication de certaines informations pourra être mis en place. Également, la Cour confirme que rien ne permet de conclure que les appelantes ont renoncé au secret professionnel ou au privilège relatif au litige concernant l’ensemble de leurs échanges avec leur avocat. Ces informations doivent demeurer protégées par le secret professionnel et ne peuvent donc pas être communiquées à la personne chez l’assureur responsable du dossier d’indemnisation. Il en va de même pour les comptes d’honoraires, les rapports, les opinions et les autres documents transmis à la personne chez l’assureur responsable de la défense, sauf renonciation de la part de l’assuré. Conclusion Cette affaire met en lumière les conflits que peuvent soulever la dualité et les distinctions entre les obligations des assureurs de défendre leurs assurés et celle de les indemniser. Bien qu’elle autorise la communication des éléments visant à vérifier le caractère raisonnable d’un règlement sur les plans qualitatif et quantitatif, la Cour conclut que plusieurs informations et documents strictement propres à la défense des assurés n’ont pas à être communiqués. Ce faisant, elle rappelle la double responsabilité des assureurs et l’importance pour ceux-ci de préserver l’indépendance du traitement des dossiers lorsqu’un assureur accepte d’assumer la défense, mais maintient son refus d’indemniser son assuré. Commission scolaire De La Jonquière c. Intact Compagnie d’assurance, 2023 QCCA 124. Chubb Insurance company of Canada c. Domtar,2017 QCCA 1004.

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  • Perte de renseignements personnels : la Cour supérieure rejette une action collective

    Dans une décision rendue le 26 mars 2021, la Cour supérieure a rejeté une action collective entreprise à l’encontre de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (« OCRCVM ») liée à la perte des renseignements personnels de milliers d’investisseurs canadiens1. L’absence d’une preuve de préjudice indemnisable ainsi que la diligence de l’OCRCVM constituent les principaux motifs du rejet de l’action collective. Les faits Le 22 février 2013, un inspecteur de l’OCRCVM a oublié son ordinateur portable dans un lieu public. L’ordinateur, qui contenait des renseignements personnels d’environ 50 000 Canadiens n’a jamais été retrouvé. Ces renseignements avaient initialement été recueillis par différents courtiers en valeurs mobilières sous la surveillance de l’OCRCVM. Monsieur Lamoureux, dont les renseignements étaient contenus dans l’ordinateur, a intenté une action collective au nom de toutes les personnes ayant vu leurs renseignements personnels perdus dans le cadre de cet incident. Il réclamait des dommages compensatoires pour le stress, l’anxiété et l’inquiétude liés à la perte des renseignements personnels ainsi qu’une compensation pour le préjudice lié à l’usurpation ou aux tentatives d’usurpation de l’identité des membres. Il réclamait également des dommages punitifs pour atteinte illicite et intentionnelle au droit au respect de la vie privée protégé par la Charte québécoise des droits et libertés. Sur ce point, les membres prétendaient que l’OCRCVM aurait été insouciante et qu’elle aurait tardé à aviser les personnes concernées, les courtiers et les autorités compétentes. Décision L’action collective est rejetée en totalité. Les dommages compensatoires La Cour supérieure a d’abord pris acte de l’admission de l’OCRCVM qui ne contestait pas avoir commis une faute en raison de la perte de l’ordinateur et du fait que ce dernier n’était pas crypté conformément à ses politiques internes et aux standards de l’industrie. En ce qui a trait aux dommages compensatoires, la Cour a réitéré le principe selon lequel l’existence d’une faute ne présuppose pas celle d’un préjudice; chaque cas doit s’analyser en fonction de la preuve administrée2. En l’espèce, le préjudice allégué par les membres se résumait à : l’inquiétude, la colère, le stress et l’anxiété ressentis face à l’incident; l’obligation de surveiller leurs comptes financiers, notamment les cartes de crédit et comptes bancaires; les inconvénients et la perte de temps pour faire les démarches auprès des agences de renseignements de crédit et veiller à la protection de leurs renseignements personnels; la honte ressentie et les délais occasionnés par la vérification d’identité dans le cadre de leurs demandes de crédit en raison des alertes à leurs dossiers. Dans son analyse, la Cour a retenu que hormis le fait que les membres ont été troublés de façon générale par la perte de leurs renseignements personnels, aucune preuve n’a été faite de difficultés particulières et significatives liées à leur état psychologique. S’appuyant sur l’arrêt Mustapha c. Culligan du Canada Ltée3, la Cour a réitéré que « le droit ne reconnaît pas les contrariétés, la répulsion, l’anxiété, l’agitation ou les autres états psychologiques qui restent en deçà d’un préjudice ». Si le préjudice n’est pas grave et de longue durée et qu’il se limite à des désagréments et craintes ordinaires tributaires de la vie en société, il ne constitue pas un dommage indemnisable. En l’espèce, la Cour a conclu que les sentiments négatifs ressentis à la suite de la perte de renseignements personnels ne permettaient pas de dépasser le seuil des désagréments, angoisses et craintes ordinaires que les personnes vivant en société doivent accepter. Le fait d’avoir à exercer une surveillance plus accrue de ses comptes personnels ne peut se qualifier de préjudice indemnisable puisque les tribunaux assimilent cette pratique à celle « d’une personne raisonnable qui doit protéger ses actifs »4. La Cour a aussi tenu compte du fait que l’OCRCVM a offert gratuitement aux membres l’abonnement à des services de surveillance de crédit et de protection. Par conséquent, elle a conclu qu’aucun dommage ne pouvait être compensé à ce titre. Enfin, les experts ayant été mandatés pour analyser les circonstances et les utilisations illicites des renseignements personnels des investisseurs ont conclu que rien n’indiquait clairement que ces renseignements étaient tombés entre les mains d’un individu ou d’un groupe d’individus à des fins malveillantes bien que la preuve de l’utilisation illicite des renseignements personnels ne soit pas essentielle pour faire valoir une réclamation. Les dommages punitifs Le demandeur, au nom de l’ensemble des membres du groupe, réclamait en outre des dommages punitifs en alléguant que l’OCRCVM aurait fait preuve d’insouciance dans sa gestion de l’incident. Afin d’analyser la diligence de l’OCRCVM, la Cour a retenu les faits suivants.  Dans la semaine suivant la perte de l’ordinateur le 22 février 2013, l’OCRCVM a déclenché une enquête interne. Le 4 mars 2013, l’enquête a révélé que l’ordinateur contenait vraisemblablement les renseignements personnels de milliers de Canadiens. L’OCRCVM a porté plainte à la police. Le 6 mars 2013, elle a mandaté Deloitte pour recenser les renseignements personnels des individus visés, les firmes de courtage et les individus affectés ainsi que pour l’assister dans la gestion des risques et obligations liés à la perte des renseignements personnels. Le 22 mars 2013, Deloitte a informé l’OCRCVM que l’ordinateur contenait des informations « hautement sensibles » et « de sensibilité accrue » de milliers d’investisseurs canadiens. Le 27 mars 2013, l’OCRCVM a avisé la Commission d’accès à l’information (la « CAI ») et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Entre le 8 et le 9 avril 2013, l’OCRCVM a rencontré les représentants des firmes de courtage affectés. En parallèle, l’OCRCVM a mandaté des agences de renseignements de crédit pour mettre en place des mesures de protection pour les investisseurs et les firmes de courtage. Elle a également mis en place un centre d’appels bilingue, publié un communiqué relatant la perte de l’ordinateur et transmis une lettre aux investisseurs concernés. La Cour a aussi retenu la preuve d’expert selon laquelle la réponse de l’OCRCVM correspondait aux meilleures pratiques de l’industrie et que les mesures mises en place étaient appropriées dans les circonstances et conformes à d’autres réponses à des incidents de même nature. À la lumière de ces éléments, la Cour a conclu que la perte de l’ordinateur non crypté et la violation du droit à la vie privée qui en découle étaient isolées et non intentionnelles et a en conséquence rejeté la réclamation pour dommages punitifs. Il en ressort que l’OCRCVM n’a pas fait preuve d’insouciance, mais a plutôt agi en temps opportun. Commentaires Cette décision pave la voie dans l’analyse de la conduite diligente d’une entreprise qui verrait les renseignements personnels qu’elle détient potentiellement compromis et confirme qu’une réponse rapide et diligente à un incident de sécurité peut permettre de faire obstacle à une poursuite civile. Cette affaire confirme également que la seule perte des renseignements personnels, aussi sensibles soient-ils, n’est pas suffisante en soi pour justifier une compensation financière, encore faut-il la démonstration probante d’un dommage. Or, les contrariétés et les inconvénients passagers de nature ordinaire ne constituent pas un préjudice indemnisable. La surveillance de ses comptes financiers ne constitue pas une démarche exceptionnelle, mais est plutôt considérée comme la norme à laquelle on s’attend d’une personne raisonnable qui protège ses actifs. Au moment d’écrire ce bulletin, le délai d’appel n’était pas écoulé et le demandeur n’avait pas annoncé ses intentions quant à la possibilité d’appeler du jugement. Lamoureux c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2021 QCCS 1093. Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2014 QCCS 4061, par. 21 et 22. Mustapha c. Culligan du Canada Ltée, 2008 CSC 27, [2008] 2 R.C.S. 114 Lamoureux c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, 2021 QCCS 1093, par. 73.

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  • Jugement d'intérêt pour l’industrie du divertissement

    L’organisateur d’un événement est-il responsable du retard d’un artiste? Il faut regarder le contexte, répond la Cour supérieure, en rejetant la demande d'autorisation d'exercer une action collective contre Gestion Evenko inc.1 relativement au retard de Travis Scott lors du Festival musique et arts Osheaga à l'été 2018. Aperçu de la première action collective québécoise en la matière. Contexte Organisé par la défenderesse Evenko, le festival Osheaga se présente comme une grande fête dédiée à la musique et aux arts visuels où, pendant trois jours, des artistes de tous genres offrent des prestations sur les nombreuses scènes extérieures aménagées au parc Jean-Drapeau de l’île Notre-Dame. Le rappeur Travis Scott était au programme de la soirée du 3 août 2018. Sa prestation était prévue de 21 h 45 à 22 h 55 sur la scène de la Rivière. Désireuse d'assister à ce concert, la demanderesse, détentrice « d'une passe » week-end, s'y installe dès 20 h 45. Malheureusement, Travis Scott est retenu aux douanes ce soir-là. La séquence des événements peut se résumer ainsi : À 21 h 55, Evenko affiche un premier message sur les écrans géants du site, indiquant que le spectacle serait retardé pour une raison hors de son contrôle. À 22 h 15, Evenko diffuse un second message, sur les écrans géants et par Twitter, indiquant que Travis Scott a été retardé aux douanes et qu’il est en route pour l’île Notre-Dame. À 22 h 30, la demanderesse quitte les lieux; elle allègue n'avoir pas cru Evenko, craindre le couvre-feu et trouver la foule agressive. À 22 h 40, Evenko diffuse un troisième message sur les écrans géants, confirmant l'arrivée de Travis Scott sur l'île. À 22 h 55, Evenko diffuse un quatrième message, annonçant aux festivaliers que le spectacle est sur le point de commencer. Le spectacle commence à 23 h, pour se terminer vers 23 h 40. Une demande d'autorisation d'exercer une action collective est déposée le lendemain. La demanderesse cherche à représenter près de 50 000 festivaliers qui, selon elle, auraient subi un préjudice imputable à Evenko. Elle prétend que le retard de 90 minutes de Travis Scott constitue une inexécution contractuelle telle de la part d'Evenko que tous les membres du groupe devraient pouvoir obtenir un remboursement équivalent à la valeur « d'une passe » quotidienne. Jugement Procédant à l'analyse exigée par l'article 575 C.p.c., le juge André Prévost conclut que les faits allégués ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées. La demande d’autorisation d’exercer une action collective est par conséquent rejetée. D'entrée de jeu, le tribunal met en doute certaines allégations de la demande : par exemple, l'affirmation « de la demanderesse que la prestation de Travis Scott a été la considération principale du contrat conclu avec Evenko » lui semble incompatible avec le fait qu'elle ait acheté « une passe » de trois jours (par. 51, 56); de même, aucune preuve ne soutient sa prétention que la foule était agressive (par. 54). Ce sont toutefois surtout deux lacunes du syllogisme juridique qui mènent le tribunal à conclure que la demande d’autorisation ne présente pas une cause défendable ayant quelque chance de succès (par. 66). D'abord, le tribunal refuse de réduire l'expérience du festival Osheaga à une seule performance, même celle d'une tête d’affiche. Il qualifie plutôt l'événement « d’expérience globale […] dont l’intérêt réside dans la multiplicité et la simultanéité des expériences culturelles » (par. 48). En effet, aux artistes invités, musicaux, culturels, du cirque, s'ajoutent diverses activités, foires, croisières, remises de prix, pour n'en nommer que quelques-unes (par. 48). Il souligne que l'ensemble des documents ayant trait à la programmation et à l’horaire d’Osheaga contient l’un ou l’autre des avertissements suivants : « Horaire et programmation sujets à changement » ou « Artistes et horaire sujets à changement » (par. 47). De tels avertissements constituent une indication forte que de tels retards sont loin d'être inusités ou, dans les mots du tribunal,  «[ce] n’est pas chose exceptionnelle pour qui fréquente le milieu culturel » (par. 57). Dans ce contexte, aucune faute ne peut être reprochée à Evenko. Le tribunal poursuit son analyse ajoutant que, même s'il y avait faute, ce qui n'est pas le cas, la situation n'a entraîné aucun préjudice indemnisable : citant les arrêts Sofio2 et Mustapha3, le tribunal rappelle qu'une simple contrariété n'est pas un préjudice et que, dans les faits, « rien ne démontre que le retard dans la prestation de Travis Scott ait comporté des inconvénients plus graves que ceux subis habituellement par les personnes participant à des festivals de cette nature » (par. 65). Bref, dans le cadre d'un festival multigenre, le retard d'un artiste ne constitue pas nécessairement un préjudice indemnisable et n'équivaut pas automatiquement à un défaut du promoteur d'exécuter ses obligations. Que retenir? La décision est d'importance pour l'industrie de l'événementiel en ce qu'elle reconnaît que l'organisateur d'un événement d'envergure doit parfois faire face à des imprévus et qu'il dispose d'une marge de manœuvre raisonnable pour s'ajuster. Bien sûr, chaque situation sera un cas d'espèce, mais un promoteur bien avisé prendra soin d'indiquer dans sa documentation que des changements sont possibles. La décision reconnaît également qu'une expérience culturelle globale dépasse la somme de ses composantes : le retard d'un seul artiste n'annule pas l'ensemble. Cette conclusion est susceptible de s'appliquer à plusieurs autres industries : Osheaga offre un exemple type d'un ensemble de prestations distinctes et simultanées, mais c'est également le cas de l'ensemble des manèges d'un parc d'attractions ou de chacune des sections d'un jardin zoologique. Nos associées, Myriam Brixi et Laurence Bich-Carrière ont représenté avec succès les intérêts d'Evenko dans ce dossier.   Le Stum c. Gestion Evenko inc.,  2019 QCCS 2422. Le délai d'appel a expiré le 22 juillet 2019. Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2015 QCCA 1820. Mustapha c. Culligan du Canada ltée, [2008] 2 RCS 114, 2008 CSC 27.

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  • Cyberattaque : la Cour supérieure rejette la demande d’autorisation d’une action collective contre Yahoo! Inc.

    La Cour supérieure du Québec rejette la demande d’autorisation d’une action collective visant à condamner Yahoo! Inc.1 ( « Yahoo! ») à verser des dommages-intérêts en raison de cyberattaques ayant porté atteinte à la confidentialité des données de ses usagers. Contexte En septembre 2016, Yahoo! publie un communiqué de presse annonçant que près de 500 millions de ses usagers auraient été victimes d’une cyberattaque qui remonte à 2014. En décembre 2016, la compagnie informe ses usagers d’une autre cyberattaque qui, pour sa part, aurait eu lieu en 2013. En février 2017, les usagers sont informés du fait que l’utilisation de cookies falsifiés aurait permis à un tiers d’accéder aux renseignements contenus dans leur compte entre 2015 et 2016. Alors qu’une action collective est intentée en Ontario en décembre 2016, une demande d’autorisation d’exercer une action collective est déposée au Québec le mois suivant avec pour objet l’indemnisation des usagers victimes d’une ou de plusieurs de ces cyberattaques. Le jugement Absence d’une cause d’action défendable Après avoir limité la taille du groupe aux résidents québécois dont les renseignements ont été perdus et/ou volés entre 2013 et 2019, la Cour aborde le critère du paragraphe 2 de l’article 575 du Code de procédure civile. Suivant ce critère, la demanderesse doit démontrer que les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. La Cour doit distinguer les allégations factuelles des arguments, des opinions, des inférences et des hypothèses non étayées, ainsi que des affirmations peu plausibles ou fausses. Cette analyse s’effectue à la lumière du recours de la demanderesse. En l’espèce, la demanderesse possède un compte de courriel avec Yahoo!. Elle allègue qu’elle a subi un préjudice puisque son compte aurait été piraté lors de la cyberattaque de 2013, bien que les informations compromises ne soient pas encore connues. Elle ajoute qu’elle subit un préjudice additionnel en raison de la menace « imminente » et « certaine » de vol d'identité et de fraude découlant de la vente de ses renseignements sur le marché noir et de leur utilisation par des criminels. Elle aurait également été embarrassée puisque certains de ses amis auraient reçu des pourriels en son nom. Elle doit désormais prendre des mesures pour protéger ses renseignements personnels et financiers. Fort des principes dégagés par les arrêts Sofio2 et Mustapha3, la Cour réitère que la démonstration d'une faute alléguée ne présuppose pas l'existence d'un préjudice et que ce dernier doit être sérieux et de longue durée. L'embarras et les inconvénients passagers de nature ordinaire ne constituent pas des dommages indemnisables. Contrairement aux allégations de la Demande, la Cour estime que les réponses de la demanderesse lors de son interrogatoire démontrent qu’elle n'a aucune raison de croire qu'elle a été victime d'un vol d'identité ou d'une fraude puisqu'elle n'a pas identifié de frais suspects et n'a pas reçu de mauvais dossier de crédit. De plus elle continue à utiliser son compte Yahoo! et a admis ne pas avoir acheté de services de protection de l'identité tels que la surveillance du crédit. Ainsi, le seul préjudice qu’aurait subi la demanderesse est le fait qu’elle a dû changer ses mots de passe dans tous les comptes associés à son adresse de courriel Yahoo! et l'embarras subi en raison des pourriels qui ont été envoyés à ses amis. Sur ce point, la Cour remarque qu’aucun des pourriels n’a été déposé au dossier de la Cour et qu’aucun récipiendaire de ses pourriels n’a subi de préjudice. Par conséquent, la Cour conclut que la demanderesse n'a pas démontré l'existence d'une cause défendable. La Cour distingue les faits en l’espèce de ceux des jugements Zuckerman4 et Belley5 où les demandeurs avaient engagé des dépenses pour la protection de leurs renseignements ou avaient été victimes de fraude ou de vol d’identité. Absence d’une représentation adéquate La représentation adéquate suppose que le représentant proposé détient une réclamation personnelle valable. Or, un recours en responsabilité civile exige la démonstration d’un dommage, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. En résumé : Il ne suffit pas d’alléguer l’existence d’une faute, encore faut-il qu’un dommage en découle; La notion de « préjudice indemnisable » doit dépasser la simple contrariété. Conclusion Les recours pour atteinte à la protection des données ont augmenté de façon exponentielle au cours des dernières années. Le cybercrime est devenu le deuxième type de fraude financière le plus courant. Toute entreprise qui conserve des données sur ses clients devrait être au fait des risques associés aux cyberattaques et des litiges qui pourraient en découler. Afin de minimiser les risques, plusieurs mesures peuvent être mises en place, telles que l’adoption d’un plan de réponse aux cyberattaques, la formation aux employés et la mise à jour régulière des mesures de sécurité. À titre d’exemple, les normes PCI DSS (normes de sécurité des données de l'industrie des cartes de paiement) offrent un cadre détaillé permettant aux entreprises de mettre en place des processus de transactions sécuritaires. Pour bien guider les entreprises, il est recommandé de consulter un spécialiste en TI ou d’embaucher un expert à l’interne. Il est également souhaitable de contacter son assureur pour vérifier l’étendue de sa police d’assurance et se prémunir, le cas échéant, d’une assurance cyber risques. Pour les praticiens en actions collectives, ce jugement démontre encore une fois l’importance de ne pas sous-estimer l’incidence que peut avoir l’interrogatoire du représentant proposé sur l’issue du litige.   Bourbonnière c. Yahoo! Inc., 2019 QCCS 2624 Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2015 QCCA 1820. Mustapha c. Culligan of Canada Ltd, 2008 SCC 27. Zukerman c. Target Corporation, 2015 QCCA 1809. Belley c. TD Auto Finance Services Inc/Services de financement auto TD inc, 2015 QCCS 168/2015 QCCA 1255.

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  • L’arrêt Time fait encore couler de l’encre

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Le droit de la consommation et la procédure d’action collective font bon ménage. Dans le récent arrêt Girard1, la Cour d’appel du Québec, sous la plume de l’honorable Jacques Dufresne, rappelle certains principes devant guider les tribunaux de première instance dans l’analyse factuelle d’un dossier en droit de la consommation. Ce faisant, la Cour d’appel passe en revue et applique dans le contexte d’une action collective les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Time2. LA PRÉSOMPTION ABSOLUE DE PRÉJUDICE L’arrêt Time concernait en un recours individuel institué par M. Jean-Marc Richard sur le fondement de fausses représentations quant à l’annonce faite par Time suivant laquelle il avait remporté le gros lot d’un concours auquel il n’avait pas participé. Dans cette affaire qui mettait en cause une violation de la Loi sur la protection du consommateur3, la Cour suprême a énoncé quatre critères pour déterminer si un consommateur peut bénéficier d’une présomption absolue de préjudice et, donc, de l’un des remèdes prévus à l’article 272 de la LPC : La violation par le commerçant ou le fabricant d’une des obligations imposées par le titre II de la loi; La prise de connaissance par le consommateur de la représentation constituant la pratique de commerce interdite; La formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance; Une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat.4 L'affaire Girard pour sa part, se présentait comme une action collective fondée sur de fausses représentations quant au calcul d’un rabais offert par un prestataire de services de télédistribution, d’Internet et de téléphonie. Plus précisément, M. Girard reprochait au prestataire de services de ne pas avoir dénoncé à ses abonnés des frais de 1,5 % payables au Fonds pour l’amélioration de la programmation locale (FAPL) et de les avoir mal calculés.5.La Cour supérieure a accueilli l'action collective et condamné le prestataire de service à verser aux membres du groupe près de 6,5 M$ en dommages compensatoires et 1 M$ en dommages punitifs. Le prestataire de services s'est pourvu en appel. Fait particulier, la juge de première instance avait estimé ne pas avoir à recourir à la présomption irréfragable de préjudice énoncée dans l’arrêt Time, puisqu’il était manifeste que le consommateur avait subi un préjudice. Pour le juge Dufresne, il s’agissait là d’une erreur, mais qui ne justifiait pas l’intervention de la Cour d’appel : En effet, aurait-elle mis en œuvre la vérification des quatre critères énoncés dans l’arrêt Time qu’elle aurait conclu néanmoins à la condamnation de l’appelante au remboursement des frais du FAPL versés par ses abonnés, membres du Groupe, au-delà du coût réel de leur forfait de télédistribution.6 En ce qui concerne le premier critère de la grille d’analyse, la Cour d’appel a opiné que les membres du groupe avaient été victimes d’une pratique de commerce interdite par la Loi sur la protection du consommateur en raison du calcul erroné des frais payables au FAPL. En ce qui concerne le deuxième critère de la grille d’analyse, soit la prise de connaissance de la fausse représentation, le juge Dufresne souligne que les membres du groupe n’ont pas été informés de l’existence des frais au moment de la conclusion du contrat, ni de leur mode de calcul, le contrat comme la facture étant silencieux sur ce dernier point7. Le deuxième critère de l'arrêt Time était donc satisfait. Il faut en conclure que ce deuxième critère peut s’appliquer en raison d’une omission de la part du commerçant, en l’espèce, celle de dénoncer le mode de calcul. Le troisième critère n’a pas fait l’objet d’un débat devant la Cour d’appel. Quant au quatrième critère, celui de la proximité suffisante, le prestataire de service alléguait que M. Girard avait admis dans son témoignage qu’il aurait contracté même s’il avait su que les frais FAPL étaient calculés erronément et que la situation ne présentait pas la « proximité suffisante entre le contenu de la représentation [le fait de se livrer à une pratique de commerce interdite] et le bien ou service visé par le contrat »8 requise par l'arrêt Time. Suivant ce quatrième critère, « la pratique interdite doit être susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la formation […] du contrat de consommation »9. Puisque M. Girard avait admis qu’il aurait contracté de toutes façons, on pouvait penser que l’omission de dévoiler le mode de calcul du FAPL n’avait aucune incidence sur la formation du contrat. Cependant, le juge Dufresne ne retient pas cet argument : [72] […] Les fausses représentations, c’est-à-dire l’omission de divulguer la méthode de calcul utilisée et ses répercussions, soit notamment le fait de percevoir plus des intimés que ce que l’appelante ne verse elle-même au CRTC pour le FAPL, étaient susceptibles d’influer sur leur décision de contracter avec l’appelante pour ses services de télédistribution aux conditions auxquelles ils ont effectivement contracté.10 Ainsi, suivant cet extrait, on pourrait penser que le quatrième élément de la grille d’analyse doit être appliqué de manière objective. Cette approche découlerait de l’utilisation, par la Cour suprême, des termes « doit être susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur »11.  La Cour d'appel suggère ici que l'appréciation du quatrième élément de la grille d'analyse de Time doit être objective, considérant notamment les termes « doit être susceptible » employés par la Cour suprême. Pourtant, dans sa décision dans l'affaire Dion, rendue un peu plus tôt en 2015, une autre formation de la Cour d'appel avait adopté une approche subjective, in concreto : [85] The judge in first instance correctly applied the aforementioned to the instant case when she held that the last criterion had not been satisfied given the stipulation that the Consumers would have purchased or leased a vehicle had the charge in question been itemized or broken down. There was, accordingly, no nexus between the prohibited practice and the Consumers’ behaviour. The Consumers’ decision to pay the amount of the charge or to “perform the contract” was not influenced by the prohibited practice. Thus, there was no presumption of prejudice. 12 Cette question mériterait d’être débattue de nouveau. Il est vrai qu’une approche objective profite aux consommateurs, puisqu’elle diminue leur fardeau de preuve. Cependant, il semble que l’objet du troisième critère de la grille d’analyse de Time milite en faveur d’une approche plus factuelle, plus concrète. C’est d’ailleurs ce que révèle la version anglaise (originale) des motifs du juge Cromwell dans Time : « that the consumer’s seeing that representation resulted in the formation […] of the consumer contract »13. L’utilisation de cette notion de « résultat » suggère au décideur de procéder à une analyse des faits d’espèce, de manière subjective. Pour ce qui est du quatrième critère, la version anglaise de la décision est aussi révélatrice : « a sufficient nexus existed between the content of the representation and the goods or services covered by the contract »14. Cette notion d’« existence » invite, elle aussi, à procéder à une analyse subjective. Les recours en droit de la consommation doivent être exercés conformément aux règles du droit civil. C’est d’ailleurs un des enseignements de Time15. Une approche subjective paraît plus compatible avec les principes généraux de droit civil suivant lesquels un lien de causalité suffisant est nécessaire pour établir l’existence d’un droit d’action. LA CONDAMNATION EN DOMMAGES PUNITIFS Un autre aspect important de la décision de la Cour d’appel dans Girard est le volet « dommages punitifs ». Rappelons qu’en première instance, la première juge avait accordé, en sus de la condamnation monétaire de plus de six millions de dollars, une condamnation en dommages punitifs d'un million de dollars. En appel, la Cour a réduit cette condamnation à 200 000$. S’appuyant une fois de plus sur l’arrêt Time, le juge Dufresne rappelle certains des principes qui doivent guider le tribunal dans l’octroi de dommages punitifs : [210] Lorsqu’un tribunal décide s’il accordera des dommages-intérêts punitifs, il doit mettre en corrélation les faits de l’affaire et les buts visés par ces dommages-intérêts et se demander en quoi, dans ce cas précis, leur attribution favoriserait la réalisation de ces objectifs. Il doit tenter de déterminer la somme la plus appropriée, c’est-à-dire la somme la moins élevée, mais qui permettrait d’atteindre ce but.16 Puis : Compte tenu de cet objectif et des objectifs de la L.p.c., les violations intentionnelles, malveillantes ou vexatoires, ainsi que la conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse de la part des commerçants ou fabricants à l’égard de leurs obligations et des droits du consommateur sous le régime de la L.p.c. peuvent entraîner l’octroi de dommages-intérêts punitifs. Le tribunal doit toutefois étudier l’ensemble du comportement du commerçant lors de la violation et après celle-ci avant d’accorder des dommages-intérêts punitifs.17 Le juge Dufresne reconnaît que ces principes militent en faveur d’un octroi de dommages punitifs à titre de remède pour la violation de la L.p.c. Cependant, il estime que le montant de un million de dollars dépasse largement ce qui est indiqué dans les circonstances pour satisfaire l’atteinte des objectifs de la loi18. Il rappelle aussi que le montant des dommages punitifs octroyés, tout en étant suffisant pour assurer la fonction préventive de la L.p.c., doit être proportionnel à la gravité des manquements reprochés19. Or, de tous les facteurs à être pris en considération, la gravité du manquement reproché est le plus important20. Sur ce point, le juge Dufresne estime que, sans être bénigne, la gravité de la violation de la L.p.c. doit être relativisée. Il considère que la condamnation à des dommages-intérêts compensatoires de plus de six millions de dollars comporte un effet punitif non négligeable et a sûrement un effet dissuasif. Dans ce sens, le juge Dufresne estime que le jugement de la Cour supérieure ne cerne pas adéquatement le comportement du prestataire de services avant, pendant et après la violation de la L.p.c. Même si la défense du prestataire de services s’est avérée non fondée, elle ne tenait pas d’une procédure abusive21. Cette intervention de la Cour d’appel dans la détermination du quantum des dommages-intérêts punitifs pourrait être qualifiée d’exceptionnelle. Dans Time, la Cour suprême avait reconnu une certaine discrétion au tribunal de première instance dans l’octroi de dommages-intérêts punitifs : « [o]n doit se rappeler que le tribunal de première instance jouit d’une latitude dans la détermination du montant des dommages-intérêts punitifs, pourvu que la somme fixée demeure dans des limites rationnelles, eu égard aux circonstances précises d’une affaire donnée »22. Cette discrétion semble toutefois limitée et doit respecter le devoir de retenue du juge qui accorde des dommages-intérêts punitifs. L'arrêt Girard confirme ainsi le caractère exceptionnel des dommages punitifs, tel que l’a reconnu la Cour suprême dans Time23 et la nécessité, en droit de la consommation, que ceux-ci soient justifiés dans le cadre général de l’atteinte des objectifs de la Loi sur la protection du consommateur, c’est-à-dire (1) le rétablissement d’un équilibre dans les relations contractuelles entre les commerçants et les consommateurs et (2) l’élimination des pratiques déloyales susceptibles de fausser l’information dont dispose le consommateur et l’empêcher de faire des choix éclairés24. CONCLUSION La décision de la Cour d’appel dans Girard risque de faire couler de l’encre. Le droit de la consommation est un domaine particulièrement propice à la procédure d’action collective et le test en quatre étapes énoncé dans l’arrêt Time pour déterminer l’applicabilité de la présomption absolue de préjudice sera sûrement utilisé à nouveau par les tribunaux dans un avenir rapproché. La question de savoir si les critères d’analyse doivent être appréciés de manière objective ou subjective mérite sûrement d’être débattue de manière plus approfondie. Cette question présente un intérêt particulier en matière d’action collective. En ce qui concerne le volet « dommages punitifs » de la décision, il semble que la décision de première instance soit l’un des rares cas où la Cour suprême accepte qu’un tribunal d’appel puisse réviser une décision de première instance en matière d’octroi de tels dommages. Le juge Cromwell écrivait dans Time : « [l]’erreur d’évaluation sera jugée sérieuse lorsqu’il sera établi que le tribunal de première instance a exercé sa discrétion judiciaire d’une façon manifestement erronée, c.-à-d. lorsque le montant octroyé n’était pas rationnellement relié aux objectifs de l’attribution de dommages-intérêts punitifs dans l’affaire dont il était saisi »25. Considérant l’intervention de la Cour d’appel dans l’arrêt Girard,on peut penser que le devoir de retenue du juge du procès est au cœur de l’atteinte de cet objectif. Le délai pour demander l’autorisation d’en appeler à la Cour suprême expire le 11 août. C’est donc une affaire à suivre!   Vidéotron c. Girard, 2018 QCCA 767 (ci-après : « Girard »). Richard c. Time, 2012 CSC 8 (ci-après : « Time »). RLRQ c. P-40.1 (la «L.p.c.»). Time, par. 124. Girard, par. 13. Girard, par. 48. Girard, pars. 65-66. Time, par. 124; Girard, par. 70. Time, par. 124; Girard, par. 70. Girard, par. 72. (sauf indication contraire, les soulignés sont rajoutés) Time, par. 124. Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada, 2015 QCCA 333, par. 85. Time, par. 124 (soulignés ajoutés). TRADUCTION LITTÉRALE : « la prise de connaissance de la représentation a résulté en la formation du contrat ». Or, la version française se lit : « la formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance » (soulignés ajoutés). Time, par. 124 (soulignés ajoutés). TRADUCTION LITTÉRALE :  « un lien suffisant a existé entre le contenu de la représentation et les biens ou les services visés par le contrat ». Or, la version française se lit : « une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat » (soulignés ajoutés). Time, par. 111. Time, pars. 210 & 215; Girard, par. 100. Time, par. 180; Girard, par. 102. Girard, par. 103 Girard, par. 105. Time, par. 190. Girard, par. 111. Time, par. 190. Ceci est de jurisprudence constante. Voir : Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 RCS 725, 2014 CSC 55, par. 98; Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, par. 134; et Dion, pars. 128-129. Time, par. 150. Time, pars. 160-161. Voir aussi : Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 RCS 725, 2014 CSC 55, par. 55. Time, par. 190.

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  • Des actions collectives à suivre en matière de transport aérien

    Nombreux sont les Canadiens qui voyagent à bord d’avions de ligne. Outre les agréments du voyage, certains inconvénients peuvent parfois survenir, pour les transporteurs aériens comme pour les passagers. L’action collective est souvent le véhicule procédural favorisé par les consommateurs pour faire valoir leurs droits. De récentes actions collectives autorisées par les tribunaux québécois soulèvent des questions qui animeront l’agenda judiciaire. Les tribunaux se pencheront en effet sur l’application de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (« Convention de Montréal ») et au droit des passagers de réclamer des dommages moraux. Par ailleurs, la tarification et l’exactitude des prix selon la Loi sur les transports au Canada1 feront l’objet de débats. Réclamation de dommages moraux L’épineuse question de savoir si des dommages moraux sont recouvrables en vertu de la Convention de Montréal continue de faire couler de l’encre. Les arrêts Croteau c. Air Transat AT inc.2 et Plourde c. Service aérien FBO inc. (Skyservice)3 semblaient pourtant avoir réglé la question. Dans chacun de ces arrêts, la Cour d’appel avait conclu, entre autres, que le juge de première instance avait raison de refuser d’autoriser la partie d’une action collective recherchant l’indemnisation du préjudice psychologique subi pendant un vol. Ces dommages ne sont pas indemnisables en vertu de l’article 17 de la Convention de Montréal qui prévoit la responsabilité du transporteur en cas de mort ou de lésion corporelle. Cependant, ces arrêts n’ont pas abordé la question des dommages moraux résultant d’un retard dans le cadre de l’article 19 de la Convention de Montréal qui prévoit que le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard. En 2012, dans l’affaire Yalaoui c. Air Algérie4, la Cour supérieure autorisait une action collective pour les membres du groupe de passagers d’un vol direct entre Alger et Montréal ayant été retardé d’environ 15 heures. Les membres réclamaient notamment des dommages moraux pour les inconvénients de l’attente, et ce, en vertu de l’article 19 de la Convention de Montréal. Le recours a été rejeté en 2017 par la Cour supérieure5, qui a estimé que le transporteur aérien avait pris toutes les mesures raisonnables pour veiller à bien entretenir et réparer l’avion, sans pouvoir éviter le retard. La question des dommages moraux n’a donc pas été abordée. La question de l’octroi de dommages moraux a refait surface plus récemment dans la cause Auguste c. Air Transat6. Le groupe, composé de plus de 120 passagers détenteurs d’un billet, laissé à Port-au-Prince par le transporteur aérien, a obtenu l’autorisation d’exercer une action collective contre ce transporteur. Les membres du groupe réclament en vertu de l’article 19 de la Convention de Montréal des dommages moraux résultant des deux jours de retard et d’attente. Dans ce même dossier, la Cour supérieure7 a autorisé en 2016 que les avis aux membres, qui visaient la communauté haïtienne, soient diffusés sur les ondes d’une radio haïtienne afin de rejoindre le plus de personnes possible. Cette manière de diffuser l’avis est à première vue exceptionnelle, mais le tribunal, utilisant sa discrétion, était d’opinion que l’intérêt des membres le commandait. Le procès est prévu en avril 2018. Surfacturation En 2013, dans la cause Chabot c. WestJet8, une action collective a été autorisée contre un transporteur aérien. Les membres d’un groupe reprochaient au transporteur de leur avoir imposé une surfacturation pour le siège d’un accompagnateur ou pour un emplacement adapté à leur condition en raison d’une déficience ou d’un surplus de poids. Le groupe autorisé était composé de passagers avec une déficience fonctionnelle et des accompagnateurs, ayant pris place sur des vols exploités par le transporteur depuis le 5 décembre 2005. L’intérêt de l'affaire, c'est qu'elle fait suite à une décision de l’Office des transports du Canada. L’Office est un organisme de réglementation et un tribunal quasi judiciaire indépendant ayant les attributions d'une Cour supérieure en ce qui concerne les questions relatives à l'exercice de sa compétence en transport national. Le 10 janvier 2008, l’Office a rendu une décision9 concluant que les transporteurs ne peuvent exiger un tarif pour les sièges additionnels nécessaires pour les gens ayant certaines déficiences graves. Donc, dans le cadre de cette action collective dont est saisie la Cour supérieure, il faudra déterminer si la politique tarifaire du transporteur aérien est discriminatoire ou abusive, et le cas échéant, déterminer si des dommages moraux et punitifs peuvent être octroyés. Dans le cadre de ce même dossier, la Cour d’appel10 a confirmé en 2016 que la Cour supérieure a compétence adjudicative pour entendre le recours fondé sur la responsabilité contractuelle et, ce faisant, interpréter la Loi sur les transports au Canada11 puisque le recours ne relève pas de la compétence exclusive de l’Office des transports du Canada. En 2017, la Cour supérieure12 a scindé en deux groupes les personnes pouvant participer à l’action collective, soit celles impliquées dans un vol intérieur et celles impliquées dans un vol international. L’affaire est toujours pendante. Toujours quant à une question de surfacturation, l’autorisation d’exercer une action collective a été accordée dans la cause Choquette c. Air Canada13 pour les membres d’un groupe de consommateurs qui se plaignaient d’avoir dû payer un supplément en frais de carburant lors de l’achat de billets. À l’instar de l’arrêt Chabot c. WestJet14, la compétence de la Cour supérieure a été confirmée puisqu’il n’y a aucune disposition législative octroyant une compétence exclusive à l’Office des transports du Canada. L’instance se poursuit. Exactitude des prix L’affaire Union des consommateurs c. Air Canada15 soulève la question de l’exactitude des prix affichés par un transporteur aérien. En 2014, la Cour d’appel a autorisé l’exercice d’une action collective de consommateurs qui auraient payé un prix supérieur à celui que le transporteur aérien annonçait dans ses publicités et sur son site Internet. En février 2018, des avis aux procureurs généraux du Québec et du Canada ont été produits au dossier de la Cour afin de contester la constitutionnalité de la Loi sur la protection du consommateur à l’égard de titres de transport publicisés et vendus sur le site web du transporteur aérien. L’affaire suit son cours. Plusieurs questions d’importance en matière d’actions collectives en transport aérien demeurent donc à l’agenda judiciaire. Les réponses que les tribunaux y apporteront pourraient affecter les droits des consommateurs et ceux des transporteurs aériens et de leurs assureurs.   Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 Croteau c. Air Transat AT inc., 2007 QCCA 737 Plourde c. Service aérien FBO inc. (Skyservice), 2007 QCCA 739 Yalaoui c. Air Algérie, 2012 QCCS 1393 Yalaoui c. Air Algérie, 2017 QCCS 5479 Auguste c. Air Transat, 2015 QCCS 3923 Auguste c. Air Transat, 2016 QCCS 604 Chabot c. WestJet, 2013, QCCS 5297 Décision no 6-AT-A-2008  WestJet c. Chabot, 2016 QCCA 584; Demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada a été rejetée WestJet c. ès qualités de tutrice à son enfant mineur N.C., et al., 2016 CanLII 72704 (CSC)  Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10  Chabot c. WestJet, 2017 QCCS 4942 Choquette c. Air Canada, 2017 QCCS 234 Westjet c. Chabot, 2016 QCCA 584 Union des consommateurs c. Air Canada, QCCA 523

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  • Valeurs mobilières et actions collectives : l’autorisation préalable à l’autorisation d’une action collective

    Toute personne qui désire intenter une action en dommages-intérêts relativement à des dommages subis sur le marché secondaire des valeurs mobilières doit démontrer que son action est intentée de bonne foi et présente une possibilité raisonnable de succès (art. 225.4 Lvm). Au Québec1, comme ailleurs au Canada2, aucune divulgation préalable de preuve ne peut être obtenue de la partie adverse dans le cadre de cette démonstration. La procédure prescrite par la Lvm suffit, et il n’est pas utile d’invoquer le Code de procédure civile à titre supplétif. La personne qui entend exercer une telle action en dommages par voie d’action collective doit en outre – et, logiquement, de façon postérieure – démontrer qu’elle satisfait les critères d’autorisation de l’action collective (art. 575 Cpc). La Cour ne se prononce pas explicitement sur le droit à la divulgation préalable de la preuve à cet égard. Par ailleurs, cette personne, comme toute personne ayant subi un dommage, dispose d’un droit d’action direct contre l’assureur de l’auteur de son préjudice (art. 2501 CcQ). Elle peut donc, sans égard ni à la matière (le marché secondaire) ni au véhicule procédural (l’action collective) de son recours, obtenir les documents nécessaires à l’exercice de ce droit d’action, en l’occurrence, le contrat d’assurance. Dans son récent arrêt Amaya inc. c. Derome, 2018 QCCA 120, la Cour d’appel se prononce sur l’interaction entre la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c.V-1.1 (Lvm) et les règles propres à l’action collective dans le cadre de demandes de divulgation préalable de documents formulées par des investisseurs contre un émetteur public. Résumé d’une décision attendue. Le cadre particulier de la Lvm La Lvm encadre la disponibilité des recours relatifs aux marchés financiers. Bien que de tels recours puissent être introduits individuellement, l’action collective est perçue comme un véhicule de choix [traduction] «?puisque les émetteurs inscrits comptent bon nombre d’investisseurs se trouvant dans des circonstances semblables et, s’il y a un problème, ils se regrouperont vraisemblablement de manière à se prévaloir des avantages de l’action collective?»3. Le caractère collectif de telles réclamations n’est toutefois pas une condition nécessaire à leur recevabilité suivant la Lvm. En ce qui concerne les recours visant le marché secondaire, l’article 225.4 Lvm impose à tout investisseur, qu’il agisse personnellement ou à titre de représentant d’un groupe envisagé, d’obtenir une autorisation préalable de la cour avant d’intenter son action. Cette restriction a été dictée par une volonté législative – par ailleurs partagée entre les différentes législatures canadiennes4 – de préserver la confiance du public dans les marchés boursiers5, mais également de protéger les émetteurs publics contre des recours introduits par opportunisme, dans l’espoir d’obtenir un règlement plutôt que pour obtenir l’indemnisation d’un préjudice réel6. À ce compte, l’investisseur qui se dit floué devra démontrer au tribunal auquel l’autorisation est demandée que le recours entrepris l’est «?de bonne foi et qu’il existe une possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause?» (art. 225.4 al. 3 Lvm). Cette démonstration devrait survenir aussi tôt que possible, afin que les ressources judiciaires ne soient engagées que pour des débats méritoires. Interaction avec l’action collective Si le recours prend en outre la forme d’une action collective, l’investisseur devra par la suite démontrer que le recours envisagé satisfait les critères de l’autorisation d’une action collective (art. 575 Cpc), fardeau dont la légèreté est acquise, s’agissant simplement de démontrer, quant au fond, que les «?faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées?» (art. 575[3] Cpc)7. Non seulement la Lvm et le Cpc posent-ils des fardeaux distincts, mais l’autorisation qu’ils commandent intervient à des moments distincts dans la logique du recours : l’autorisation requise par l’article 225.4 Lvm doit, en toute logique, précéder celle imposée par l’article 575 Cpc, bien que rien n’empêche qu’un seul jugement dispose des deux questions8. Ces distinctions posées, il ressort que toute demande visant à permettre à un investisseur de satisfaire le fardeau de l’article 225.4 Lvm doit être analysée selon les règles que pose cette disposition et non celles propres à l’action collective9. Le jugement dont appel n’est donc pas un [traduction] « jugement préalable autorisant une action collective », mais bien un  [traduction] « jugement préalable autorisant un recours en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières »10. Partant, il doit être contrôlé suivant les prescriptions et l’esprit de cette loi11. Le jugement dont appel En l’espèce, le juge de première instance avait fait droit à une demande de divulgation documentaire, s’appuyant sur les principes généraux de la procédure civile québécoise, au premier chef, le devoir de collaboration des parties (art. 20 Cpc)12. Il parvenait ainsi à une solution unique dans le paysage juridique canadien13. Après avoir conclu que le jugement dont appel, rendu en cours d’instance, dépassait largement le cadre de la conférence de gestion dans laquelle il avait été prononcé pour trancher une question de principe14, et que les critères d’autorisation applicables, soient ceux de l’article 31 al. 2 Cpc, étaient satisfaits15, la Cour d’appel devait s’interroger sur le bien-fondé de la décision du juge de première instance de recourir aux principes généraux de la procédure civile québécoise pour trancher les demandes de divulgation documentaire qui lui avaient été soumises. S’il est vrai que les principes généraux du Code de procédure civile peuvent suppléer aux silences des autres lois16, encore faut-il qu’un tel silence existe. Or, selon la Cour d’appel, lorsque l’on considère les raisons d’être et l’historique de l’article 225.4 Lvm, notamment son objectif d’écarter aussi tôt que possible les recours opportunistes17 et l’uniformité des dispositions en la matière au Canada18,on ne peut considérer qu’un tel silence existe. Au contraire, les juges chargés d’autoriser de tels recours doivent, afin d’éviter de court-circuiter l’exigence de l’autorisation préalable, les recherches à l’aveuglette et les mini-procès, obliger les demandeurs à satisfaire eux-mêmes leur fardeau19. Ni la combinaison des articles 20 et 221 Cpc ni le cadre particulier de l’action collective ne peuvent fléchir cet interdit20. La demande documentaire visant à permettre aux investisseurs de satisfaire le fardeau préalable imposé par l’article 225.4 Lvm aurait donc dû être rejetée. Par contre, celle visant l’obtention de contrats d’assurance ne relevait pas du cadre particulier de l’article 225.4 Lvm. Par conséquent, la Cour d’appel n’intervient pas dans l’ordonnance du juge de première instance, qui a estimé qu’elle était justifiée dans la mesure où elle permettait d’identifier des parties potentielles au litige, au regard du principe de collaboration (art. 20 Cpc), mais surtout du principe développé de longue date voulant que le tiers souhaitant exercer son droit d’action contre l’assureur de l’auteur de son préjudice puisse obtenir tous les documents nécessaires à l’exercice utile de ce droit (art. 2501 CcQ)21. L’arrêt ne se prononce pas directement sur la possibilité pour la demande d’obtenir «la présentation d’une preuve appropriée» au sens de l’article 574 al. 3 Cpc – un type de demande traditionnellement tenu comme devant relever de la contestation, c’est-à-dire être le fait de la défense – dans la mesure où les allégations de la demande d’autorisation d’une action collective doivent, à ce stade, être tenues pour avérées22. En bref L’article 225.4 Lvm est la manifestation québécoise d’une volonté commune des législateurs canadiens de créer un filtre en matière de recours touchant le marché secondaire, afin de préserver la confiance des investisseurs et de décourager les poursuites frivoles. Par conséquent, aucune demande de divulgation préalable visant à satisfaire le critère de l’autorisation posé par l’article 225.4 Lvm nedevrait être accordée, ni dans un contexte d’action collective ni autrement. Par contre, la demande de divulgation qui a un autre objet que celui-là –celle cherchant à attraire un assureur au dossier par exemple– sera évaluée selon les règles ordinaires de la procédure civile québécoise.   Theratechnologies Inc. c. 121851 Canada inc., [2015] 2 RCS 106, 2015 CSC 18 Banque canadienne impériale de commerce c. Green, [2015] 3 RCS 801, 2015 CSC 60 Par. 52 Par. 97 Par. 84 Par. 49 et 84; suivant notamment Theratechnologies Inc. c. 121851 Canada inc., [2015] 2 RCS 106, 2015 CSC 18 ou Banque canadienne impériale de commerce c. Green, [2015] 3 RCS 801, 2015 CSC 60 Par. 50 Par. 20, 46 et 54 Par. 45 Par. 42, 45 et 55 Par. 55 Derome c. Amaya inc., 2017 QCCS 44, par. 79 et s. Par. 36; comparer : Mask v. Silvercorp Metals Inc., 2016 ONCA 641 et Mask v. Silvercorp Metals Inc., 2014 ONSC 4161 - permission d’appeler refusée : Mask v. Silvercorp Metals, Inc., 2014 ONSC 464 (Ont. Div. Ct); Bayens v. Kinross Gold Corp., 2013 ONSC 6864; Silver v. Imax, (2009) 66 B.L.R. (4th) 222, leave to appeal ref'd, Silver v. Imax, 2011 ONSC 1035 (Ont. Div. Ct) Par. 66 et s., la permission d'appeler avait été déférée à une formation de la cour : Amaya inc. c. Derome, 2017 QCCA 335. Par. 73 à 79 Par. 100 et s., citant l’alinéa 3 de la disposition préliminaire du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01 voulant qu’«?Enfin, le Code s’interprète et s’applique comme un ensemble, dans le respect de la tradition civiliste. Les règles qu’il énonce s’interprètent à la lumière de ses dispositions particulières ou de celles de la loi et, dans les matières qui font l’objet de ses dispositions, il supplée au silence des autres lois si le contexte le permet.?» Par. 49 et 84 Par. 9 et 97 Par. 9 et 93 Par. 106 et 107 Collège d'enseignement général et professionnel de Jonquière (CÉGEP) c. Champagne, 1996 CanLII 4413 (CA) Benizri c. Canada Post Corporation, 2016 QCCS 454, par. 6

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  • Quelques actions collectives à surveiller cette année

    Bon an, mal an, la Cour supérieure du Québec rend près de 175 jugements en matière d'actions collectives et l'année 2017 n'a pas fait exception. Deux ans après la réforme de la procédure civile, les tribunaux ont eu l'occasion de préciser la portée de plusieurs nouvelles dispositions : caractère peu élevé du seuil d'autorisation1, caractère strict du droit d'appel sur permission du défendeur contre qui une autorisation a été accueillie2, droit d'appel sur permission de certains jugements rendus avant le jugement d'autorisation3 et obligation de diligence du premier déposant4, pour ne donner que quelques exemples. Sur le fond, certaines décisions ont aussi suscité des interrogations concernant l’application de la présomption absolue de préjudice en droit de la protection des consommateurs5. La jurisprudence relative à l'exécution des transactions a elle aussi connu quelques développements, notamment quant aux droits du Fonds d'aide aux actions collectives relativement au reliquat6. Mais que réserve 2018? Aperçu de quelques décisions à surveiller cette année. 1. Valeurs mobilières : actions collectives et divulgation préalable Le 10 janvier 2017, dans le cadre d'une demande d'autorisation d'instituer une action collective suivant l'article 225.4 de la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c V-1.1, la Cour supérieure ordonnait à la défenderesse Amaya de divulguer certaines informations au requérant Derome, accordant la demande que ce dernier avait formulée sous l'égide de l'article 574 Cpc. Or, si le troisième alinéa de cet article prévoit le pouvoir du juge d'autoriser « la présentation d’une preuve appropriée », il le fait après avoir posé l'oralité de principe de la contestation de la demande d'autorisation, de sorte que l'on tenait généralement que la demande de présentation d'une preuve appropriée ne pouvait être le fait que de la défense, les allégations de la demande devant de surcroît être tenues pour avérées au stade de l'autorisation7. Pareils arguments n'ont pas convaincu la Cour supérieure qui leur a préféré des considérations relatives à l'objectif exploratoire général des interrogatoires préalables et à l'obligation de collaboration qui figure parmi les principes directeurs du nouveau Code de procédure civile8. La permission d'appeler a été déférée à une formation de trois juges9. L'audience ayant eu lieu le 29 août 2017, on peut s'attendre à un arrêt prochainement. 2. Frais bancaires : actions collectives et honoraires d'avocat Quand un juge peut-il mettre le holà et rejeter une demande d'approbation d’une transaction négociée entre les avocats de la demande et les défenderesses à une action collective? Pour la juge Claudine Roy, alors de la Cour supérieure, un tel refus s’impose lorsque « le résultat des transactions est très mitigé pour les membres, [même si] les défenderesses ont réussi à désintéresser la demanderesse »10. Le 23 janvier 2017, elle refusait ainsi d’homologuer trois transactions11, considérant qu'elles ne présentaient aucun avantage réel pour les membres, favorisant plutôt les avocats en demande, certaines défenderesses et certaines organisations sans but lucratif. Appelant les tribunaux à la vigilance afin que les actions collectives ne deviennent pas « une source d’enrichissement en demande et une source de financement pour des organisations sans but lucratif »12, elle suggérait qu'en l'espèce un désistement soit plus conforme aux règles d'équité et à l'objectif des actions collectives. Quelques jours plus tard, son collègue d’alors Denis Jacques souscrivait aux propos de sa collègue et refusait lui aussi d'homologuer une transaction intervenue dans un dossier connexe13. Le 31 mars 2017, la juge Marie Saint-Pierre de la Cour d'appel confirmait que le refus d'un juge de la Cour supérieure d'autoriser une transaction était susceptible d'appel, mais seulement sur permission : au contraire du jugement qui homologue une transaction, le jugement qui la refuse ne met pas fin à l'instance et, à ce titre, selon la règle ordinaire, ne peut faire l'objet d'un appel que sur autorisation14. Cette permission, elle l'autorisait toutefois dans les deux dossiers. L'audience d'appel a eu lieu le 1er septembre 2017 et les affaires sont en délibéré depuis. Un arrêt devrait être rendu en début d'année 2018 balisant le pouvoir, voire le devoir, de contrôle d'un juge en matière de transaction. 3. Automobiles : actions collectives et interprétation d'un règlement Stupeur dans le monde automobile le 18 septembre 2015, alors qu’il est révélé que Volkswagen a installé des logiciels furtifs sur plusieurs de ses véhicules mus au diesel afin de fausser les résultats des tests de conformité environnementale effectués par les autorités gouvernementales. De nombreuses actions collectives sont instituées, y compris, au Canada, une au Québec et une autre en Ontario. Après de nombreux pourparlers, les parties parviennent à une entente globale, entérinée par la Cour supérieure du Québec15 puis celle de l'Ontario16. Cette entente prévoyait notamment l'admissibilité de certains propriétaires à une remise advenant l'indisponibilité de certains dispositifs correctifs au 15 juin 2017. Or, le 15 juin 2017, les dispositifs en questions avaient obtenu toutes les approbations réglementaires nécessaires, mais n'étaient pas encore mis en marché, de sorte que des demandes d'interprétation de la transaction furent déposées dans les deux ressorts. Au Québec, le tribunal devait conclure que la « disponibilité » envisagée dans l'entente de règlement devait s'entendre de celle du dispositif correctif lui-même et que l'aval des autorités survenu avant la date limite ne suffisait pas pour faire échec à la remise. Soulignant qu'une transaction de cette envergure est nécessairement un compromis délicat, dont les termes et les délais ont été savamment choisis au fil de nombreux pourparlers17, elle faisait également remarquer que l'interprétation inverse suppose que l'entente ne comporte aucune date de mise en œuvre et en ferait reposer l'exécution sur le seul bon vouloir des défenderesses18, ce qui semble peu compatible avec l'esprit d'un règlement. Or, c'est bien à cette conclusion inverse qu'est parvenu son homologue ontarien : l'indisponibilité des dispositifs à la date butoir fait échec à la clause de remise, étant par ailleurs entendu que, même en l'absence de date d'exécution à la convention, les défenderesses sont tenues d'en assurer une mise en œuvre diligente, eu égard à l'obligation de bonne foi dans l'exécution stipulée à la transaction19. La Cour d'appel du Québec doit entendre l'appel le 2 février 201820 et celle de l'Ontario un peu plus tard. 4. Investissements : actions collectives et plan d'arrangement Le 30 novembre 2015, la Cour supérieure autorise une action collective instituée à l'encontre de certaines entités du groupe Desjardins relativement à certains placements à risque. Sont notamment visés certains placements en lien avec les papiers commerciaux adossés à des actifs21 (les « PCAA »). Or, les PCAA ont déjà fait l'objet d'un plan d'arrangement déposé et approuvé par la Cour supérieure de justice de l’Ontario aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, LRC (1985), c. C-36 et d'une injonction. Les défendeurs ont donc saisi la Cour supérieure d'une demande de radiation des conclusions de l'action collective relatives aux PCAA, qui a estimé que le libellé des allégations ne permettait pas, à ce stade et en l'absence de preuve particularisée, de conclure à la litispendance ou de limiter ainsi la réclamation22. S'agissant d'une question de compétence, nouvelle de surcroît, la Cour d'appel a accepté de se pencher sur l'affaire23, qui doit être entendue le 9 février 2018. 5. Pollution sonore : actions collectives et droit constitutionnel Rejets d'usine, poussière autoroutière, pollution sonore : les actions collectives fondées sur les troubles de voisinage n'ont cessé d'augmenter dans le sillage de l'affaire Ciment du Saint-Laurent24. Deux d'entre elles sont à surveiller cette année, puisqu'elles font intervenir non seulement le principe de libre jouissance de ses biens consacré par le Code civil et la Charte québécoise, mais également les grandes règles du partage des compétences constitutionnelles entre les ordres fédéral et provinciaux. En effet, puisque l'aviation relève du champ d'exercice exclusif du législateur fédéral, on tient les entreprises œuvrant dans ce domaine comme bénéficiant d'une forme d'étanchéité par rapport aux lois provinciales qui auraient pour effet d'entraver la poursuite de leurs activités. Reste à savoir si cette imperméabilité, dite doctrine de l'exclusivité des compétences, est suffisante pour faire échec à une action collective alléguant une pollution sonore excessive. L'argument a été tenté au stade de l'autorisation lors de l'audience tenue les 20 et 21 novembre derniers dans le cadre du recours institué par Les Pollués de Montréal-Trudeau contre l'opérateur de l'aéroport éponyme. La juge Chantal Tremblay pourra le retenir et refuser l'autorisation ou renvoyer la question au sujet du fond, faute d'une preuve suffisante pour la trancher. La question devrait toutefois faire l'objet d'un prononcé définitif d'ici la fin de l'année, puisque cinq semaines de procès au fond doivent s'amorcer en février relativement au recours engagé par la Coalition contre le bruit contre les opérateurs de l'aérodrome au Lac-à-la-Tortue, en Mauricie. Depuis le jugement autorisateur, Lavery représente les intérêts de la défenderesse principale25. 6. Commerce de détail : actions collectives et droit de la consommation Entre 2007 et 2011, des publicités de Meubles Léon annonçaient aux clients qu'ils n'avaient « rien à payer pendant 15 mois ». Certains des programmes de financement des achats comportaient toutefois des frais d'adhésion. Le 31 juillet 2017, la Cour supérieure retenait la responsabilité de Meubles Léon et condamnait l'entreprise à verser près de deux millions de dollars aux consommateurs26, opinant au passage que la détermination du quantum des dommages compensatoires pouvait être laissée à son appréciation discrétionnaire. Si les motifs de cette décision puisent à l'arrêt Time de la Cour suprême et à la présomption irréfragable de préjudice27 résultant d’une violation à la Loi sur la protection du consommateur RLRQ, c. P-40.1 [Lpc], ils semblent s'inscrire en faux d'un arrêt de la Cour d'appel rendu à peine deux mois plus tôt28 qui suggérait plutôt que, même dans le cadre procédural d’une action collective, il revienne au consommateur qui désire obtenir des dommages compensatoires de faire la preuve de son préjudice et du lien de causalité entre ce préjudice et la contravention du commerçant aux dispositions de la Lpc. Bien que la décision de la Cour supérieure favorise encore plus les objectifs de protection des consommateurs lésés mis de l’avant par la Lpc, elle suscite plusieurs interrogations quant à l’applicabilité des principes généraux du droit civil en matière de protection des consommateurs, plus particulièrement en ce qui concerne l’octroi de dommages compensatoires.Nous avons déjà commenté ces décisions ici. L'appel est à prévoir pour la fin de l'année 2018.   Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673; Ameublements Tanguay inc. c. Cantin, 2017 QCCA 1330 (autorisation de pourvoi demandée); Pfizer inc. c. Sifneos, 2017 QCCA 1050. Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Sopropharm, 2017 QCCA 1883; Trottier c. Canadian Malartic Mine, 2017 QCCA 119. Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Sopropharm, 2017 QCCA 1883. Cohen c. Option Consommateurs, 2017 QCCA 94 et Badamshin c. Option Consommateurs, 2017 QCCA 95 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême refusée: CSC no 37521 (16 juillet 2017). Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738; Option Consommateurs c. Meubles Léon ltée, 2017 QCCS 3526. Handicap-Vie-Dignité c. Résidence St-Charles-Borromée, CHSLD Centre-ville de Montréal, 2017 QCCS 935 (frais de publication et reliquat); Halfon c. Moose International Inc., 2017 QCCS 4300 (reliquat en biens). Derome c. Amaya inc., 2017 QCCS 44,. Derome c. Amaya inc., 2017 QCCS 44, par. 41-53. Amaya inc. c. Derome, 2017 QCCA 335. Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2017 QCCS 200, par. 65. Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2017 QCCS 200. Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2017 QCCS 200, par. 110. Option Consommateurs c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, 2017 QCCS 275. Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2017 QCCA 502. Option Consommateurs c. Volkswagen Group Canada Inc., 2017 QCCS 1411. Quenneville v Volkswagen, 2017 ONSC 2448. Option Consommateurs c. Volkswagen Group Canada Inc., 2017 QCCS 2870, par. 22. Option Consommateurs c. Volkswagen Group Canada Inc., 2017 QCCS 2870, par. 39. Quenneville v. Volkswagen, 2017 ONSC 4583. Autorisation accordée: Volkswagen Group Canada Inc. c. Option Consommateurs, 2017 QCCA 1361. Dupuis c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d'assurance-vie, 2015 QCCS 5828. Dupuis c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie, 2016 QCCS 6348. Desjardins Sécurité financière, compagnie d'assurance-vie c. Dupuis, 2017 QCCA 802. Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, [2008] 3 RCS 392, 2008 CSC 64. Autorisation accordée: Coalition contre le bruit c. Shawinigan (Ville de), 2012 QCCS 4142. Option Consommateurs c. Meubles Léon ltée, 2017 QCCS 3526. Richard c. Time Inc., [2012] 1 RCS 265, 2012 CSC 8, par. 123. Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738.

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  • Le droit québécois de la consommation et l’industrie automobile : prenez le volant!

    Lavery a récemment assisté au colloque « Strictly Automotive », organisé par le Defence Research Institute à Detroit, au Michigan. Le colloque portait sur les questions de droit auxquelles l’industrie automobile est actuellement confrontée partout dans le monde. Le présent bulletin donne un aperçu des principes juridiques dont les fabricants et les commerçants de véhicules devraient tenir compte lorsqu’ils exercent des activités au Québec. Toutes les opérations touchant des consommateurs au Québec sont régies par la Loi sur la protection du consommateur (« LPC »)1 . La LPC couvre plusieurs aspects des activités des fabricants et des commerçants d’automobiles, notamment les garanties, les contrats de crédit, la publicité et l’annonce des prix. Les garanties La LPC prescrit plusieurs garanties en faveur des consommateurs, que les commerçants, les fabricants et les intermédiaires doivent accorder2 . Les deux principales garanties légales sont : (1) la garantie d’usage3 (les biens doivent être tels qu’ils puissent servir à l’usage auquel ils sont normalement destinés) et (2) la garantie de durabilité4 (les biens doivent être tels qu’ils puissent servir à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard à leur prix, aux dispositions du contrat et à leurs conditions d’utilisation)5 . Ces garanties s’ajoutent aux autres garanties prévues par le Code civil du Québec. Elles ont pour effet de réduire le fardeau de preuve des consommateurs qui exercent leurs droits en justice. Une fois qu’un déficit d’usage ou un manque de durabilité a été établi par un consommateur, il incombe au commerçant ou au fabricant de prouver qu’il n’y a pas de vice caché, que le vice découle de l’usage inapproprié par le consommateur, que le consommateur connaissait le vice au moment de l’achat ou que le manque de durabilité découle de l’usure normale. Les contrats de crédit La forme et le contenu des contrats de crédit (de même que des états de compte) sont strictement réglementés en vertu de la LPC6 . Les principales obligations des commerçants qui concluent des contrats de crédit sont les suivantes : (1) l’obligation de divulguer pleinement les frais de crédit et le taux de crédit; (2) l’interdiction d’exiger des frais non divulgués dans le contrat; (3) le calcul approprié du taux de crédit. La LPC régit également la publicité relative au crédit, imposant des obligations strictes de divulgation7 . Pour s’assurer de se conformer aux obligations prescrites par la LPC, les commerçants et les fabricants doivent suivre minutieusement ces exigences. Au fil des ans, l’industrie du crédit a fait l’objet de plusieurs actions collectives, dont bon nombre portaient sur les exigences de divulgation afférentes aux contrats de crédit8 La législature québécoise songe à moderniser les dispositions de la LPC relatives aux contrats de crédit depuis de nombreuses années. À l’heure actuelle, l’Assemblée nationale du Québec œuvre au projet de loi 134, Loi visant principalement à moderniser des règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation9 . Le projet de loi 134 renferme des mesures qui, si elles sont adoptées, permettront aux consommateurs d’intenter une action contre les prêteurs et invoquer les garanties légales et conventionnelles contre eux10. Au moment d’écrire ces lignes, le projet de loi 134 est en lecture finale « article par article » et devrait donc être adopté sous peu. Nous ferons état de ces nouvelles mesures en détails dans un bulletin à venir La publicité Un chapitre complet de la LPC couvre les pratiques de commerce, y compris la publicité11. Ces pratiques comprennent notamment : l’interdiction de faire des déclarations fausses ou trompeuses aux consommateurs en général12 ou concernant les avantages ou d’autres caractéristiques attribués aux biens ou aux services13, l’identité du commerçant14, les rabais ou primes offerts15, la nature de l’opération16 et le prix des biens ou des services17. Il est également interdit d’omettre de mentionner un fait important dans la publicité commerciale ou une déclaration18. Ces pratiques de commerce interdites s’apparentent à ce que l’on qualifie de pratiques de publicité trompeuse dans les territoires de common law. La norme d’analyse de la détermination des pratiques trompeuses est appliquée du point de vue du consommateur moyen, inexpérimenté et crédule19. La LPC prévoit que la commission d’une pratique interdite crée une présomption selon laquelle, si le consommateur avait eu connaissance de cette pratique, il n’aurait pas contracté ou n’aurait pas payé un prix si élevé20. Dans l’importante décision Richard c. Time, la Cour suprême du Canada a conclu que le recours à une pratique interdite comme la publicité fausse ou trompeuse crée une présomption absolue de préjudice en faveur du consommateur si (1) le commerçant ou le fabricant ne remplit pas une obligation imposée par la LPC, (2) le consommateur a pris connaissance de la déclaration constituant une pratique interdite, (3) cela a entraîné la formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation et (4) il y a proximité suffisante entre la teneur de la déclaration et les biens ou services visés par le contrat. Lorsque ces quatre éléments sont établis, les tribunaux peuvent conclure que « la pratique interdite est réputée avoir eu un effet dolosif sur le consommateur ». Dans un tel cas, le contrat formé, modifié ou exécuté constitue, en soi, un préjudice subi par le consommateur21. Il y a un lien étroit entre les dispositions de la LPC qui régissent les garanties et celles qui régissent les pratiques de commerce interdites. Les deux groupes de disposition portent sur les déclarations commerciales, mais ils offrent des recours différents. Par exemple, le défaut de divulguer un vice caché connu par le fabricant peut entraîner la responsabilité fondée non seulement sur la garantie légale, mais aussi sur le défaut de mentionner un fait important dans une déclaration faite à un consommateur La publicité concernant les véhicules autonomes constituera une question intéressante au cours des prochaines années. Avant de lancer une campagne de publicité pour ce type de véhicule, il faudra tenir compte du paragraphe 220 a) de la LPC. Cette disposition interdit à un fabricant d’attribuer faussement, par quelque moyen, certains avantages spéciaux à des biens ou à des services dans une annonce publicitaire. De plus, en raison de l’effet de nouveauté de ces véhicules, les commerçants devront prendre soin de ne pas omettre de mentionner un fait important concernant leur usage22. Les prix La LPC prévoit des règles strictes concernant l’affichage des prix et l’étiquetage. Elle prévoit qu’un commerçant ne peut pas réclamer des frais à un consommateur sauf si leur montant est clairement indiqué dans le contrat23. Cela englobe les contrats de crédit et les contrats de location. À titre de corollaire des dispositions concernant l’affichage des prix, la LPC énonce que les commerçants ne peuvent pas exiger pour des biens ou des services un prix supérieur à celui qui est annoncé24. Les tribunaux ont appliqué de façon relativement stricte ces dispositions, laissant peu de marge de manœuvre pour les erreurs de prix et concluant qu’une erreur de prix n’est pas une excuse25. Les commerçants doivent être très diligents lorsqu’ils font la publicité ou qu’ils divulguent des prix et des frais, car plusieurs actions collectives au Québec ont été fondées sur le défaut de divulguer des frais ou d’autres montants facturés dans les contrats26. Conclusion Les fabricants et les commerçants de l’industrie automobile doivent porter une attention particulière aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur. Si le fabricant ou le commerçant néglige de se conformer à une obligation qui lui est imposée par la LPC, le consommateur peut exiger, sans préjudice à ses autres recours, l’exécution en nature de l’obligation (par exemple, la réparation du produit, le remplacement des pièces défectueuses ou des travaux d’entretien), que ses obligations soient réduites ou que le contrat soit résilié, résolu ou annulé. Le consommateur peut également demander des dommages punitifs27. La LPC contient en outre des dispositions pénales prévoyant des amendes de 2 000 $ à 100 000 $28. L’éventail de questions juridiques auxquelles sont confrontés les acteurs du secteur de l’industrie automobile connaît une croissance exponentielle sans ralentissement prévisible. Un grand nombre de poursuites, y compris des actions collectives ont été instituées contre des commerces du secteur, notamment en matière de responsabilité de produits et pratiques de commerce interdites. La meilleure façon de prévenir ces actions consiste à prendre des mesures préventives pour éviter la non-conformité à la LPC.   Loi sur la protection du consommateur, P-40.1. Articles 53 et 54 LPC. Article 37 LPC. On peut aussi la surnommer « garantie d’aptitude ». Article 38 LPC. La LPC prévoit également une garantie de disponibilité des pièces et des services de réparation : article 39 LPC. Section III, articles 66 à 150 LPC. Articles 243, 244 et 247 LPC. Par exemple : Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada, 2015 QCCA 333; Pilon c. Mazda Canada inc., 2013 QCCS 748; Thibert c. Hyundai Motor America, 2013 QCCS 744, Bourgeois c. Ford du Canada ltée, 2013 QCCS 745; Contat c. General Motors du Canada ltée, 2009 QCCA 1699. Projet de loi 134. Article 103.1 proposé par l’article 19 du projet de loi 134. Titre II, articles 215 à 253 LPC. Article 219 LPC Articles 220 et 221 LPC. Article 242 LPC Articles 231 et 232 LPC. Article 229 LPC. Paragraphe 224 c) LPC Article 228 LPC. Articles 218 et 219 LPC; voir aussi Richard c. Time Inc. et autres, 2012 CSC 8. Article 253 LPC Richard c. Time Inc. et autres 2012 CSC 8, par. 124. Article 228 LPC Article 12 LPC. Paragraphe 224 c) LPC Voir Boutin c. 9151-8100 Québec inc. (St-Basile Toyota), 2016 QCCQ 5282; Ouellet c. Charest Expert inc., 2010 QCCQ 11313; Vermeulen c. Marine Nor Sport inc., 2015 QCCQ 926; Comtois c. Vacances Sunwing inc., 2015 QCCQ 2684. Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 R.C.S. 725, 2014 CSC 55 (CanLII); Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada, 2015 QCCA 333; Pilon c. Mazda Canada inc., 2013 QCCS 748; Thibert c. Hyundai Motor America, 2013 QCCS 744; Bourgeois c. Ford du Canada ltée, 2013 QCCS 745; Contat c. General Motors du Canada ltée, 2009 QCCA 1699. Article 272 LPC. Articles 277, 278 CPA.

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  • Actions collectives et droit de la consommation :
    qu’avons-nous sous le radar ?

    Plus de la moitié des demandes d’autorisation d’action collective déposées au Québec depuis le début de 2017 ont pour fondement le droit de la consommation. Nul doute que les demandes d’autorisation d’action collective en droit de la consommation continueront d’alimenter les discussions au sein de la communauté d’affaires et de la communauté juridique. Nous restons donc à l’affût. Nous avons identifié deux questions qui sont d’actualité : Dans le cadre d’une action collective, le consommateur réclamant des dommages moraux compensatoires est-il tenu de faire la preuve du dommage et du lien de causalité entre ce dommage et le manquement allégué du commerçant? À l’heure actuelle, deux courants semblent se dessiner. Une réponse semblait pourtant avoir été donnée dans l’arrêt Vidéotron c. Union des consommateurs1 (l’« arrêt Vidéotron »). Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Québec, dans le contexte d’une action collective, affirme qu’en vertu du droit commun, pour faire droit à une demande en dommages-intérêts d’un consommateur, ce dernier doit faire la preuve de son préjudice et du lien de causalité entre ce préjudice et la contravention du commerçant aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur. Or, récemment, dans le cadre d’une action collective, soit l’arrêt Option consommateurs c. Meubles Léon2, la Cour supérieure du Québec conclut que le quantum des dommages-intérêts peut être laissé à son appréciation discrétionnaire. La Cour supérieure s’écarte ainsi de l’arrêt Vidéotron de la Cour d’appel, s’estimant plutôt liée par les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Richard c. Time3 (l’« arrêt Time »), un arrêt qui n’a pas été rendu dans le contexte d’une action collective. Forte des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Time, la Cour supérieure réitère que le consommateur bénéficie d’une présomption absolue de préjudice lorsque l’exercice d’une pratique interdite est établi. Adoptant une approche dite pragmatique, la Cour supérieure infère de l’existence d’un préjudice pour quelques membres du groupe que ce même préjudice existe pour l’ensemble du groupe. Ainsi, après avoir entendu le témoignage de certains membres du groupe exprimant colère et frustration eu égard aux publicités fausses et trompeuses de Meubles Léon, la Cour accorde 100 $ à titre de compensation d’un préjudice moral à chaque membre du groupe. À la lumière de ce jugement, les tribunaux pourraient octroyer systématiquement des dommages moraux à tous les membres du groupe lorsque certains consommateurs viennent témoigner de leur frustration causée par la pratique interdite d'un commerçant. Une telle approche simplifierait certainement les exigences quant au fardeau de présentation et de persuasion de la preuve du préjudice. Il est à noter toutefois que Meubles Léon en appelle de la décision de la Cour supérieure et soutient que la Cour a erré en accordant des dommages moraux compensatoires de 100 $ aux membres du groupe. La Cour d’appel aura donc l’occasion de venir préciser ses enseignements. L’interrogatoire du représentant du groupe en vertu de l’article 574 C.p.c. constitue-t-il une avenue à privilégier pour déterminer la capacité du représentant à assurer une représentation adéquate du groupe? Depuis les arrêts Sibiga4 et Boiron5 de la Cour d’appel du Québec, il semble acquis qu’au stade de l’autorisation, pour déterminer si les critères énoncés à l’article 575 C.p.c. quant à la capacité du représentant d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe, les tribunaux auront une approche souple et libérale. En effet, dans la mesure où le représentant comprend les allégations de la demande d’autorisation et qu’il saisit que d’autres consommateurs ont pu être lésés comme lui, le tribunal devrait conclure que les exigences minimales de la loi sont respectées. Toutefois, bien qu’au stade de l’autorisation les faits allégués par le demandeur doivent être tenus pour avérés, la Cour supérieure a récemment donné quelques indications quant aux circonstances justifiant l’opportunité de présenter une preuve appropriée et de procéder à l’interrogatoire du représentant proposé afin que soit déterminée sa capacité à bien représenter les membres du groupe6. Ainsi, dans Mahmoud, la Cour supérieure autorise la défenderesse à interroger le demandeur sur les démarches qu’il a entreprises pour identifier les membres du groupe, autres que la consultation de ses avocats, et sur ce qu’il a fait pour vérifier l’étendue et la taille du groupe proposé. La Cour note l’absence d’allégations sur ces sujets et estime que ce sont des questions pertinentes pour évaluer la possibilité d’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour autrui ou sur la jonction d’instance suivant le paragraphe 575(3) C.p.c. La Cour ajoute que ces questions sont également pertinentes pour déterminer la capacité des membres du groupe à représenter adéquatement les intérêts des membres du groupe. Quelques mois auparavant, la Cour supérieure est arrivée à la même conclusion quant à l’opportunité d’autoriser l’interrogatoire du représentant en vertu de l’article 574 C.p.c.7. Pour la Cour, des allégations assimilables à des conclusions juridiques concernant la capacité du représentant ne sauraient répondre aux exigences du paragraphe 575(4) C.p.c. En conséquence, l’interrogatoire du représentant constitue pour la Cour un moyen d'effectuer une vérification efficace des critères de l'article 575 C.p.c. d'une manière utile et judicieuse pour apporter un éclairage sur les allégations de la demande d'autorisation qui pourraient être incorrectes ou incomplètes. Le droit de la consommation et celui des actions collectives sont deux domaines du droit qui évoluent à grande vitesse depuis quelques années. C’est pourquoi les tribunaux sont confrontés à des questions et à des enjeux pour lesquels des réponses définitives n’ont pu être apportées dans les arrêts des instances supérieures. Au cours des prochains mois, il sera intéressant de suivre l’approche qui sera retenue par les tribunaux concernant l’octroi de dommages et, le cas échéant, de dommages moraux. D’autre part, il faudra surveiller si la Cour supérieure, au stade de l’autorisation, apportera une attention renouvelée au critère relatif à la capacité de représentation adéquate du représentant en permettant aux défendeurs de vérifier la qualité de ce dernier lors d’interrogatoire.   2017 QCCA 738. 2017 QCCS 3526. 2012 CSC 8. Sibiga c. Fido Solutions, 2016 QCCA 1299. Charles c. Boiron, 2016 QCCA 1716. Mahmoud c. Société des casinos du Québec inc., 2017 QCCS 1691. Michaud c. Sanofi-Aventis Canada inc., 2016 QCCS 3977.

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  • La permission d’appeler du défendeur au stade de l’autorisation de l’action collective : La Cour d’appel du Québec adopte une approche restrictive

    Le 22 novembre dernier, la Cour d’appel du Québec rendait un jugement inédit sur l’application de l’article 578 du nouveau Code de procédure civile (« NCPC ») dans les affaires DuProprio inc. c. La fédération des chambres immobilières du Québec, Énergie éolienne Des Moulins S.E.C. c. Labranche et La Centrale des syndicats du Québec c. Allen1. Sous la plume du juge Jacques Chamberland, la Cour d’appel a rejeté à l’unanimité les demandes des défendeurs visant la permission d’en appeler du jugement de première instance autorisant l’exercice de l’action collective de leur dossier respectif. Considérant le caractère nouveau de cet article, la Cour d’appel avait réuni ces trois affaires pour fins d’audition et référé le litige à un banc de trois juges. Historique du droit d’appel Le juge Chamberland dresse d’abord un portrait de l’historique législatif du droit d’appel d’un jugement autorisant l’exercice d’une action collective. Introduite en 1978, l’action collective, alors appelée recours collectif, permettait au demandeur et au défendeur de porter en appel le jugement autorisant l’exercice d’une action collective. En 1982, le législateur a mis en place le droit d’appel asymétrique, retirant ainsi le droit au défendeur de faire appel au stade de l’autorisation tout en préservant ce droit pour le demandeur. Dans le cadre de la réforme du NCPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, le législateur a adopté l’article 578 NCPC qui permet désormais l’appel sur permission des jugements accueillant une demande en autorisation d’exercer une action collective. Cependant, le législateur n’a pas précisé les critères requis pour accorder une telle permission. La norme d’intervention La Cour souligne que la norme d’intervention en appel d’une décision accueillant ou rejetant la demande d’exercer une action collective est « exigeante ». La Cour d’appel interviendra seulement si le juge de première instance a commis une erreur de droit ou a manifestement erré dans son appréciation des quatre critères régissant l’autorisation du recours2. Le test applicable S’appuyant sur le commentaire de la ministre de la Justice qui précise que « l’appel portant sur l’autorisation ne devrait porter que sur les conditions pour l’accorder », le juge Chamberland explique que « le test ne doit pas être sévère au point de stériliser le droit d’appel sur permission, mais non plus souple au point de placer les deux parties sur le même pied en ce qui a trait au droit d’appel ». Pour définir le test applicable, la Cour prend en compte le fait que le seuil requis pour obtenir l’autorisation d’exercer une action collective est peu élevé et que le juge bénéficie d’une « vaste latitude » afin d’accorder une telle requête. Ainsi, le tribunal affirme que le test doit être « exigeant » et que l’appel doit être réservé à des « cas exceptionnels » : « Le juge accordera la permission de faire appel lorsque le jugement lui paraîtra comporter à sa face même une erreur déterminante concernant l’interprétation des conditions d’exercice de l’action collective ou l’appréciation des faits relatifs à ces conditions, ou encore, lorsqu’il s’agira d’un cas flagrant d’incompétence de la Cour supérieure3 ». Selon la Cour, ce test respecte l’intention du législateur, notamment en ce qu’il : i) ne porte que sur les conditions d’exercice de l’action collective, ii) écarte les appels inutiles ou ne portant que sur des éléments accessoires, iii) respecte la discrétion du juge de première instance, iv) n’alourdit pas le fardeau d’intenter une action collective pour le demandeur et v) permet d’éviter un long et couteux débat sur le fond lorsque l’action collective est mal fondée. Conclusion Appliquant le test précité aux faits propres à chacune des affaires, la Cour d’appel rejette toutes les demandes de permission de faire appel du jugement autorisant l’exercice d’une action collective, avec les frais de justice contre les appelants. Commentaires Cet arrêt démontre encore une fois l’approche libérale adoptée par les tribunaux rendant minimales les exigences pour obtenir l’autorisation d’intenter une action collective. L’obiter récent de la juge Bich4 dans lequel elle invite le législateur à se pencher sur l’utilité d’une telle étape dans sa forme actuelle n’en est que le reflet. Il y a lieu de s’interroger sur les bénéfices réels de limiter de la sorte le droit d’appel du jugement autorisant l’exercice d’une action collective. En effet, un véritable mécanisme de filtrage avec un droit d’appel au stade de l’autorisation permet au demandeur d’être fixé à une étape préliminaire sur la viabilité du recours, et ce, avant d’y consacrer temps et argent. Il risque d’être ainsi privé de l’éclairage de la Cour d’appel sur les écueils et embûches susceptibles de compromettre le succès du recours au fond. À l’inverse, un jugement de la Cour d’appel confirmant l’autorisation de l’action collective peut s’avérer un argument de taille pour influencer la négociation d’un règlement, évitant ainsi de mobiliser des ressources judiciaires importantes pour la tenue d’un procès sur le fond. L’affaire DuProprio (500-09-026070-169); l’affaire Énergie éolienne des moulins (200-09-009270-163 et 200-09-009273-167); l’affaire CSQ : (200-09-009238-160), (200-09-009241-164) (200-09-009247-161). Art. 575 C.p.c. Au paragraphe 59 de la décision. Charles c. Boiron Canada inc., 2016 QCCA 1716 (CanLII).

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  • Frais d’itinérance : la route sera longue

    Le 10 août 2016, la Cour d’appel du Québec autorisait une action collective visant certains frais de téléphonie mobile internationale, rappelant ainsi, avec des égards marqués pour l’opinion contraire, la facilité à satisfaire le seuil de l’autorisation en vertu du droit québécois ainsi que les paramètres relatifs à l’intérêt du représentant1. L’action collective proposée «[D]ésagréablement surprise »2 par le montant des frais d’itinérance engagés lors d’un voyage aux États-Unis, Inga Sibiga, détentrice d’un contrat de téléphonie cellulaire avec Fido (une filiale de Rogers), sollicite l’autorisation d’exercer une action collective contre Bell, Fido, Rogers et Telus, les quatre principaux fournisseurs de services de téléphonie mobile au Canada. En substance, elle allègue que les frais de bande passante en itinérance internationale facturés par ces compagnies aux consommateurs québécois sont abusifs, lésionnaires et excessifs au point de constituer de l’exploitation, et donc contraires aux articles 8 de la Loi sur la protection du consommateur3 et 1437 du Code civil du Québec. Elle demande la réduction de l’obligation des abonnés et l’octroi de dommages exemplaires. Le mode itinérance internationale de données (le roaming) permet à un consommateur d’utiliser son téléphone mobile hors de la zone de couverture offerte par son fournisseur, ce dernier ayant alors recours au réseau d’un autre fournisseur, moyennant contrepartie. Les défendeurs offrant tous une couverture pancanadienne, la question des frais d’itinérance ne se pose que par rapport à la transmission de données à l’étranger. Le jugement dont appel Le 2 juillet 2014, l’honorable Michel Yergeau de la Cour supérieure du Québec rejette la requête en autorisation, avec dépens. Pour l’essentiel, la requête de Mme Sibiga ne lui paraît pas satisfaire aux exigences de l’article 1003b) Cpc alors applicable, en ce que les faits allégués ne lui semblent pas suffisants pour justifier les conclusions recherchées. Il relève qu’aucune allégation ni document n’établit sérieusement le cadre des obligations contractuelles assumées par la requérante et par Fido4. Les admonestations sont particulièrement vigoureuses face au fait qu’aucune copie du contrat de service n’a même été produite, contrat qualifié de « fait essentiel tangible »5. Devant ce cadre lacunaire, la Cour supérieure estime que les allégations d’exploitation relativement aux frais d’itinérance tiennent de la simple hypothèse et ne sauraient constituer des faits suffisants pour justifier l’autorisation d’une action collective; elles relèveraient sans doute mieux d’une « enquête à caractère public » mais des tribunaux, assurément pas6. Pour libérale que puisse être l’approche mise de l’avant par l’arrêt Infineon de la Cour suprême du Canada7, « [o]n ne lance pas une procédure aussi coûteuse pour le système judiciaire qu’un recours collectif sur une base aussi ténue »8. À cette conclusion pour le moins catégorique, la Cour supérieure ajoute encore qu’à son avis, Mme Sibiga n’est pas dans une position lui permettant de représenter adéquatement les membres du groupe proposé, comme le requiert l’article 1003(d) Cpc. D’une part, elle constate un défaut d’intérêt au sens de l’article 55 Cpc, du moins à l’encontre de Telus et de Bell, puisque Mme Sibiga n’est liée par contrat qu’avec Fido (et donc Rogers). D’autre part, considérant sa faible connaissance du dossier ou du processus, elle lui paraît « à la solde »9 de ses procureurs. Les commentaires de la Cour supérieure à ce sujet ne sont pas une condamnation des avocats au dossier ou de la représentante proposée, mais plutôt une défense du rôle et de l’indépendance du « représentant » dans le cadre d’une action collective. La requérante se pourvoit en appel et la Cour d’appel, sous la plume du juge Nicholas Kasirer, lui donne raison. C’est en partie eu égard à la « portée sociale »10 de l’action collective renforcée par la jurisprudence récente de la Cour suprême que sera cassée la décision de la Cour supérieure. L’appel Si elle acquiesce aux préoccupations exprimées par le juge de première instance selon lesquelles « une approche laxiste peut entraîner l’autorisation d’actions collectives qui ne méritent pas d’aller à procès »11, la Cour d’appel estime néanmoins qu’il a erré : « bien qu’un juge puisse refuser une requête pour autorisation qui repose sur une interprétation trop libérale de la norme d’Infineon, c’est une erreur de droit que de refuser l’autorisation en traitant cette norme comme trop libérale en soi »12. De l’avis de la Cour d’appel, « en refusant l’autorisation […] à cause de ce qu’il décrit comme une demande imprécise et spéculative, le juge a manqué d’appliquer la norme de l’apparence de droit qui aurait dû prévaloir dans cette affaire d’action collective de consommation »13; il n’a dès lors pas pu constater que les critères de l’autorisation étaient satisfaits. L’insoutenable légèreté du filtre de l’autorisation « [L]e recours devrait être autorisé à suivre son cours si le requérant présente une cause défendable »14, « le tribunal, dans sa fonction de filtrage, écarte simplement les demandes frivolesÉ »15 : la facilité à satisfaire les critères posés par l’article 1003 Cpc alors applicable est désormais établie, n’en déplaise aux tenants d’une approche plus scrutatrice. Il suffit presque à ce stade que les allégations, même les plus légères, paraissent soutenables; c’est lors du procès au fond qu’elles devront être établies, étoffées par la preuve. Le juge de première instance, indique la Cour d’appel, a eu tort de demander davantage. Paradoxalement peut-être, à d’autres égards, elle lui reprochera d’avoir cédé à la tentation de l’examen de certains éléments du dossier comme s’il était saisi du fond16, ce qui, au stade de l’autorisation, était « imprudent et en effet erroné »17. D’autre part, la Cour d’appel n’accorde pas la même importance que la Cour supérieure à la production du contrat de la requérante avec son fournisseur de services de téléphonie mobile. L’existence du contrat n’est pas disputée et certaines de ses modalités peuvent être déduites des factures ou des documents d’information des fournisseurs, qui eux, ont été produits en preuve. Au stade de l’autorisation, cela suffit18. Le représentant : ni fer de lance ni marionnette Restent les commentaires sur la capacité de représentation de la requérante. Suivant en cela l’arrêt Marcotte19 de la Cour suprême (arrêt rendu après le jugement de la Cour supérieure et dont elle ne pouvait donc bénéficier), la Cour d’appel conclut que l’absence de cause d’action (contractuelle) directe entre la requérante et deux des défendeurs proposés ne constitue pas un obstacle dirimant à l’action collective envisagée20. La question du rôle du représentant proposé et de sa capacité à travailler avec - et non pour - ses avocats est plus délicate : que certains avocats puissent faire preuve d’un esprit d’entreprise excessif ne permet pas d’éclipser certains mérites de ce genre de pratique21. Que l’empreinte des avocats y soit forte ne sape pas nécessairement l’authenticité d’une demande22. Encore ici, de l’avis de la Cour d’appel, la Cour supérieure s’est fait l’apôtre d’une approche plus rigoureuse que ne le commande la Cour suprême. La composition du groupe : le fardeau de la preuve appartient aux audacieux S’appuyant sur un commentaire de la Cour supérieure selon lequel, en l’absence de quelque précision quant aux pays où des frais d’itinérance auraient été engagés et à la variété des forfaits23, le groupe proposé était indûment inclusif, les défenderesses Bell et Telus demandaient à la Cour d’appel, advenant que l’appel soit accueilli, de restreindre celui-ci. La Cour d’appel s’y refuse. Si tenté puisse-t-on être de donner au groupe proposé une échelle plus habituelle, ce serait là préjuger de la capacité de la demande à mener sa preuve24. Or, au stade de l’autorisation, il suffit d’établir le caractère a priori raisonnable ou défendable de la composition du groupe, ce qui, en l’espèce, a été fait25. Quoi qu’il en soit, la description du groupe n’est pas immuable et peut être révisée pendant l’audience26. Au final L’arrêt de la Cour d’appel du Québec s’inscrit dans la droite ligne des enseignements récents de la Cour suprême du Canada en matière d’action collective. S’il n’opère aucun renversement jurisprudentiel, il est cependant révélateur de la force avec laquelle le plus haut tribunal du pays a consacré la générosité du régime québécois au stade de l’autorisation27. L’autorisation n’est évidemment pas acquise par le seul dépôt d’une demande, mais le caractère approximatif ou inachevé de la preuve présentée à ce stade préliminaire n’est pas fatal. La réforme de la procédure civile québécoise n’ayant pas reformulé les critères applicables, il y a tout lieu de penser que la tendance se maintiendra, libérale. Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299 [CA], inf. Sibiga c. Fido Solutions inc., 2014 QCCS 3235 [CS]. CS, au para. 16. Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1. CS, au para. 113. CS, au para. 109. CS, au para. 121. CS, au para. 147; référence à Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, [2013] 3 RCS 600, 2013 CSC 59. CS, au para. 98. CS, au para. 150. CA, au para. 51, référence à Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 RCS 666, 2006 CSC 19, au para. 16. CA, 14 [notre traduction]. CA, au para. 15 [notre traduction]. CA, au para. 15 [notre traduction]. Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, [2013] 3 RCS 600, 2013 CSC 59, au para. 65. Ibid., au para. 61. CA, aux para. 69-96. CA, au para. 96. CA, aux para. 56-68. Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 RCS 725, 2014 CSC 55. CA, aux para. 39, 98, 115. CA, aux para. 102-103. CA, au para. 104. CS, au para. 122. CA, aux para. 140-141. CA, aux para. 137-138. CA, au para. 150. V. p.ex., Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, [2013] 3 RCS 600, 2013 CSC 59; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, [2014] 1 RCS 3, 2014 CSC 1, Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 RCS 725, 2014 CSC 55, Theratechnologies Inc. c. 121851 Canada Inc., [2015] 2 RCS 106, 2015 CSC 18.

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  • La garantie d’usage en droit de la consommation : la Cour d’appel se prononce

     Cette publication a été coécrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Lavery suit de près l’évolution des recours collectifs en droit de la consommation et se faIt un devoir de tenir le milieu des affaires informé en cette matière en publiant régulièrement des bulletins traitant des nouveautés jurisprudentielles ou législatives qui sont susceptibles d’influencer, voire de transformer, les pratiques du milieu. Dans Fortin c. Mazda Canada inc.1, la Cour d’appel du Québec infirme la décision de première instance2 et condamne Mazda à payer des dommages aux conducteurs des véhicules de modèle Mazda 3 des années 2004 à 2007 affectés d’un défaut de conception. Il appert que le verrouillage du côté du conducteur serait défectueux, de sorte qu’une simple pression dirigée stratégiquement au-dessus de la poignée de la portière côté conducteur suffirait pour neutraliser le système de verrouillage de ce véhicule. Les membres du recours collectif sont divisés en deux groupes. D’abord ceux dont le véhicule a été l’objet d’une attaque, qui réclament la valeur des objets volés, le coût de la réparation de la portière endommagée et la franchise d’assurance, le cas échéant (« Groupe 1 »), et ceux qui réclament une compensation pour les inconvénients occasionnés par l’installation gratuite d’un mécanisme de renforcement du système de verrouillage de la portière (« Groupe 2 »). De plus, les deux groupes réclament une diminution du prix de vente au motif que Mazda a omis de divulguer un fait important, et des dommages punitifs. JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE La Cour supérieure du Québec a rejeté sur le fond le recours collectif au motif que le mécanisme de verrouillage de la portière ne comporte pas de vice de conception puisque selon l’usage auquel il est destiné, le mécanisme crée un obstacle suffisant, permettant de diminuer de façon substantielle la possibilité d’un vol. Incidemment, il n’existe aucun standard de sécurité régissant l’efficacité d’un système de verrouillage pour les automobiles. Par conséquent, la facilité à contourner ce système de protection ne relève pas du déficit d’usage. La Cour n’a pas retenu non plus que Mazda s’était livrée à une pratique de commerce interdite en omettant de divulguer un fait important sur un élément de sécurité. À tout événement, l’intervention criminelle d’un tiers a rompu le lien de causalité entre le vice allégué et les dommages subis. Pour ce qui est de la réclamation des membres dont le véhicule n’a pas été l’objet d’une attaque (Groupe 2), la Cour estime qu’il n’ont subi aucune manifestation du vice. Le fait qu’ils aient dû se rendre chez leur concessionnaire pour l’installation d’un mécanisme de renforcement du système de verrouillage fait partie des troubles ordinaires de la vie et ne justifie donc pas l’octroi de dommages-intérêts. En l’absence d’une preuve d’insouciance de la part de Mazda face à ses obligations légales, la Cour a également rejeté la réclamation en dommages punitifs. JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL LA LOI SUR LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR (LPC) ET LA NOTION DE VICE CACHÉ La LPC prévoit qu’un bien doit pouvoir servir à l’usage auquel il est normalement destiné (article 37 LPC) pendant une durée raisonnable, qui peut varier selon le prix payé, les dispositions du contrat et les conditions d’utilisation (article 38 LPC). Si le bien ne permet pas l’usage auquel le consommateur peut raisonnablement s’attendre, il y a alors présomption que le défaut est antérieur à la vente. De plus, ni le commerçant ni le fabricant ne peuvent opposer au consommateur le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut (article 53 LPC). La Cour confirme que les garanties précitées sont une application particulière de la notion de vice caché connue en droit civil québécois. La Cour ajoute une nuance importante : par l’effet de la LPC, le fardeau de preuve d’un consommateur souhaitant invoquer le défaut d’usage en vertu de l’article 37 LPC est atténué en comparaison avec celui d’un acheteur qui invoque la garantie de qualité du Code civil du Québec (CCQ). En effet, un recours invoquant la garantie de qualité en vertu du CCQ doit satisfaire quatre critères; 1) être occulte, 2) être suffisamment grave, 3) être inconnu de l’acheteur et 4) être antérieur à la vente. Or, la Cour est d’avis que, à l’instar de la garantie prévue à l’article 38 LPC, la garantie contre le déficit d’usage en vertu de l’article 37 LPC dispense le consommateur de démontrer l’existence d’un défaut occulte, dans la mesure où le consommateur s’est livré à un examen ordinaire du bien avant l’achat. La Cour précise que la présomption d’existence d’un défaut occulte élargit la « conception traditionnelle » du vice caché en ce qu’un consommateur pourrait bénéficier de la garantie prévue à l’article 37 LPC sans que le bien ne soit atteint d’un défaut matériel. Le consommateur doit seulement démontrer qu’il existe un déficit d’usage sérieux et qu’il en ignorait l’existence au moment de la vente. LES CONDITIONS D’APPLICATION DE LA GARANTIE D’USAGE La Cour souligne que la garantie d’usage imposée au commerçant et au manufacturier crée une obligation de résultat. Cette obligation s’apprécie essentiellement sur les attentes raisonnables de l’acheteur. Un tribunal devra appliquer la norme objective c’est-à-dire l’attente d’un consommateur moyen appréciée au regard de la nature du produit et de sa destination. La Cour relève que bien que ce soit une défense souvent invoquée, le fait que le commerçant respecte les normes légales ou standards de l’industrie ne l’exonère pas pour autant d’une conclusion de déficit d’usage. De plus, elle précise que « l’absence de normes ne libère pas le manufacturier de son obligation de tenir compte des besoins et des attentes raisonnables de sa clientèle ». La Cour supérieure a donc erré lorsqu’elle a conclu que, dans le cadre d’un usage normal, le mécanisme de verrouillage fonctionne très bien. En effet, cette analyse ne tient pas compte de l’attente du consommateur qui croit légitimement que son véhicule est équipé d’un système de verrouillage capable de créer « un obstacle raisonnable contre les intrusions malveillantes ». En appliquant les présomptions d’antériorité du vice et d’existence d’un défaut occulte conférées par l’application de l’article 37 LPC, le consommateur n’a qu’à démontrer que la faiblesse du système de verrouillage était substantielle et que, s’il l’avait su, il n’aurait pas acheté le véhicule. À cet égard, la Cour fait siens les arguments de l’appelant et estime que tout consommateur informé de la faiblesse du système de verrouillage aurait renoncé à acquérir ce modèle pour le prix payé. Par conséquent, la Cour infirme le jugement de première instance et conclu que les véhicules Mazda visés par le recours étaient atteints d’un important déficit d’usage donnant lieu aux mesures réparatrices prévues à l’article 272 LPC. L’OBLIGATION D’INFORMATION L’article 228 LPC interdit au commerçant, fabricant ou publicitaire de passer sous silence un fait important. Contrairement au juge de première instance, la Cour d’appel est d’avis que le « fait important » prévu à l’article 228 LPC ne « vise pas uniquement à protéger la sécurité physique du consommateur », mais cible également tout élément déterminant d’un contrat. Un élément sera déterminant s’il est susceptible d’interférer avec le choix éclairé du consommateur. Mazda avait l’obligation de divulguer la défaillance du système de protection dès qu’elle en a pris connaissance puisque les membres du groupe n’auraient pas contracté selon les mêmes modalités. Par conséquent, tous les consommateurs ayant acquis un véhicule entre la date où Mazda a appris que son système de verrouillage était défaillant (3 octobre 2006) et la date où Mazda a lancé son programme spécial de correction (28 janvier 2008), et qui ignoraient la défaillance du système de sécurité, ont le droit de réclamer une diminution du prix conformément à l’article 272 LPC. LES DOMMAGES PUNITIFS La Cour d’appel rappelle que le manquement à une disposition de la LPC ne donne pas automatiquement droit à des dommages punitifs, insistant sur le caractère lourd du fardeau de preuve requis en cette matière. En accord avec le juge de première instance, la Cour d’appel indique que l’analyse des faits ne démontre pas que Mazda a agi de « manière intentionnelle, malveillante ou vexatoire, ou encore que sa conduite peut se qualifier d’ignorance sérieuse, d’insouciance ou de négligence atteignant ce niveau de gravité » et, par conséquent, les membres n’ont pas droit à des dommages punitifs. LES DOMMAGES EXTRACONTRACTUELS (GROUPE 1) Selon la Cour d’appel, l’intervention criminelle d’un tiers n’a pas brisé la chaîne de responsabilité de Mazda (novus actus interveniens). Le système de protection des véhicules était affecté d’un défaut de conception, et c’est en raison de cette faiblesse que des malfaiteurs ont pu profiter de cette condition. Le dommage subi par les membres dont le véhicule a été endommagé ou volé est donc le résultat de la faute commise par Mazda de ne pas avoir conçu un système de verrouillage capable d’offrir « un obstacle raisonnable contre les intrusions malveillantes ». LES TROUBLES, ENNUIS ET INCONVÉNIENTS Les membres du Groupe 2 réclament une compensation pour les inconvénients occasionnés par la campagne de rappel de Mazda visant à corriger le défaut affectant le système de sécurité de ses véhicules. Or, bien que la Cour d’appel reconnaît le désagrément qu’a pu engendrer une telle campagne, elle estime que ces inconvénients ne sont pas supérieurs aux « inconvénients normaux auxquels tous les propriétaires de véhicules sont confrontés ici et là dans le cours normal d’une année ». Sur le plan procédural, la Cour d’appel reconnaît que lorsque l’adjudication d’une telle réclamation nécessite la prise en compte d’éléments subjectifs, propres à chaque membre d’un groupe, l’action collective ne serait pas le véhicule approprié. En effet, des réclamations fondées sur des inconvénients subis présentent des aspects fortement individuels. Reprenant la maxime latine de minimis non curat lex, la Cour d’appel souligne qu’il n’est pas adéquat d’accaparer les tribunaux pour des réclamations ayant peu de conséquences. Les deux groupes réclament également des dommages pour troubles, ennuis et inconvénients pour avoir subi la peur que leur véhicule soit vandalisé et les inconvénients liés à la recherche continuelle d’un stationnement sécuritaire. Cette réclamation est rejetée. La Cour d’appel rappelle que l’objectif de compenser une partie n’a pas pour ambition d’indemniser toutes « frustrations et susceptibilités liées au moindre manquement de la part de celui avec qui elle interagit ». Elle réitère par ailleurs que considérant son aspect individuel, ce type de réclamation se prête difficilement à une indemnisation collective. CONCLUSION La Cour d’appel conclut que les véhicules de modèle Mazda 3 des années 2004 à 2007 étaient affectés d’un important déficit d’usage. Cependant, Mazda a démontré qu’elle a remédié à ce défaut lors de sa campagne de correction (paragr. 272 a) L.p.c.) Les membres du Groupe 1 ne peuvent donc pas obtenir, en plus de cette mesure de réparation, une indemnisation additionnelle sous forme de réduction de leur obligation. Les membres du Groupe 1 ont cependant droit à des dommages compensatoires (272 LPC) en vertu du recours autonome des mesures de réparation spécifiques prévues à l’article 272 a) à f) LPC. Pour ce qui est des membres du Groupe 2, la Cour estime leurs réclamations non fondées. Finalement, la Cour est d’avis que Mazda a omis de divulguer à sa clientèle une information importante (228 LPC) et ce manquement à la loi permet à certains membres du Groupe 1 et du Groupe 2 d’obtenir une réduction de leur obligation (272 LPC), soit les consommateurs qui ignoraient la défaillance du système de sécurité et qui ont acheté un véhicule entre la date où Mazda a appris que son système de verrouillage était défaillant et la date où elle a lancé son programme spécial de correction. COMMENTAIRES Cette décision de la Cour d’appel clarifie plusieurs éléments tant en matière procédurale qu’en droit substantif. La Cour y affirme qu’un commerçant peut s’acquitter en nature de ses obligations découlant de la garantie légale, en application de l’article 272 a) LPC. Cela démontre l’importance d’une réaction rapide de la part d’un fabricant qui prend connaissance de l’existence d’un déficit d’usage affectant un produit qu’il met sur le marché. La Cour impose en pareil cas des obligations de transparence élevées aux fabricants, qui peuvent en retour obtenir un certain réconfort résultant des mesures, préventives ou curatives, qu’ils pourront mettre en place et l’aideront à écarter ou à réduire au minimum une responsabilité potentielle. Si les enseignements de la Cour sont suivis, il ne devrait pas être possible de réclamer compensation sur la simple base qu’une procédure de rappel a été lancée et que cela a causé des inconvénients pour ceux qui s’y sont soumis. L’importance d’informer sa clientèle des défauts qui affectent ses produits fait partie intégrante de l’exécution des obligations de renseignements qui incombent à tous les fabricants et commerçants.   2016 QCCA 31. 2014 QCCS 2617.   1. le gestionnaire doit respecter les dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion relevant de la Directive, et notamment : le respect des obligations de transparence prévues aux articles 22, 23 et 24 de la Directive : obligation de rédaction d’un rapport annuel pour chaque FIA commercialisé au sein de l’UE (art. 22), obligation d’information adéquate et périodique des investisseurs du FIA (art. 23) et diverses obligations de comptes rendus à l’égard des autorités compétentes (art. 24); l’existence de modalités de coopération appropriées entre les autorités de tutelle de chacun des pays membres de l’UE où aura lieu la commercialisation et les autorités du pays tiers concerné (soit celui où est établi le gestionnaire), mais également celui où le domicile du FIA est situé dans l’hypothèse d’un FIA domicilié dans un pays autre que celui de son gestionnaire2; l’absence du pays tiers dans lequel le gestionnaire est établi des listes des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (GAFI). -->

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  • Droit de la consommation et recours collectifs : Attention aux modifications unilatérales du contrat à exécution successive

     Cette publication a été coécrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Lavery suit de près l’évolution des recours collectifs en droit de la consommation et se fait un devoir de tenir la communauté d’affaires informée en cette matière en publiant régulièrement des bulletins traitant des nouveautés jurisprudentielles ou législatives qui sont susceptibles d’influencer, voire de transformer, les pratiques de milieu Au cours des derniers 18 mois, la Cour supérieure du Québec a analysé des clauses de modifications unilatérales1 de contrats de services du secteur des télécommunications dans le cadre de trois différents recours collectifs2. Dans ces décisions, que l’on pourrait surnommer la « trilogie des télécoms », la Cour a refusé de reconnaître la validité des clauses qui lui avaient été soumises et a ordonné la restitution de frais additionnels payés par les consommateurs à la suite de modifications de tarifs. La Cour a rappelé l’importance de dévoiler à son cocontractant l’ensemble des frais qu’il pourrait être appelé à payer pendant la durée d’un contrat de services à exécution successive, y compris les frais connexes ou additionnels3. La divulgation des frais dans le contrat est rigoureusement encadrée par les dispositions de La Loi sur la protection du consommateur4 et du Code civil du Québec5. Ces décisions consacrent donc une fois de plus le principe de la force exécutoire d’un contrat de services à durée fixe et ce, malgré les risques inhérents auxquels les commerçants sont soumis en raison de changements imprévisibles de la conjoncture du marché. Dans un contrat à durée déterminée, ce sont généralement les commerçants qui assument ces risques6. Par contre, dans un contrat à durée indéterminée, le consommateur doit décider, après réception d’un avis du commerçant qui désire changer les modalités du contrat, s’il accepte ces changements et nouvelles modalités ou s’il met fin au contrat. LES CLAUSES DE MODIFICATION UNILATÉRALE ET L’ARTICLE 12 L.P.C. Dans les trois cas analysés par la Cour, les contrats de services contenaient une clause qui, moyennant un préavis écrit de 30 jours7, permettait la modification unilatérale par le fournisseur de services de certaines modalités du contrat, y compris les tarifs et frais d’utilisation du service. Dans deux des cas, le fournisseur avait introduit de nouveaux frais applicables aux messages textes entrants alors que dans le dernier cas, le fournisseur avait établi un nouveau plafond de consommation internet qui entraînait une facture plus élevée pour l’utilisateur. Dans les trois cas, les fournisseurs avaient transmis à leurs clients des préavis de 30 jours annonçant la modification des modalités du contrat. Toutefois, la Cour a jugé que le processus de modification qui avait été suivi n’était pas conforme au libellé de l’article 12 L.p.c., qui interdit aux commerçants de réclamer du consommateur des frais non mentionnés de façon précise au contrat8. Le but de cet article est de s’ « assurer que le consommateur s’engage en toute connaissance de cause, au moment de conclure le contrat de consommation »9. Or, les clauses de modification contenues dans les contrats des fournisseurs n’énonçaient aucun critère objectif précisant la nature ou la fréquence des modifications et augmentations futures10, ce qui empêchait le consommateur de prévoir ou de déterminer les coûts supplémentaires susceptibles de s’ajouter aux obligations déjà établies aux termes des contrats. LES CLAUSES DE MODIFICATION UNILATÉRALE ET LE CODE CIVIL DU QUÉBEC Dans la décision Laflamme, le tribunal a également étudié la question sous le prisme des dispositions du C.c.Q.11. L’article 1373 C.c.Q. énonce qu’une prestation découlant d’un contrat doit être « possible et déterminée ou déterminable ». L’article 1374 C.c.Q. ajoute que la prestation « peut porter sur tout bien, même à venir, pourvu que le bien soit déterminé quant à son espèce et déterminable quant à sa quotité ». Appliquant ces dispositions, la juge Nantel conclut qu’une clause de modification n’est pas illégale en soi, mais doit comporter les éléments suivants : l’objet sur lequel la modification portera; des indices prédéterminés, critères objectifs et balises qui « ne relèvent pas du seul contrôle du bénéficiaire de la clause »12 permettant « d’anticiper l’élément déclencheur et l’ampleur de la modification »13. Or, dans Laflamme, la clause de modification14 ne permettait pas d’établir ou de déterminer clairement quel serait le coût de la modification au contrat, ce qui la rendait également illégale en vertu du C.c.Q. LES CLAUSES DE MODIFICATION UNILATÉRALE ET L’ARTICLE 11.2 L.P.C. Le 30 juin 2010, le législateur a introduit l’article 11.2 L.p.c. qui permet, dans certains cas, de modifier unilatéralement des contrats de consommation lorsque certaines conditions sont respectées15, tel que l’envoi par le commerçant d’un préavis de 30 jours au consommateur mentionnant la nature de la modification, sa date d’entrée en vigueur ainsi que le droit du consommateur de la refuser et de résilier le contrat sans pénalité, et ce jusqu’à 30 jours après l’entrée en vigueur de la modification. En revanche, la modification d’un élément essentiel du contrat à durée fixe n’est pas autorisée. Parmi ces éléments essentiels, l’article 11.2 L.p.c. mentionne notamment la nature du bien ou du service faisant l’objet du contrat, son prix ou encore la durée du contrat. À ce jour, aucun tribunal n’a appliqué ni interprété l’article 11.2 L.p.c qui n’était pas applicable aux trois recours collectifs puisque les clauses contestées ont été utilisées par les fournisseurs avant l’adoption de cet article. La juge Paquette, dans l’affaire Martin, émet toutefois certains commentaires à ce sujet16. Elle note que l’article 11.2 L.p.c. a été adopté en continuité avec l’article 12 L.p.c. et non pas en contradiction avec celui-ci et qu’il a pour but de consolider le principe selon lequel le consommateur ne doit pas être pris par surprise. Elle conclut que si l’article 11.2 L.p.c. avait été en vigueur au moment où le fournisseur a augmenté le prix d’un des services prévu au contrat, la modification aurait été inopposable au consommateur puisque ce dernier ne pouvait mettre fin au contrat sans pénalité. De plus, la modification visait le prix, un élément essentiel du contrat qui ne peut être modifié, même en appliquant l’article 11.2 L.p.c., étant donné que le contrat est à durée fixe. Bien que l’article 11.2 L.p.c. prévoit un processus très strict devant être suivi par les commerçants qui désirent modifier les modalités d’un contrat, il semble que cette disposition soit quand même plus flexible que les articles 1373 et 1374 C.c.Q., à tout le moins tel que ces dispositions ont été interprétées par la Cour dans la trilogie. En effet, l’article 11.2 L.p.c. n’exige pas qu’une clause modificatrice prévoit des « indices prédéterminés qui […] permettent d’avoir une idée des modifications éventuelles qui pourraient être apportées » ou des « critères objectifs et des balises ». L’article 11.2 ne pose pas non plus de condition exigeant que « la clause […] permette clairement au consommateur de connaître de façon précise le montant des frais qui lui seront réclamés pour un service donné en cours de contrat ». CONCILIER LE CODE SUR LES SERVICES SANS-FIL DU CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS (LE « CRTC ») ET L’ARTICLE 11.2 L.P.C. Le Code sur les services sans-fil adopté par le CRTC (le « Code ») est entré en vigueur le 2 décembre 2013. Le Code est le fruit d’une série de consultations auprès des différents acteurs du domaine des télécommunications et vise à encadrer les pratiques de ce secteur. Il interdit aux entreprises de télécommunication de modifier unilatéralement les clauses principales d’un contrat de services, mais non ses autres modalités. Rien n’est toutefois précisé en ce qui concerne les modifications d’autres modalités lorsqu’elles affectent le prix. Le Code a été invoqué dans deux recours, mais plus particulièrement par le fournisseur dans l’affaire Martin. Toutefois, les juges ont conclu qu’il ne pouvait s’appliquer aux faits qui leur étaient soumis, ceux-ci étant survenus avant son entrée en vigueur. La juge Paquette a cependant mentionné que les modalités du contrat concernant les services payables à l’usage tels que les frais de messagerie ne faisaient pas partie de la catégorie des modalités principales et qu’ils pourraient donc, en vertu du Code, faire l’objet de modifications au moyen d’une clause unilatérale17. Cette interprétation fera sûrement l’objet de commentaires et réactions. L’interprétation des termes « éléments principaux » et « autres modalités » fera certainement l’objet d’un débat qu’il faudra suivre de près au cours des prochaines années. Les tribunaux apporteront peut-être une réponse à ces questions prochainement puisqu’un recours collectif contre deux autres fournisseurs de services a récemment été autorisé par la Cour supérieure du Québec, cette décision ayant été confirmée par la Cour d’appel du Québec18. LES SANCTIONS Le commerçant qui ne respecte pas l’article 12 de la L.p.c. s’expose aux sanctions énumérées à l’article 272 L.p.c.19 y compris la possibilité pour le consommateur de demander la résiliation du contrat et l’octroi de dommages punitifs. Dans les trois décisions de la trilogie, la Cour a ordonné que les clients soient compensés pour les frais supplémentaires engendrés par la modification de leurs contrats respectifs. Dans Union, la Cour a également accordé des dommages punitifs en faveur d’un des sous-groupes20 puisque le fournisseur n’avait pas averti les nouveaux clients, lors de la conclusion du contrat, de la modification imminente de certains frais alors que la décision de les ajouter avait déjà été prise. De l’avis de la Cour, le fournisseur avait passé sous silence un fait important, contrevenant ainsi à l’article 228 de la L.p.c. Cette violation a à elle seule justifié l’octroi de dommages punitifs de 500 $ par membre du sous-groupe. L’utilisation de ce remède particulier que représente une condamnation à des dommages punitifs démontre une fois de plus que le recours collectif constitue l’un des plus puissants dissuasif de la L.p.c. COMMENTAIRES La trilogie des télécoms rappelle aux commerçants qu’ils doivent divulguer le montant de tous les frais qui seront facturés à leurs clients. Par ailleurs, l’article 11.2 L.p.c. ajoute maintenant à ce principe certaines procédures à suivre lorsque le commerçant veut se prévaloir d’une clause modificatrice. Ces trois décisions ont été portées en appel. Il sera intéressant de voir si la Cour d’appel clarifiera la portée de l’article 11.2 L.p.c. et définira les conditions de sa cohabitation avec l’article 12 L.p.c. On peut aussi se demander si la politique du CRTC peut atténuer la rigueur des dispositions de la L.p.c. et donner aux fournisseurs de services de télécommunications des arguments permettant de centrer le débat non pas sur le prix, mais sur ce qui constitue une modalité accessoire par rapport à un élément principal du contrat. D’autres décisions sont aussi à prévoir en ce qui concerne la modification unilatérale du contrat. Pensons par exemple aux programmes de fidélisation21. En effet, deux recours collectifs alléguant des modifications illégales de tels programmes ont déjà été autorisés22 et une troisième demande d’autorisation a récemment été déposée23. Il est donc à prévoir que les tribunaux préciseront encore davantage, dans une nouvelle trilogie, les droits et obligations des commerçants relativement aux modifications unilatérales de contrat. 1 Une clause de modification unilatérale permet à une partie contractante, en l’espèce le fournisseur de services, d’apporter des changements à un contrat avant son échéance. 2 Laflamme c. Bell Mobilité Inc., 2014 QCCS 525 (2014-02-18), inscription en appel, 2014-03-18 (C.A.) (« Laflamme »); Martin c. Société Telus Communications, 2014 QCCS 1554 (2014-04-08), inscription en appel, 2014-05-08 (C.A.) et Requête en rejet d’appel, 2014-05-28 (C.A.) (« Martin »); Union des consommateurs c. Vidéotron s.e.n.c., 2015 QCCS 3821 (2015-08-21) (« Union »). 3 Il est à noter que la qualification des frais (connexes ou additionnels) n’a pas encore été analysée. 4 RLRQ, c. P-40.1 (« L.p.c. »), articles 11.2 et 12. 5 RLRQ, c. C-1991 (« C.c.Q. »), articles 1373 et 1374. 6 Sous réserves de nuances traitées dans ce bulletin. 7 Les contrats de services contenaient tous des termes du genre « sur préavis d’au moins 30 jours », « moyennant un préavis minimal de 30 jours » ou « après vous avoir donné un préavis de 30 jours ». 8 Laflamme, par. 46. 9 Martin, par. 37. 10 Martin, par. 38. 11 Un des sous-groupes visés par le recours collectif n’était pas composé de consommateurs au sens de la L.p.c. 12 Garderie éducative La Souris Verte inc. c. Chrétien, 2010 QCCS 4843, par. 49, repris dans Laflamme, par. 66. 13 Laflamme, par. 66. 14 La clause se lisait comme suit : « Nous n’augmenterons pas les frais de votre Forfait voix mensuel de base ou les frais de temps d’antenne excédentaire pendant la période d’engagement, pourvu que vous demeuriez admissible, durant toute la période d’engagement, au Forfait et aux services que vous avez choisis. (…) Pendant la durée, nous pourrions hausser d’autres frais (y compris les frais d’accès au réseau), ainsi qu’imposer des frais additionnels, après vous avoir donné un préavis de 30 jours. », Laflamme, par. 33. 15 Les articles 11.2 et 12 L.p.c. s’appliquent à tous les types de contrats de consommation. Nous examinons exclusivement leur application dans le cadre de contrats de services en télécommunication, mais les principes de base demeurent les mêmes peu importe le type de contrat, à l’exception des contrats de crédit variable visés par l’article 129 L.p.c. auxquels les règles de l’article 11.2 L.p.c. ne s’appliquent pas. 16 Martin, par. 59-63. 17 Martin, par. 67. 18 Amram c. Rogers Communications inc. (et Fido Solutions inc.), 2012 QCCS 4453. Appel accueilli à la seule fin de modifier certains paragraphes du jugement de première instance, 2015 QCCA 105. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2015-09-24). 19 Pour plus d’informations concernant l’application de cet article, nous vous référons à notre bulletin Droit de savoir publié en août 2015 : https://www.lavery.ca/publications/nos-publications/1882-nouveautes-en-droit-de-la-consommation.html. 20 Le sous-groupe était composé des membres qui avaient souscrit au forfait Internet haute vitesse extrême après le 28 juin 2007. 21 La fidélisation est, pour une marque, une entreprise ou une organisation, l’art de créer et de gérer une relation durable personnelle avec chacun de ses clients, notamment en leur attribuant des avantages tels que réductions ou cadeaux lorsqu’ils ont cumulé des points acquis lors d’achats antérieurs. 22 Option consommateurs c. Corporation Shoppers Drug Mart, 2012 QCCS 1078; Neale c. Groupe Aéroplan inc., 2012 QCCS 902. 23 Recours contre la Banque Toronto Dominion déposé le 17 juillet 2015 : https://services.justice.gouv.qc.ca/DGSJ/RRC/DemandeRecours/DemandeRecoursRecherche.aspx.

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  • Québec – Recours collectif historique contre les cigarettiers : la Cour supérieure octroie des dommages-intérêts de plus de 15 milliards de dollars

    Dans un jugement rendu le 27 mai 2015 dans deux recours collectifs1, la Cour supérieure du Québec condamne les trois principales compagnie de tabac canadienne à verser plus de 15 milliards de dollars en dommages moraux et en dommage punitifs. Cette décision fait suite à plus de 253 jours d’audience2 et 16 ans de procédure. LES RECOURS COLLECTIFS En février 2005, le juge Pierre Jasmin a autorisé deux recours collectifs contre les défenderesses JTI-Macdonald (JTM), Imperial Tobacco (ITL) et Rothmans, Benson & Hedges (RBH). Le premier recours collectif a été intenté par Cécilia Létourneau au nom de 918 000 fumeurs dépendants de la cigarette. La somme réclamée s’élevait à 5 000 $ en dommages moraux et 5 000 $ à titre de dommages punitifs par membre du groupe. Le second recours collectif, mieux connu comme le dossier Blais, a été intenté par le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) au nom de près de 100 000 fumeurs et anciens fumeurs ayant été diagnostiqués avec le cancer du poumon, le cancer de la gorge ou l’emphysème. La somme réclamée s’élevait à 100 000 $ en dommages moraux et 5 000 $ à titre de dommages punitifs par membre du groupe. Les demandeurs avaient renoncé à leur droit de présenter des réclamations individuelles pour dommages-intérêts compensatoires. Les deux recours collectifs, couvrant la période de 1950 à 19983, ont été regroupés en une seule instance. LE JUGEMENT Dans un jugement de 276 pages, le juge Brian Riordan a conclu que les compagnies de tabac connaissaient les dommages causés par le tabagisme, qu’elles avaient caché des renseignements essentiels et qu’elles avaient sciemment fait des déclarations publiques fausses et trompeuses. La Cour a examiné le comportement de chaque défenderesse et a tiré les conclusions suivantes : Les compagnies de tabac ont fabriqué et vendu un produit qui était dangereux et mauvais pour la santé des consommateurs. Les compagnies de tabac connaissaient les risques et dangers associés à l’utilisation de leur produit. Les compagnies de tabac ont minimisé les risques et dangers du tabagisme et ont omis de divulguer des renseignements sur le sujet pendant toute la durée des recours collectifs. À compter de 1962, les compagnies de tabac ont comploté pour empêcher les consommateurs de connaître les risques inhérents à l’utilisation de leurs produits. Les compagnies de tabac ont porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité et à l’intégrité des membres du groupe, faisant intentionnellement passer leurs profits avant la santé des fumeurs. LA FAUTE Les défenderesses ont commis des fautes graves en vertu du Code civil du Québec, de la Loi sur la protection du consommateur et de la Charte des droits et libertés de la personne . La Cour est d’avis que les compagnies de tabac : ont contrevenu à leur obligation générale de ne pas causer de préjudice à autrui4; ont contrevenu à l’obligation d’un fabricant d’informer ses clients des risques et des dangers que comporte l’utilisation de ses produits5; ont porté atteinte de façon illicite à un droit protégé par la Charte québécoise6; se sont livrées à une pratique interdite visée par la Loi sur la protection du consommateur7. L’EXONÉRATION PARTIELLE En droit civil québécois, le fabricant peut être exonéré s’il démontre que le consommateur connaissait ou était en mesure de connaître le défaut de sécurité du bien8. Dans son jugement, le juge Riordan a précisé que dans le cas de produits dangereux pour le bien-être physique des consommateurs, le critère d’évaluation de la connaissance du public est plus « rigoureux » et nécessite l’application de normes plus élevées. Malgré les avertissements figurant sur les paquets de cigarettes depuis 1972, il a été déterminé que de tels énoncés étaient incomplets et insuffisants. La Cour a établi qu’à compter du 1er janvier 1980, les consommateurs connaissaient ou auraient raisonnablement dû connaître les risques de contracter les maladies liées à l’usage du tabac9, et que, à compter du 1er mars 1996, ils connaissaient les risques de dépendance. Par conséquent, les membres qui ont commencé et continué à fumer après ces périodes10 ont commis une faute contributive. La Cour a attribué 80 % de la responsabilité aux compagnies de tabac et 20 % aux membres du recours. LE LIEN DE CAUSALITÉ Les fautes commises par les compagnies de tabac sont l’un des facteurs ayant causé le tabagisme chez les membres du recours. Le juge Riordan a privilégié le critère de la raisonabilité, indiquant que la présence d’autres facteurs externes menant au tabagisme n’a pas eu comme effet d’exonérer les compagnies de tabac de leur responsabilité. Les présomptions de fait ne doivent pas nécessairement éliminer toutes les autres possibilités, dans la mesure où les demandeurs démontrent que les fautes commises ont amené d’une manière logique, directe et immédiate les membres à fumer. Concernant le lien de causalité individuel entre les maladies dont ont souffert les membres et les fautes commises par les défenderesses, le juge Riordan a convenu que la preuve épidémiologique suffisait pour le démontrer. Il a cependant précisé que cette preuve était permise en raison de l’application de l’article 15 de la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés au tabac11 qui prévoit que le lien de causalité peut être établi « sur le seul fondement de renseignements statistiques ou d’études épidémiologiques ». LES DOMMAGES-INTÉRÊTS Le tribunal ordonne le recouvrement collectif si la preuve permet d’établir d’une façon suffisamment exacte le montant total des réclamations des membres12. Pour ce qui est du dossier Létourneau, malgré le fait que la Cour ait jugé que les trois éléments de la responsabilité étaient réunis, elle n’a pas attribué de dommages moraux car la preuve ne permettait pas d’établir d’une façon suffisamment exacte la nature et le degré des dommages entre les membres du groupe. Dans le dossier Blais, la Cour a attribué des dommages moraux solidaires de 6 858 864 000 $13. Les défenderesses étant respectivement responsables à 67 % pour ITL, 20 % pour RBH et 13 % pour JTM. De plus, la Cour a jugé que les trois sociétés s’étaient livrées à un comportement répréhensible qui justifiait l’octroi de dommages-intérêts punitifs en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne et de la Loi sur la protection du consommateur. À la lumière du comportement des parties et de leur capacité respective de payer, le juge a ordonné aux défenderesses de verser la somme de 1,31 milliard de dollars à titre de dommages punitifs14 aux membres des deux groupes. Il faut souligner qu’au Québec, dans les affaires de recouvrement collectif où la liquidation individuelle est ordonnée, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de ne pas remettre le remboursement de la partie non réclamée aux défenderesses. Il dispose du reliquat en tenant compte de l’intérêt des membres15. Le solde est généralement attribué à titre de donation à des organismes à but non lucratif dont les activités sont reliées aux intérêts des membres du groupe. LE DÉPÔT INITIAL Un jugement ordonnant le recouvrement collectif des réclamations enjoint le débiteur soit de déposer la somme établie soit de prendre une mesure réparatrice déterminée, ou d’exécuter les deux16. Afin de garantir l’indemnisation des membres, la Cour a fixé un dépôt initial de 1 milliard de dollars. Le juge a réservé aux demandeurs le droit de solliciter des sommes additionnelles si ce montant devait se révéler insuffisant. L’EXÉCUTION PROVISOIRE NONOBSTANT APPEL Compte tenu de la nature exceptionnelle de cette affaire, la Cour a accueilli la demande par laquelle les demandeurs ont sollicité l’exécution provisoire partielle des dommages attribués. Le juge a souligné que l’affaire avait commencé 17 ans auparavant et qu’un appel pourrait prendre jusqu’à six ans. Considérant que le tabagisme affecte le bien-être physique des membres, le juge Riordan a estimé qu’il était dans l’intérêt de la justice que ceux-ci soient indemnisés dès que possible. Conséquemment, la Cour a ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel d’une somme correspondant au dépôt initial à titre de dommages moraux plus les montants attribués en dommages punitifs, pour un total d’environ 1 milliard de dollars. Les défenderesses devront déposer ces sommes en fiducie dans les 60 jours suivant le jugement et le mode de répartition de ces fonds sera déterminé ultérieurement. CONCLUSION Les défenderesses ont déjà annoncé leur intention d’interjeter appel de la décision et de demander à la Cour d’appel de suspendre l’ordonnance d’exécution provisoire. Il faut souligner qu’au moins sept recours collectifs similaires se poursuivent au Canada, de même que dix poursuites judiciaires en recouvrement des coûts de soins de santé. Les sommes réclamées dans bon nombre de ces affaires sont supérieures à la somme accordée par la Cour supérieure du Québec. Il s’agit du premier recours collectif dans lequel les membres du groupe obtiennent des dommages-intérêts dans une affaire impliquant des cigarettiers au Canada. Notons que la certification d’un recours collectif similaire avait été refusée en Ontario en 2004 dans l’affaire Caputo17. Il sera intéressant d’observer l’impact qu’aura le présent jugement sur le dénouement des autres instances actuellement pendantes. SUMMARY TABLES OF DAMAGES AWARDED18 SOCIÉTÉ DOMMAGES-INTÉRÊTS MORAUX BLAIS DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS BLAIS DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS LÉTOURNEAU ITL 670 000 000 $ 30 000 $ 72 500 000 $ RBH 200 000 000 $ 30 000 $ 46 000 000 $ JTM 130 000 000 $ 30 000 $ 12 500 000 $   DOMMAGES-INTÉRÊTS MORAUX RESPONSABILITÉ Les membres du groupe Blais qui ont commencé à fumer avant le 1er janvier 1976 Sociétés – 100 % Les membres du groupe Blais qui ont commencé à fumer à compter du 1er janvier 1976 Sociétés – 80 % / Membres 20 % Les membres du groupe Létourneau qui ont commencé à fumer avant le 1er mars 1992 Sociétés – 100 % Les membres du groupe Létourneau qui ont commencé à fumer à compter du 1er mars 1992 Sociétés – 80 % / Membres 20 %   DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS RESPONSABILITÉ La réclamation du groupe Blais accumulée avant le 20 novembre 1995 Prescrite La réclamation du groupe Létourneau accumulée avant le 30 septembre 1995 Sociétés – 100 % La réclamation du groupe Blais accumulée au 20 novembre 1995 Sociétés – 100 % La réclamation du groupe Létourneau accumulée au 30 septembre 1995 Sociétés – 100 %   _________________________________________ 1 Létourneau c. JTI-MacDonald Corp. (C.S., 27-05-2015), 2015 QCCS 2382. 2 Le procès a débuté le 12 mars 2012 et s’est terminé le 11 décembre 2014. 3 Date de signification des requêtes pour autorisation. 4 Art. 1457 du Code civil du Québec. 5 Art. 1468 et suivants du CCQ. 6 Art. 1 et 49 de la Charte des droits et libertés de la personne. 7 Art. 219 et 228 de la Loi sur la protection du consommateur. 8 Art. 1473 CCQ. 9 Cancer du poumon et de la gorge ou emphysème. 10 La Cour a estimé qu’il faut environ quatre ans pour devenir dépendant de la cigarette. Par conséquent, les membres du groupe Blais qui ont commencé à fumer après le 1er janvier 1976 et les membres du groupe Létourneau qui ont commencé à fumer après le 1er mars 1992 et qui ont continué de fumer par la suite doivent assumer une partie de la responsabilité. 11 Art. 15 de la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés au tabac ch.R-2.2.0.0.1 (Qc) adoptée en 2009. Dans une action prise sur une base collective, la preuve du lien de causalité existant entre des faits qui y sont allégués, notamment entre (...) l’exposition à un produit du tabac et la maladie ou la détérioration générale de l’état de santé (...) peut être établie sur le seul fondement de renseignements statistiques ou tirés d’études épidémiologiques, d’études sociologiques ou de toutes autres études pertinentes, y compris les renseignements obtenus par un échantillonnage (…). 12 Art. 1031 CPC. 13 Une fois que l’on ajoute les intérêts et l’indemnité additionnelle du Code civil, cette somme augmente à 15 500 000 000 $. 14 Le juge a estimé que les circonstances justifiaient que 90 % des dommages-intérêts punitifs totaux soient octroyés aux membres du groupe Blais et 10 % aux membres du groupe Létourneau. Compte tenu du montant attribué pour les dommages-intérêts moraux dans le dossier Blais, la Cour a ordonné à titre symbolique à chaque société de verser des dommages punitifs de 30 000 $, à savoir un dollar pour chaque décès que cette industrie cause au Canada chaque année. 15 Art. 1036 CPC. 16 Art. 1032 CPC. 17 Caputo c. Imperial Tobacco Ltd., 2004 24753 (CS ON). 18 Tableaux 910 et 1113 de la décision.

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  • Recours collectifs : la « saga des banques » en arrive à son dernier chapitre

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Le 19 septembre 2014, la Cour suprême du Canada a rendu ses décisions dans les affaires dites « des banques »1 dans le cadre desquelles des consommateurs ont intenté des recours collectifs pour obtenir le remboursement des frais de conversion imposés sur les opérations par carte de crédit en devises étrangères par plusieurs institutions émettrices de telles cartes. Les demandeurs invoquaient que ces frais contrevenaient à la Loi sur la protection du consommateur du Québec (la « L.p.c. »). Dans ces arrêts, la Cour suprême devait, notamment, se prononcer sur les éléments suivants :  1) La nécessité pour les représentants d’un groupe en matière de recours collectif d’avoir une cause d’action directe contre chacune des défenderesses pour avoir le statut leur permettant de poursuivre l’ensemble de celles-ci; 2) L’application ou non de la L.p.c. aux banques compte tenu de la Loi constitutionnelle de 1867;  3) Le droit des membres du groupe d’obtenir le remboursement des frais de conversion qu'ils avaient payés et, dans le cas de certaines banques le paiement de dommages-intérêts punitifs. Quant à la première question, la Cour a décidé que les représentants du groupe avaient le statut leur permettant de poursuivre toutes les banques soulignant au passage que le Code de procédure civile du Québec (le « C.p.c. ») permet l’exercice d’un recours collectif même si le représentant n’a pas une cause d’action directe contre chaque défendeur ou un lien de droit avec chacun d’eux lorsque le recours permet d’atteindre un résultat similaire dans le cas de chaque défenderesse. Quant à la seconde question, la Cour examine la question de savoir si les articles 12 et 272 L.p.c., qui s’appliquent à la mention des frais en question et visant les recours possibles en cas de manquement à ces obligations, n’entravent pas la compétence fédérale sur les banques. La Cour se déclare d'avis que l’obligation de mentionner certains frais accessoires à un type de crédit à la consommation n’entrave pas ni ne constitue autrement une atteinte importante à l’exercice de la compétence fédérale permettant de légiférer en matière de prêt bancaire. Par conséquent, puisque la Cour conclut que les banques ont en l’espèce enfreint les dispositions de la L.p.c. et que cette loi s’applique à elles en cette matière, elle décide qu’il convient d’accorder aux membres du groupe la réduction de leurs obligations correspondant au montant des frais de conversion imposés pendant la période où ils n’étaient pas indiqués conformément à la L.p.c. Enfin, la Cour condamne un certain nombre de banques poursuivies à verser des dommages-intérêts punitifs aux membres du groupe puisque celles-ci ont, à son avis, enfreint la L.p.c. sans explication pendant des années, assimilant ce comportement à une attitude laxiste, passive ou ignorante à l’égard des droits du consommateur et de leurs propres obligations, ou un comportement d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse. Lavery publiera prochainement une analyse plus approfondie de ces trois décisions, qui auront certainement un impact important en matière de droit de la consommation et sur l’application de certains principes applicables au véhicule procédural du recours collectif. _________________________________________ 1 Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, Banque Amex du Canada c. Adams, 2014 CSC 56, et Marcotte c. Fédération des caisses Desjardins du Québec, 2014 CSC 57.

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  • L’affaire Theratechnologies inc.

    Le 20 février dernier, la Cour suprême du Canada a accueilli la demande d’autorisation de pourvoi de l’arrêt de la Cour d’appel du Québec rendu dans l’affaire Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc.1. Dans cet arrêt unanime, la Cour d’appel a décidé qu’un jugement autorisant un recours collectif basé sur l’article 225.4 de la Loi sur les valeurs mobilières (Québec)2 est susceptible d’appel et ce, sans égard, aux règles actuelles prescrites par le Code de procédure civile (ci-après C.p.c.) qui n’autorise pas l’appel d’un jugement accueillant une requête pour exercer un recours collectif.Pour plus de détails relativement à cet arrêt de la Cour d’appel, nous vous suggérons de lire notre bulletin Droit de Savoir Express intitulé « Décision inédite de la Cour d’appel : un jugement autorisant un recours collectif en vertu de la LVM est susceptible d’appel » par Sophie de Saussure, Josianne Beaudry et Jean-Philippe Lincourt.Le jugement à venir de la Cour suprême du Canada sera d’autant plus intéressant que le 21 février 2014, la Loi instituant le nouveau Code de procédure civile a été sanctionnée. Elle apporte certaines modifications en matière de recours collectifs, plus particulièrement celle qui permet l’appel sur permission d’un jugement accueillant une requête en autorisation d’exercer un recours collectif. Un bulletin sur ces modifications sera publié par Lavery prochainement.________________________________12013 QCCA 1256.2L.R.Q., c. V-1.1.

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  • Réforme du Code de procédure civile – Place à la nouvelle action collective

    Le 20 février dernier, l’Assemblée nationale du Québec adoptait le projet de loi no 28 intitulé Loi instituant le nouveau Code de procédure civile.Il s’agit d’une étape importante de la réforme amorcée en 2003 qui avait fait l’objet d’un rapport d’évaluation du ministère de la Justice en 2006. La promotion de l’entente entre les parties sur le déroulement de l’instance ainsi que l’utilisation accrue de la conférence de gestion de l’instance sont apparues comme d’importantes pistes de solutions et d’améliorations visant à favoriser un meilleur accès à la justice.Dans son mémoire présenté en 20111, le Barreau soulignait que les problèmes de coûts et de délais constituent des obstacles importants empêchant bon nombre de citoyens d’accéder à la justice.Il va sans dire que l’action collective représente une mesure privilégiée d’accès à la justice et une façon efficace de faire valoir ses droits, surtout pour de petites réclamations, combinant efficacité et réalisation d’économies judiciaires.Dans cette nouvelle mouture du Code de procédure civile (« C.p.c. »), les règles particulières à l’action collective sont regroupées au Livre VI, titre III, articles 571 à 604 C.p.c; elles remplaceront les dispositions actuelles traitant du recours collectif, soit les articles 999 à 1051 C.p.c.Nous en soulignons les principales nouveautés.L’ACTION COLLECTIVE (ARTICLE 571 C.P.C)Le législateur remplace la terminologie actuelle par la notion de « l’action collective » qui est empruntée à sa version anglaise « class action ». Le Barreau suggérait plutôt de s’en tenir à la notion actuelle de « recours collectif », qui a l’avantage d’être connue du public et couramment utilisée notamment dans les moteurs de recherche Internet. Nous partageons cette préoccupation et sommes aussi d'avis que le maintien de la terminologie actuelle aurait été souhaitable afin d’assurer une cohérence avec une notion fermement ancrée chez les justiciables et praticiens, dont l’usage remonte à 1978.QUALITÉ DE MEMBRE DU GROUPE : LA RÈGLE DES 50 EMPLOYÉS ET MOINS EST ABOLIEParmi les nouveautés significatives, le nouvel article 571 C.p.c. supprime l’exigence actuelle de l’actuel article 999 C.p.c. suivant laquelle une personne morale de droit privé, une société ou une association ne peut pas être membre d’un groupe si au cours des douze mois précédant le dépôt d’une requête pour autorisation, elle comptait sous sa direction et sous son contrôle plus de 50 employés.« 571. L’action collective est le moyen de procédure qui permet à une personne d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d’un groupe dont elle fait partie et de le représenter.Outre une personne physique, une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut être membre du groupe.Une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut, même sans être membre d’un groupe, demander à représenter celui-ci si l’administrateur, l’associé ou le membre désigné par cette entité est membre du groupe pour le compte duquel celle-ci entend exercer une action collective et si l’intérêt de la personne ainsi désignée est lié aux objets pour lesquels l’entité a été constituée. »Le Québec est actuellement la seule juridiction canadienne qui fait cette distinction en ne permettant pas aux entreprises de 50 employés et plus d’être membres d’un groupe. Cette exigence les prive ainsi de la possibilité d’exercer leurs droits dans le cadre d’une action collective intentée au Québec. On le déplore plus particulièrement en regard des recours reposant par exemple sur l’article 36 de la Loi sur la concurrence relativement à des pratiques anticoncurrentielles ou de recours en matière de valeurs mobilières. Ainsi, étant donné qu’elles ne pouvaient pas se prévaloir du mécanisme procédural de l’action collective, certaines entreprises de plus de 50 employés, par exemple une PME ou une coopérative, étaient confrontées au choix de devoir intenter un recours individuel ou d’exercer leurs droits ailleurs qu’au Québec en se greffant à un recours collectif évoluant dans une autre juridiction canadienne afin d’obtenir réparation de leur préjudice.Le nouveau Code permettra à une personne morale de droit privé, une société ou une association qui est membre d’un groupe qu’elle cherche à représenter de n’avoir aucune autre condition à remplir que sa seule appartenance au groupe. Par contre, elle pourra même sans être membre du groupe agir comme représentant, mais à condition que l’un de ses administrateurs, l’associé ou le membre qu’elle désigne soit membre du groupe pour le compte duquel elle entend exercer une action collective et si l’intérêt de la personne ainsi désignée est lié aux objets pour lesquels elle a été constituée. C’est par le truchement de ce mécanisme qu’un organisme voué à la défense des consommateurs, tel Option Consommateur, peut exercer un recours collectif fondé sur la Loi sur la protection du consommateur pour le compte d’un groupe de consommateurs même s’il n’est pas membre du groupe, mais à condition que l’organisme s’adjoigne une personne désignée qui énonce sa cause d’action personnelle contre l’intimée, tel que l’exige l’actuel article 1048 C.p.c.L’ACTION COLLECTIVE MULTITERRITORIALE (ARTICLE 577 C.P.C.)Autre nouveauté, le législateur a jugé utile de légiférer en matière d’actions collectives multiterritoriales; ces actions collectives multiples constituent un amalgame parfois complexe de recours qui se chevauchent, ceux-ci étant parfois concurrents ou en d’autres occasions déposés par le même cabinet d’avocats dans plus d’une juridiction canadienne. Elles affichent souvent la triple identité de parties, d’objet et de causes susceptibles de créer une situation de litispendance internationale pouvant entraîner un dédoublement des ressources judiciaires, sans parler du risque de jugements contradictoires.« 577. Le tribunal ne peut refuser d’autoriser l’exercice d’une action collective en se fondant sur le seul fait que les membres du groupe décrit font partie d’une action collective multiterritoriale déjà introduite à l’extérieur du Québec.Il est tenu, s’il lui est demandé de décliner compétence ou de suspendre une demande d’autorisation d’une action collective ou une telle action, de prendre en considération dans sa décision la protection des droits et des intérêts des résidents du Québec.Il peut aussi, si une action collective multiterritoriale est intentée à l’extérieur du Québec, refuser, pour assurer la protection des droits et des intérêts des membres du Québec, le désistement d’une demande d’autorisation ou encore autoriser l’exercice par un autre demandeur ou représentant d’une action collective ayant le même objet et visant le même groupe s’il est convaincu qu’elle assure mieux l’intérêt des membres. »À priori, le tribunal du Québec ne pourra donc refuser l’exercice d’une action collective déposée au Québec en se fondant sur le seul fait que les membres du groupe font partie d’une action collective déjà introduite à l’extérieur du Québec, ce qui est d’ailleurs conforme à l’approche généralement adoptée par les tribunaux du Québec.Par contre, le législateur inscrit un critère particulier dans l’appréciation que le tribunal doit faire de la situation avant de prendre une décision, faisant ainsi le lien avec les actuels articles 3135 et 3137 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») qui stipulent les règles de droit international privé en matière de compétence et de litispendance.En tout état de cause, le tribunal devra prendre en considération la protection des droits et des intérêts des résidents du Québec s’il lui est demandé de décliner compétence ou de suspendre la demande d’autorisation d’une action collective intentée au Québec. Cette nouvelle exigence de l’article 577 C.p.c. est destinée à baliser davantage la discrétion du juge lorsqu’une demande de surseoir lui est présentée.De façon sous-jacente, il est manifeste que le législateur désire favoriser une justice de proximité en faisant en sorte que ce soit un juge du Québec qui dispose des droits des membres du groupe de résidents québécois, à plus forte raison lorsqu'ils impliquent l’application de dispositions ou de lois d’ordre public, par exemple en matière de droit des assurances, en droit du travail ainsi qu’en droit de la consommation. Il veut en fait éviter qu’un juge d’une autre juridiction puisse statuer sur les droits des résidents du Québec assujettis à de telles législations et regroupés dans un sous-groupe, ce qui pourrait être le cas si une action collective québécoise devait être suspendue au profit d’une instance évoluant ailleurs au Canada.Notons qu’un juge de la Cour supérieure du Québec jouit déjà d’une très large discrétion à cet égard et peut même, en certaines circonstances, refuser la demande de suspension du recours québécois qui lui est soumise s’il estime que les intérêts des membres du Québec, même en présence d’une situation de litispendance internationale, seront mieux servis si la demande de suspension n’est pas accordée comme ce fut le cas récemment dans l’affaire Choquette c. Atlantic Power Corporation2.De la même façon, tel que prévu à l’article 577 C.p.c. troisième alinéa, le tribunal ne pourra accorder le désistement d’une demande d’autorisation déposée au Québec au profit d’un recours ayant le même objet intenté ailleurs et visant le même groupe, que s’il est convaincu qu’un tel désistement sert mieux l’intérêt des résidents québécois faisant partie du groupe. Mentionnons que cette discrétion de permettre ou non un désistement existe déjà, puisque l’actuel article 1016 C.p.c. prévoit que le requérant ne peut pas se désister d’une action collective sans l’autorisation du tribunal.D’ailleurs, le Barreau du Québec a exprimé certaines réserves quant à la nécessité d’adopter l’article 577 C.p.c. et sur l’utilité de légiférer sur des actions collectives à portée multiterritoriale. Il a fait valoir qu’à l’heure actuelle le tribunal dispose de tous les pouvoirs qui lui permettent de suspendre l’examen d’une demande d’autorisation en vertu notamment des règles de droit international privé prévues aux articles 3076 et suivants C.c.Q. Mais le législateur souhaite manifestement baliser plus clairement la discrétion du juge. Celui-ci ne pourra pas dorénavant accorder une demande de suspension de l’action collective intentée au Québec ou son désistement, à moins de démontrer qu’une telle demande n’est pas contraire aux intérêts de la justice et que les intérêts des membres du recours québécois seront mieux servis si on devait permettre à l’action collective d’évoluer dans une autre juridiction que le Québec.DROIT D’APPEL AU STADE DE L’AUTORISATION (ARTICLE 578 C.P.C.)L’actuel article 1010 C.p.c. ne permet pas à la partie intimée d’en appeler d’un jugement autorisant une action collective alors que le jugement rejetant la demande d’autorisation est sujet à appel de plein droit par le requérant; ceci représentait un irritant majeur pour les parties intimées depuis que ce droit d’appel, qui existait à l’origine, fut supprimé en 1982.Le Barreau exprimait depuis plusieurs années le souhait que la partie intimée obtienne un droit d’appel, sur permission, du jugement autorisant l’exercice du recours collectif qui serait soumis aux règles régissant l’appel des jugements interlocutoires.Bien que le droit d’appel demeure asymétrique, cette nouvelle règle favorisera un accès équitable à la Cour d’appel à toute partie ayant une question d’importance et d’intérêt à faire trancher.« 578. Le jugement qui autorise l’exercice de l’action collective n’est sujet à appel que sur permission d’un juge de la Cour d’appel. Celui qui refuse l’autorisation est sujet à appel de plein droit par le demandeur ou, avec la permission d’un juge de la Cour d’appel, par un membre du groupe pour le compte duquel la demande d’autorisation a été présentée.L’appel est instruit et jugé en priorité. »Cet appel sur permission permettra un filtrage renforcé d’une action collective dans l’optique où la partie intimée pourra plaider que le recours est voué à l’échec et bénéficier ainsi de l’éclairage de la Cour d’appel. La position de la Cour d’appel sera donc connue plus tôt, sans avoir à se diriger vers le procès au mérite comme c’est le cas actuellement, ce qui pourra se traduire par une économie en ressources judiciaires. Cela permettra également un meilleur arrimage avec la législation sur l’action collective en vigueur dans les autres provinces canadiennes, notamment en Ontario où la législation prévoit la même règle, soit un appel sur permission3, et en Colombie-Britannique où l’appel est permis de plein droit pour les deux parties4.Nous croyons que le rétablissement du droit d’appel pour la partie intimée n’est pas susceptible de nuire à l’objectif de rapidité prescrit par le législateur, d’autant plus que l’article 578 C.p.c. prévoit que l’appel, s’il est autorisé, doit être instruit et jugé en priorité. L’argument selon lequel accorder un droit d’appel sur permission à la partie intimée risquerait de retarder l’instance de l’action collective, peut être écarté par le fait que l’action collective au Québec est soumise obligatoirement à une gestion particulière de l’instance par un juge de la Cour supérieure, ce qui élimine à peu près tout risque de dérapage.INDEMNITÉ AU REPRÉSENTANT (ARTICLE 593 C.P.C.)En disposant d’une action collective au mérite ou d’une demande d’approbation d’une transaction, le tribunal accordera au représentant, s’il a gain de cause, une indemnité pour le paiement de ses débours, des frais de justice et des honoraires de son avocat payables à même le montant du recouvrement collectif et avant le paiement des réclamations individuelles. Si l’action collective est rejetée, ce sont les règles de la succombance qui s’appliquent de sorte que le représentant devra assumer les dépens et les honoraires de son avocat bien que, dans les faits, le représentant soit généralement tenu indemne de toute réclamation à cet égard par le cabinet d’avocats qui agit au nom des membres du groupe. Lorsque le recours est financé par le Fonds d’aide aux recours collectifs (FARC), c’est celui-ci qui assume le paiement des frais de justice suivant les règles usuelles de l’attribution des dépens.« 593. Le tribunal peut accorder une indemnité au représentant pour le paiement de ses débours de même qu’un montant pour le paiement des frais de justice et des honoraires de son avocat, le tout payable à même le montant du recouvrement collectif ou avant le paiement des réclamations individuelles.Il s’assure, en tenant compte de l’intérêt des membres du groupe, que les honoraires de l’avocat du représentant sont raisonnables; autrement, il peut les fixer au montant qu’il indique.Il entend, avant de se prononcer sur les frais de justice et les honoraires, le Fonds d’aide aux actions collectives si celui-ci a attribué une aide au représentant. Le tribunal ne prend pas en compte le fait que le Fonds ait garanti le paiement de tout ou partie des frais de justice ou des honoraires. »L’article 593 C.p.c. est inspiré de la jurisprudence et des pratiques actuelles en ce que le législateur prévoit maintenant expressément que le représentant, s’il a gain de cause, a droit au remboursement des honoraires de l’avocat qui le représente, le tribunal devant par ailleurs s’assurer qu’ils sont raisonnables et les fixer au montant qu’il indique. Cette nouvelle disposition permettra également au représentant de recevoir une indemnité pour ses débours à titre de compensation pour les ressources consacrées dans la conduite de l’action collective pour le bénéfice de l’ensemble des membres. Elle reconnaît ainsi un usage assez fréquent, surtout lorsqu’il y a règlement hors cour, de verser une indemnité au représentant parfois assez substantielle, qui doit cependant être approuvée par le tribunal. Le législateur a donc jugé utile de reconnaître cette pratique en adoptant l’article 593 C.p.c. Il faut toutefois s’interroger sur les motifs qui animent le législateur de conférer ainsi au FARC le droit de faire des représentations sur les frais de justice et les honoraires pour des recours qu’il n’a pas financé. Le FARC est intervenu régulièrement au cours des dernières années dans le cadre de l’approbation d’une transaction pour s’opposer à quelque forme d’indemnité monétaire au représentant.CONCLUSIONDans l’ensemble, cette réforme précise davantage les règles du jeu en matière d’actions collectives, soit en consacrant les pratiques actuelles et même en innovant de façon significative. C’est le cas de l’appel sur permission d’un jugement accueillant une demande d’autorisation d’exercer un recours collectif, qui du coup élimine un irritant majeur considéré par certains comme un accroc au principe de l’équité procédurale.Le législateur ne modifie pas les conditions matérielles de l’exercice d’une action collective que l’on retrouve dans l’actuel article 1002 C.p.c. qui sera remplacé par l’article 574 C.p.c. Il en va de même des critères d’autorisation qui seront dorénavant énoncés à l’article 575 sous-paragraphes 1 à 4 du nouveau Code de procédure civile.Le Barreau du Québec aurait souhaité que le législateur encadre davantage la possibilité de présenter une preuve appropriée au stade de l’autorisation en vertu de l’actuel article 1002 C.p.c. ou de reconnaître les ententes conclues à cet égard entre les parties, mais cette disposition n’a pas été modifiée par l’article 574 C.p.c. On a sans doute choisi de ne pas intervenir considérant que la jurisprudence est maintenant suffisamment établie quant aux critères justifiant la présentation d’une preuve appropriée au stade de l’autorisation.Il s’agit d’une réforme qui ne modifie pas en profondeur les règles du jeu en matière d’actions collectives, mais qui intègre certaines pratiques et approches tout en rendant le régime de l’action collective québécois un peu plus attrayant dans un environnement où l’on assiste à un foisonnement des recours multiterritoriaux impliquant des résidents du Québec. Il faut d'ailleurs s'en réjouir.Il est prévu que le nouveau Code de procédure civile entrera en vigueur à l’automne 2015._________________________________________1 Mémoire du Barreau du Québec sur l’avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile.2 2013 Q.C.C.S. 6617.3 Article 30(2) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, c. 6.4 Article 36(1)(a) R.S.B.C.1996 c. 50.

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  • Régimes de retraite et recours collectif : l’affaire Vivendi

    Le 16 janvier 2014, la Cour suprême du Canada1 a confirmé le jugement de la Cour d’appel du Québec2 ayant autorisé le recours collectif institué contre la compagnie Vivendi Canada inc. (« Vivendi »). Cette importante décision réaffirme notamment que les règles d’autorisation des recours collectifs au Québec sont plus libérales que celles prévalant dans les provinces de common law.LES FAITSFondée en 1857, la Compagnie Seagram (« Seagram ») se spécialise dans la production de vins et spiritueux. Son siège social et sa principale place d’affaires sont situés à Montréal.En 1977, Seagram met sur pied un régime d’assurance-maladie complémentaire pour les membres de la direction et les employés non syndiqués (le « régime »). Le régime couvre les employés admissibles tant pendant la durée de leur emploi qu’une fois à la retraite.En 1985, Seagram modifie le document décrivant les conditions du régime en y ajoutant une clause de modification unilatérale en vertu de laquelle elle se réserve le droit de modifier ou de suspendre le régime en tout temps.En décembre 2000, Vivendi S.A. acquiert Seagram qui compte alors plus de 700 employés.En décembre 2001, les actifs de Seagram liés à la production de vins et spiritueux sont vendus à Pernod Ricard et à Diageo et Seagram devient ultimement Vivendi.En septembre 2008, Vivendi informe les retraités et bénéficiaires que des modifications au régime prendront effet le 1er janvier 2009 (les « modifications »), soit :  la franchise annuelle que doivent payer les retraités et bénéficiaires sera substantiellement augmentée; seuls les médicaments sur ordonnance inscrits sur la liste des médicaments de la province de résidence des retraités ou bénéficiaires seront dorénavant remboursés; un maximum à vie de 15 000 $ pour l’ensemble des protections offertes par le régime sera introduit alors qu’il n’y en avait aucun auparavant.En 2009, M. Michel Dell’Aniello demande au tribunal d’autoriser l’exercice d’un recours collectif et de lui attribuer le statut de représentant pour les personnes suivantes :« Tous les membres de la direction et salariés retraités de l’ancienne Compagnie Seagram Limitée qui sont admissibles à des soins médicaux post-retraite en vertu du Régime des soins médicaux de Vivendi Canada Inc. (« Régime ») et les personnes à charge admissibles au sens du Régime (les « bénéficiaires ») ainsi que, quant aux dommages réclamés, les ayants droit desdits membres de la direction, salariés ou bénéficiaires décédés depuis le 1er janvier 2009. »Par son recours, M. Dell’Aniello cherche notamment à faire déclarer que Vivendi a modifié sans droit le régime, ainsi qu’à faire annuler les modifications et rétablir le régime tel qu’il était avant ces modifications. Le groupe proposé comprend quelque 250 retraités ou conjoints survivants de retraités qui travaillaient dans six provinces, soit 134 au Québec, 82 en Ontario, 3 en Alberta, 16 en Colombie-Britannique, 2 en Saskatchewan et 13 au Manitoba.LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC3Le 3 août 2010, la Cour supérieure du Québec rejette la requête pour autorisation d’exercer un recours collectif de M. Dell’Aniello. Contrairement à ce que prétendait Vivendi, le juge conclut qu’à la lumière de l’article 3148 (3) C.c.Q., les autorités québécoises auraient compétence pour entendre l’action dans la mesure où le recours collectif serait autorisé. Il mentionne entre autres qu’il est plus facile et commode d’intenter le recours collectif au Québec puisque plus de la moitié des membres éventuels du groupe, soit 53,7 %, demeurent au Québec.Par contre, le juge refuse d’autoriser le recours collectif, car il estime qu’il s’agit d’un faisceau de recours individuels et que le critère de la similarité et de la connexité prévu à l’article 1003 a) C.p.c. n’est pas satisfait. Le recours collectif ne constitue donc pas selon lui le véhicule procédural approprié. Il est d’avis que si le recours est autorisé, le juge aura à se livrer à un examen détaillé d’une multitude de circonstances propres à chaque individu constituant en quelque sorte une multitude de petits procès. En effet, puisque le droit aux prestations d’assurance se cristallise lors du départ à la retraite, c’est à ce moment selon lui qu’il faut rechercher l’intention des parties quant aux droits acquis. On doit alors examiner le contrat et toutes les communications échangées entre l’employeur et chaque membre du groupe afin de connaître l’existence des droits acquis de ce dernier, le cas échéant.Le juge examine également la situation de certains sous-groupes de retraités et bénéficiaires et mentionne que leur droit aux prestations d’assurance post-retraite n’est pas cristallisé, principalement au motif que la clause de modification unilatérale ajoutée en 1985 est contraire à une intention d’accorder un droit acquis.Enfin, le juge ajoute que la diversité des règles de droit applicables aux réclamations individuelles, qui découle du fait que les retraités ont travaillé dans six provinces différentes, démontre le manque d’homogénéité du groupe proposé et constitue un autre motif pour refuser l’autorisation du recours.LE JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC2Le 29 février 2012, la Cour d’appel du Québec infirme le jugement de première instance et autorise M. Dell’Aniello à intenter un recours collectif. Dans ses motifs qui ont été rédigés par le juge Léger, la Cour conclut qu’au stade de l’autorisation, l’analyse que doit faire le tribunal se limite à l’apparence de droit. Or, selon la Cour d’appel, le premier juge s’est prononcé sur le fond du litige en statuant que le droit de certains retraités et bénéficiaires aux prestations d’assurance post-retraite ne s’était pas cristallisé. Cette démarche du premier juge illustre le fait qu’il s’est livré non pas à une analyse préliminaire mais plutôt à une analyse approfondie de questions individuelles. La Cour d’appel est d’avis que l’étape de l’autorisation est un simple mécanisme de filtrage et que, par conséquent, le premier juge ne pouvait pas se livrer à un tel exercice.Après avoir fait une étude des critères applicables et des allégations de la requête de M. Dell’Aniello, la Cour d’appel conclut qu’il y a bel et bien une question commune qui est au cœur du recours collectif, soit la validité ou la légalité des modifications effectuées au régime. La Cour mentionne :« [64] Dans ce contexte particulier, j'estime que la principale question en litige est la validité ou la légalité des Modifications de 2009, qui se pose à l'égard de tous les membres du Groupe. Évidemment, elle peut elle-même être divisée en questions particularisées qui constituent ensemble les questions connexes ci-après que l'appelant a identifiées dans sa requête en autorisation. Dès lors, si on examine le dossier en fonction des questions véritablement en litige, plutôt qu'en fonction de différences factuelles non nécessairement pertinentes au stade de la requête en autorisation, il n'est pas nécessaire de trancher la question principale par rapport aux sous-groupes. »La Cour ajoute que la multitude de principes juridiques pouvant s’appliquer à chacun des membres du groupe n’est pas au cœur du litige mais concerne plutôt l’existence de droits acquis.En fait, la Cour d’appel conclut que la question commune soulevée par la demande d’autorisation d’exercer un recours collectif de M. Dell’Aniello est connexe pour tous les membres du groupe et que les questions subséquentes qu’aura à se poser la Cour si le recours est autorisé ne peuvent être examinées au stade de l’autorisation.LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA1La Cour confirme le jugement de la Cour d’appel et conclut que le juge de la Cour supérieure devait autoriser le recours collectif en vertu des critères prévus à l’article 1003 C.p.c.Premièrement, la Cour d’appel était justifiée d’intervenir et de modifier le jugement d’autorisation. En effet, ce n’est pas au juge de l’autorisation de se prononcer sur le fond du litige. En agissant de la sorte, la premier juge a commis une erreur dans son application du critère de la connexité énoncé à l’article 1003 a) C.p.c.Pour qu’une question commune se dégage d’un recours collectif, il n’est pas nécessaire que le succès d’un membre du groupe entraîne nécessairement celui de tous les membres du groupe. Toutefois, le succès d’un membre ne doit pas provoquer l’échec d’un autre.Ainsi et particulièrement au Québec, le critère de la connexité prévu au Code de procédure civile doit être interprété de façon libérale. La Cour suprême met en garde l’importation des principes de common law dans l’analyse des critères prévus au Code de procédure civile. Elle mentionne :« [52] Deuxièmement, en comparant l’al. 1003a) aux lois des provinces de common law, on constate que le critère de la communauté de questions est formulé différemment dans ces dernières. À titre d’exemple, le C.p.c. du Québec décrit ce critère en termes plus larges et plus flexibles que la loi ontarienne. En effet, cette dernière requiert non seulement l’existence de questions similaires ou connexes, mais également de « questions communes » : Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6, al. 5(1)c).Par ailleurs, le libellé adopté dans la loi ontarienne se trouve dans les lois de toutes les autres provinces canadiennes de common law qui ont légiféré en matière de recours collectifs : Class Proceedings Act, S.A. 2003, ch. C-16.5, al. 5(1)(c); Class Proceedings Act, R.S.B.C. 1996, ch. 50, al. 4(1)(c); Loi sur les recours collectifs, L.S. 2001, ch. C-12.01, al. 6(1)c); Loi sur les recours collectifs, C.P.L.M. ch. C130, al. 4c); Class Proceedings Act, S.N.S. 2007, ch. 28, al. 7(1)(c); Loi sur les recours collectifs, L.R.N.-B. 2011, ch. 125, al. 6(1)c); Class Actions Act, S.N.L. 2001, ch. C-18.1, al. 5(1)(c). »(nos soulignés)et plus loin:« [57] L’approche québécoise à l’égard de l’autorisation se veut ainsi plus souple que celle appliquée dans les provinces de common law, bien que celles-ci demeurent généralement fidèles à une interprétation favorable à l’exercice des recours collectifs. Elle est également plus flexible que l’approche suivie actuellement aux États-Unis : Wal-Mart Stores, Inc. c. Dukes, 131 S. Ct. 2541 (2011). Selon le professeur Lafond, « [l]a procédure québécoise surpasse sur ce plan celles des autres provinces canadiennes, de l’Angleterre et des États-Unis, aux prises avec les concepts rigides de ‘même intérêt’ ou d’‘intérêt commun’, et de ‘prédominance des questions communes’ » : Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, p. 408. »En somme, les juges d’autorisation ne doivent pas insister sur la possibilité que de nombreuses questions individuelles devront éventuellement être analysées. Ils doivent plutôt se demander si la personne qui désire instituer un recours collectif établit la présence d’une question identique, similaire ou connexe de nature à faire progresser le litige pour l’ensemble des membres du groupe et pouvant avoir une incidence sur le sort ultime du litige.La diversité des règles de droit susceptibles d’être applicables aux réclamations individuelles ne constitue pas non plus une raison suffisante selon la Cour suprême pour empêcher l’autorisation du recours.La Cour suprême rappelle également que la règle de proportionnalité prévue à l’article 4.2 C.p.c. ne constitue pas un critère supplémentaire à soupeser au stade de l’autorisation d’un recours collectif. En effet, bien que la règle de proportionnalité puisse servir à l’examen de chacun des critères prévus à l’article 1003 C.p.c., ceux-ci sont exhaustifs. Lorsque le juge d’autorisation est d’avis que les quatre critères de l’article 1003 C.p.c. sont respectés, il doit autoriser le recours collectif sans se demander s’il est le véhicule procédural le plus adéquat.La Cour suprême conclut donc que les questions soulevées dans la requête de M. Dell’Aniello sont suffisamment connexes et similaires pour que le recours collectif soit autorisé.CONCLUSIONCe jugement rappelle d’abord que les conditions d’autorisation d’un recours collectif sont plus libérales au Québec qu’ailleurs au Canada comme l’avait également souligné la Cour suprême récemment dans l’affaire Infineon4. Ainsi, les jugements portant sur le critère des questions communes rendus par les tribunaux de common law, bien qu’ils peuvent parfois servir de guide, doivent être analysés avec circonspection. Aux États-Unis, les tribunaux appliquent le critère de la prédominance des questions communes. Au Québec, il suffit de démontrer l’existence d’une seule question pertinente et non insignifiante pour l’ensemble des membres du groupe, comme l’a rappelé la Cour d’appel dans le dossier du Suroît5. Par ailleurs, certains recours collectifs qui soulèvent des questions intrinsèquement individuelles (par exemple en ce qui a trait à des représentations fausses et trompeuses en matière contractuelle) ne devraient pas, selon nous, respecter les critères permettant l’autorisation d’un recours.________________________________1 Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner (motifs rédigés par les juges LeBel et Wagner).2 Dell’Aniello c. Vivendi Canada inc., 2012 QCCA 384 (les juges Jacques Chamberland, André Rochon et Jacques A. Léger).3 Dell’Aniello c. Vivendi Canada inc., 2010 QCCS 3416 (juge Paul Mayer).4 Infineon Technologies A.G. c. Option consommateurs, 2013 CSC 59.5 Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, 2011 QCCA 826.

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  • « Market Timing » : La Cour suprême du Canada se prononce en matière de recours collectifs

    Les faits et l’historique judiciaireLa Cour suprême du Canada a rendu un arrêt qui risque de faire couler beaucoup d’encre sur la scène canadienne des recours collectifs. La Cour s’est en effet prononcée le 12 décembre 2013 dans l’affaire AIC Limitée c. Fischer1 dans ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « l’affaire du market timing2 ». Bien que ce problème ait donné lieu à des recours collectifs dans plusieurs provinces canadiennes, le dossier sous étude émane de l’Ontario et c’est en vertu des règles de cette province applicables en matière de recours collectifs3 que la Cour a rendu une décision unanime4.Dans cet arrêt, la Cour donne finalement le feu vert à la certification d’un recours collectif entrepris par des investisseurs, dont M. Fischer, à l’encontre de gestionnaires de fonds d’investissement (AIC Limitée et CI Mutual Funds) qui se sont livrés à du market timing. Cette opération consiste à tenter de prédire la direction du marché à partir d’indicateurs économiques conjoncturels et à effectuer des décisions d’achat ou de vente de titres sur la base de ces prédictions. Le market timing est une pratique risquée, qui peut être préjudiciable à la valeur des placements à long terme.L’intérêt principal de cette décision découle du fait que la Cour se prononce sur le critère dit de la « preferable procedure ». Selon ce critère, le tribunal doit évaluer si, dans les circonstances de l’espèce, la certification d’un recours collectif est « préférable » à d’autres moyens pour les membres du groupe proposé d’obtenir réparation; autrement dit, la Cour doit déterminer si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les questions communes.Dans Fischer, la Cour décide qu’un recours collectif peut aller de l’avant malgré que les gestionnaires de fonds d’investissement visés par celui-ci aient déjà conclu une entente avec la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario afin de rembourser les épargnants d’un certain pourcentage des pertes subies découlant desdites activités de market timing. Cette entente de remboursement a été conclue dans le contexte d’une procédure réglementaire parallèle dans le cadre de laquelle les épargnants, membres du groupe dans les recours collectifs proposés, n’étaient pas parties.La Cour tranche donc que cette procédure réglementaire parallèle ne constitue pas une procédure « préférable » susceptible de faire échec à la certification du recours collectif qui demeure, lui, le meilleur moyen de régler les questions communes.Le juge de première instance5 refuse la certification du recours collectif puisque, constatant que les membres du groupe proposé avaient déjà reçu une compensation monétaire, le recours collectif ne constituait pas, dans les circonstances, la procédure « préférable » au sens de l’article 5 (1) d) de la L.R.C.Les tribunaux d’appel subséquents6 ont tous les deux renversé la décision du premier juge; ils ont donc certifié le recours collectif, mais pour des motifs différents.Pour sa part, la Cour divisionnaire a accueilli l’appel et certifié le recours collectif. Elle a comparé le montant de l’indemnité versée à l’issue de la procédure réglementaire à celui des dommages-intérêts réclamés dans le cadre du recours collectif projeté. Cette comparaison l’a amenée à conclure que le recours collectif pouvait encore permettre le recouvrement d’une somme substantielle [pour les membres du groupe] et que, par conséquent, l’instance devant la CVMO ne pouvait se révéler préférable au recours collectif projeté.Quant à la Cour d’appel de l’Ontario, elle a confirmé cette conclusion de la Cour divisionnaire. Cependant, elle a fondé sa décision sur une comparaison des droits procéduraux offerts aux membres du groupe projeté dans le cadre d’un recours collectif et le fait que ces derniers ne peuvent participer que de façon limitée au processus réglementaire. Elle a donc décidé que l’analyse que doit faire le tribunal pour déterminer si, dans un cas donné, le recours collectif constitue la procédure « préférable », doit comprendre une composante liée aux droits procéduraux offerts aux membres du groupe proposé.L’arrêt de la Cour suprême du Canada et l’importance du critère de l’accès à la justiceIl faut retenir que la Cour suprême, dont les motifs ont été rédigés par le juge Cromwell, fait siens les motifs des tribunaux d’appel inférieurs, mais elle propose une méthode d’analyse nouvelle pour décider du critère de la procédure « préférable ». Précisant que l’article 5(1) d) de la L.R.C. impose au tribunal une analyse comparative entre deux ou plusieurs recours possibles, la Cour suprême établit un test en cinq étapes pour y parvenir,à savoir :1) Quels sont les obstacles à l’accès à la justice?2) Dans quelle mesure le recours collectif permet-il d’éliminer ces obstacles?3) Quels autres moyens y a-t-il?4) Dans quelle mesure les autres moyens permettent-ils d’aplanir les obstacles à l’accès à la justice?5) Quel est le résultat de la comparaison des deux instances?La Cour ajoute que le concept central de cette analyse est celui de l’accès à la justice et que cet aspect concerne deux composantes fondamentales de la justice, à savoir l’aspect substantif et l’aspect procédural :« [24] L’accès à la justice est assurément un objectif important du recours collectif. Mais en quoi consiste-t-il dans le contexte qui nous occupe? Il comporte deux dimensions interreliées. L’une intéresse la procédure et la question de savoir si les demandeurs disposent d’une voie équitable de règlement de leurs réclamations. L’autre intéresse le droit substantiel — l’issue recherchée — et la question de savoir s’ils obtiendront une réparation juste et adéquate si le bien-fondé des réclamations est établi. Ces deux dimensions sont interreliées, car, dans bien des cas, des vices de forme soulèvent des doutes sur l’issue quant au fond et des vices de fond peuvent susciter des questions à propos de la procédure. Comme l’explique l’honorable Frank Lacobucci : [TRADUCTION] « l’accès à la justice doit comporter un aspect procédural et un aspect substantiel. Je conçois mal qu’on puisse mettre à la disposition de parties lésées une procédure leur permettant de faire valoir leurs prétentions sans veiller à ce qu’elle débouche sur une juste réparation au fond si celle-ci est justifiée » (« What Is Access to Justice in the Context of Class Actions? », dans J. Kalajdzic, dir., Accessing Justice: Appraising Class Actions Ten Years After Dutton, Hollick & Rumley (2011), 17, p. 20). Bien qu’il soit peut-être commode sur le plan analytique d’étudier séparément la procédure et le fond, on ne doit pas le faire au détriment d’une évaluation globale des répercussions du recours collectif projeté sur le plan de l’accès à la justice. »Tel que mentionné plus tôt et après s’être livrée à l’analyse en cinq temps qu’elle propose, la Cour conclut que la procédure devant la CVMO n'était pas préférable et confirme les décisions des cours d’appel inférieures : le recours collectif proposé par les investisseurs est donc « certifié ».Conclusion et impact sur le recours collectif au Québec et au CanadaNous sommes d’avis que cette décision aura un impact significatif sur les litiges en matière de recours collectifs au Canada. Jusqu’à présent, les avocats de la défense plaidaient, parfois avec succès, que la possibilité que les membres puissent obtenir réparation par le truchement d’un autre moyen que le recours collectif devait faire échec à la certification de celui-ci. L’argument selon lequel les objectifs du recours collectif – l’accès à la justice, l’économie des ressources judiciaires et la modification des comportements – puissent être atteints autrement qu’en sollicitant les tribunaux de droit commun était séduisant et un nombre important de recours collectifs ont déjà été rejetés sur cette base à l’étape de la certification.Il y a fort à parier cependant que cet arrêt de la Cour suprême aura pour effet de faciliter la certification des recours collectifs même lorsque des processus réglementaires sont possibles ou encore lorsque les intimées auront prévu un processus de règlement volontaire pour répondre à une problématique particulière auprès de leur clientèle si le représentant démontre que ces autres procédures n'ont pas permis de vider complètement le débat.Il est important de souligner que le critère de la « procédure préférable » n’existe pas dans la législation québécoise. Il sera intéressant de voir si l’affaire Fischer aura un impact restreint ou plus marqué sur le droit du recours collectif québécois. Il est possible que les tribunaux québécois choisissent de se baser sur cet arrêt dans leur évaluation des critères d’autorisation des recours collectifs, mais ce sera, selon nous, pour rappeler l’importance de la notion d’accès à la justice et le fait qu’elle constitue sans contredit un des piliers qui a justifié la création de la procédure de recours collectif en 1978.________________________________1 2013 CSC 69.2 La traduction française officielle de l’arrêt de la Cour suprême fait référence à la notion d’ « arbitrage sur la valeur liquidative ».2 Plus précisément en vertu de l’article 5 (1) d) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6.(ci-après la « L.R.C. »).4 L’arrêt de la Cour a été rédigé par le juge Cromwell (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Rothstein, Moldaver, Karakatsanis et Wagner).5 Juge Perell, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario.6 La Cour supérieure de justice de l’Ontario, Cour divisionnaire, 2011 ONSC 292 (la juge Molloy, avec l’accord des juges Swinton et Herman) et la Cour d’appel de l’Ontario, 2012 ONCA 47 (le juge en chef Winkler, avec l’accord des juges Epstein et Pardu (ad hoc)).

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  • Recours collectifs : La Cour suprême du Canada se prononce sur le cas des acheteurs indirects et sur la compétence des tribunaux québécois en ce qui concerne les contrats conclus à distance

    Le 31 octobre 2013, la Cour suprême du Canada a rendu trois arrêts en matière de recours collectifs à l’étape de l’autorisation (appelée « certification » dans les provinces de common law), l’un en provenance du Québec1 et les deux autres de la Colombie-Britannique2.Les faits à l’origine des trois arrêts portent sur la majoration des prix de produits de consommation en contravention de la Loi sur la concurrence3 notamment par le biais de complots. Les représentants demandent d’être autorisés à intenter des recours collectifs contre les entreprises apparemment responsables pour le compte des membres du groupe qui ont acquis directement ou indirectement ces produits dont les prix auraient ainsi été majorés. Les trois recours sont fondés sur la faute civile de ces entreprises.Dans l’affaire Infineon, on reproche aux fabricants d’une micro-puce (connue sous le nom de « DRAM » en langue anglaise) qui permet de stocker de l’information dans une grande variété d’appareils électroniques d’avoir participé à un complot international pour fixer les prix de ce produit, entraînant par le fait même la majoration du coût d’achat. Dans l’affaire Pro-Sys, on allègue que Microsoft a illégalement majoré le prix de ses systèmes d’exploitation et de ses logiciels d’application pour ordinateurs personnels compatibles avec le processeur Intel. Dans l’affaire Sun-Rype, on prétend que des fabricants de denrées alimentaires ont participé à un complot pour fixer illégalement le prix d’un sirop de maïs à haute teneur en fructose utilisé comme édulcorant dans la confection de produits vendus à grande échelle, des boissons gazeuses entre autres.Ces trois arrêts posent tous la question de savoir si les acheteurs indirects des produits en cause, c’est-à-dire ceux qui ne les ont pas directement achetés de l’entreprise responsable de la majoration des prix, mais d’un autre intermédiaire qui se trouve en aval du canal de distribution, peuvent poursuivre directement l’auteur de la majoration du prix même s’ils n’ont pas acheté le produit directement de lui. Les motifs de la Cour en réponse à cette question ont été rendus dans l’affaire Pro-Sys et appliqués dans les deux autres arrêts. Ce faisant, la Cour suprême règle une controverse jurisprudentielle sur les droits et recours de l’acheteur indirect en pareilles circonstances.Dans l’affaire Sun-Rype, la Cour se prononce sur la question de savoir si un groupe composé à la fois d’acheteurs directs, c’est-à-dire ayant acquis des produits directement de l’auteur de la majoration de prix, et d’acheteurs indirects peut être suffisamment indentifiable pour justifier le recours collectif.Enfin, dans l’affaire Infineon, la Cour tranche la question de savoir si les tribunaux québécois ont compétence pour autoriser l’exercice d’un recours collectif même si le produit a été acheté par Internet ou « en ligne » d’une entreprise l’ayant fabriqué et ayant ses activités à l’extérieur de la province, donc par contrat conclu à distance.Le recours des acheteurs indirects : l’affaire Pro-SysDans cette affaire dont les motifs ont été rendus par le juge Rothstein, la Cour conclut que les acheteurs indirects peuvent tenter de recouvrer la perte qu’ils ont subie en se procurant un bien dont le prix aurait été illégalement majoré. Le juge écarte l’argument selon lequel seuls les acheteurs directs qui auraient pu par la suite transférer le coût supplémentaire illégalement imposé aux acheteurs subséquents auraient un recours. Le risque de recouvrements multiples et la complexité de la preuve qu’auraient à présenter les représentants du groupe ne constituent pas selon lui des considérations suffisantes pour priver les acheteurs indirects d’un recours contre le responsable de la majoration. Aussi, compte tenu de l’effet dissuasif que sont censées avoir les dispositions canadiennes de la Loi sur la concurrence, il faut selon lui permettre le recours.La Cour suprême du Canada s’écarte ainsi d’une décision de la Cour suprême des États-Unis4 qui a conclu qu’un acheteur indirect n’a pas de cause d’action contre le responsable de la majoration. Selon le juge Rothstein, le refus de plusieurs États américains d’appliquer cette décision et les plus récents articles écrits sur la question penchent en faveur de l’autorisation au Canada du recours des acheteurs indirects contre l’auteur de la majoration illégale.La Cour suprême, après avoir procédé à l’examen des critères de certification, constate qu’en l’espèce ils ont tous été respectés et que le recours collectif doit être certifié.Le groupe formé d’acheteurs directs et indirects : l’affaire Sun-RypeLa majorité des juges de la Cour suprême, dont les motifs ont été rendus par le juge Rothstein5, conclut qu’un groupe formé d’acheteurs directs et indirects respecte le critère du groupe identifiable. La formation de tels groupes, même si certains membres ne pourront prouver une perte individuelle directe, permet cependant la restitution globale de gains provenant d’activités illégales.Par contre, la Cour en vient à la conclusion que les critères de certification ne sont pas respectés dans ce cas. En effet, selon la preuve présentée, les acheteurs indirects ne peuvent savoir si les produits qu’ils ont consommés contenaient ou non le produit en cause, soit le sirop de maïs à haute teneur en fructose. Le fait que les membres ne peuvent savoir s’ils appartiennent ou non au groupe démontre qu’il n’existe aucun fondement factuel nécessaire à l’autorisation du recours collectif. Selon le juge Rothstein, on ne dépasse pas en l’espèce le stade des simples conjectures et le recours ne repose pas selon lui sur un fondement factuel suffisant. Le recours collectif n’est donc pas certifié par la majorité de la Cour.La juge Karakatsanis, avec l’accord du juge Cromwell pour la minorité, en vient à la conclusion contraire qu’il existe en l’espèce suffisamment d’éléments permettant de conclure à l’existence d’un groupe identifiable reposant sur un certain fondement factuel. Selon eux, les difficultés de preuve invoquées ne justifient pas le rejet de la demande de certification.La compétence des tribunaux québécois : l’affaire InfineonDans Infineon Technologies, Option consommateurs a poursuivi les fabricants d’une micro puce insérée dans divers appareils électroniques, dont des ordinateurs. La représentante du groupe a acheté, à l’aide d’une carte de crédit, son ordinateur en ligne d’une compagnie qui exerce des activités exclusivement à l’extérieur du Québec, où elle n’a aucune place d’affaires. Le complot pour fixation des prix a cependant été ourdi à l’extérieur du Québec. Les fabricants prétendaient donc que les tribunaux québécois n’ont pas compétence puisque le contrat a été conclu à l’extérieur du Québec et que les gestes reprochés, dont le complot, n’y ont pas été commis.En ce qui a trait à la question de la compétence, la Cour reconnaît qu’elle peut être soulevée au stade de l’autorisation. Même si le tribunal québécois conclut qu’il a compétence, la question pourra être soulevée de nouveau au mérite après l’autorisation, puisque la décision à ce stade n’est qu’interlocutoire.Invoquant l’article 3148 du Code civil du Québec, les juges LeBel et Wagner concluent, dans une décision unanime de la Cour, que les tribunaux québécois ont compétence. Selon eux, le préjudice économique allégué qui aurait été subi par les acheteurs des produits en cause, soit le prix d’achat plus élevé en raison du complot, est suffisant pour établir un lien de rattachement avec le Québec. Autrement dit, le préjudice économique a été subi au Québec, ce qui permet d’octroyer la compétence aux tribunaux québécois. De plus, le contrat en cause constitue un contrat à distance au sens de la Loi sur la protection du consommateur6, laquelle prévoit qu’il est donc réputé avoir été conclu à l’adresse du consommateur, au Québec en l’occurrence.Enfin, les juges LeBel et Wagner concluent que les critères d’autorisation de l’article 1003 du Code de procédure civile sont respectés. Ils réitèrent qu’à cette étape préliminaire et procédurale, les conditions d’autorisation d’un recours collectif doivent être interprétées de façon libérale et qu’il s’agit d’un fardeau de démonstration et non d’un fardeau de preuve. La Cour réitère que ce fardeau au stade de l’autorisation est moins exigeant au Québec qu’ailleurs au Canada à l’étape de la certification. Ainsi, et contrairement à ce qui est exigé par d’autres ressorts canadiens où les acheteurs indirects doivent démontrer que leur demande repose sur un fondement factuel suffisant et présenter des témoignages d’experts, cette démonstration n’est pas nécessaire au Québec à cette étape. Le recours collectif est donc autorisé.ConclusionCes trois arrêts permettront certainement de faciliter la tâche des acheteurs directs et indirects de produits qui désirent obtenir l’autorisation d’intenter un recours collectif. Ainsi, le consommateur qui achète un bien de consommation de son domicile par le truchement d’Internet, par exemple, dispose d’un recours contre le responsable d’un acte ayant entraîné illégalement l’augmentation du prix d’un produit. De plus, puisque ce recours peut être déposé au Québec dans la mesure où un préjudice économique y a été subi, il est fort probable que les consommateurs québécois et les associations qui les représentent fassent davantage appel au mécanisme procédural qu’est le recours collectif même si les entreprises délinquantes ont commis les gestes anticoncurrentiels reprochés ailleurs dans le monde._________________________________________ 1 Infineon Technologies A.G. c. Option Consommateurs, 2013 CSC 59.2 Pro-Sys Consultants Ltd. c. Microsoft Corporation, 2013 CSC 57 et Sun-Rype Products Ltd. c. Archer Daniels Midland Company, 2013 CSC 58. 3 L.R.C. 1985, ch. C-34.4 Illinois Brick Co. c. Illinois, 431 U.S. 720 (1977). 5 Avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Fish, Abella, Moldavert et Wagner.6 L.R.Q., ch. P-40.1.

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  • Décision inédite de la Cour d'appel : un jugement autorisant un recours collectif en vertu de la LVM est susceptible d'appel

    INTRODUCTIONLe 17 juillet dernier, la Cour d’appel rendait un jugement inédit au Québec, dans l’affaire Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc1. Sous la plume du juge Clément Gascon, la Cour d’appel décide, dans un arrêt unanime, qu’un jugement ayant autorisé une action en dommages par voie de recours collectif en vertu de l’article 225.4 de la Loi sur les valeurs mobilières (Québec)2 (ci-après « LVM ») est susceptible d’appel, malgré la règle établie par le Code de procédure civile du Québec (ci-après « C.p.c. ») en matière de jugement autorisant l’exercice d’un recours collectif voulant qu’un tel jugement ne soit pas susceptible d’appel. FAITS À L’ORIGINE DU LITIGEDans cette affaire, 121851 Canada inc. (ci-après « 121CAN ») reproche à Theratechnologies, une société inscrite à la Bourse de Toronto, ainsi qu’à ses dirigeants (ci-après collectivement « Thera ») d’avoir omis de divulguer par communiqué de presse un « changement important », obligation qui lui incombait en raison de son statut d’émetteur assujetti au sens de la LVM et de l’obligation d’information continue qui s’y rattache en vertu des articles 73 LVM et 7.1 du Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue3. 121CAN, ayant été détentrice de 190 000 actions ordinaires de Theratechnologies, demande l’autorisation d’exercer un recours collectif. LES PROCÉDURES EN PREMIÈRE INSTANCEDevant la Cour supérieure du Québec, 121CAN a déposé une requête pour obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif uniquement en vertu des dispositions du C.p.c. qui a été suivie d’une requête en irrecevabilité déposée par Thera, au motif que l’autorisation préalable exigée par l’article 225.4 alinéa 1 LVM n’avait pas été obtenue. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la Loi 194, un recours civil spécifique permet aux investisseurs du marché secondaire des valeurs mobilières d’intenter une action en dommages intérêts à la suite d’informations fausses ou trompeuses, écrites ou verbales, ou de défaut de l’émetteur de respecter ses obligations de divulgation.Lors de l’audience de la requête en irrecevabilité déposée par Thera, le juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure autorise un amendement afin que 121CAN puisse ajouter une seconde requête demandant l’autorisation requise au sens des articles 225.4 et suivants LVM5.Les deux requêtes sont entendues lors d’une audience commune au terme de laquelle le juge Blanchard accorde les deux demandes et autorise l’action en dommages intérêts exercée par voie de recours collectif6. L’ARRÊT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBECDevant la Cour d’appel, Thera demande la permission d’en appeler de l’autorisation accordée en vertu de l’article 225.4 LVM. Concédant que la requête accordée en vertu de l’article 1003 C.p.c. ne pouvait faire l’objet d’un tel appel puisqu’il est clairement proscrit par le second alinéa de l’article 1010 C.p.c., Thera plaide qu’un tel droit d’appel existe toutefois en vertu de la LVM.La permission d’en appeler relève habituellement de la compétence d’un juge seul, mais en raison du caractère inédit de la question, elle a été déférée à la Cour d’appel7 en formation de trois juges.Dans une décision unanime rendue sous la plume du juge Gascon, la Cour d’appel accueille la requête pour permission d’appeler, déposée par Thera, puis rejette l’appel. Dans le présent bulletin, nous nous pencherons davantage sur la question de la permission d’en appeler d’un jugement d’autorisation fondé sur l’article 225.4 LVM, plutôt que sur les motifs à l’appui du rejet de cet appel sur le fond. La permission d'appeler - Décision du juge GasconPour fonder son analyse et trancher la question, le juge Gascon examine en détail le contexte de l’adoption du régime de responsabilité mis en place par l’introduction de la Loi 19 et des articles 225.2 et suivants LVM, ainsi que la raison d’être de ce nouveau recours.Historiquement, pour obtenir gain de cause dans une action en dommages en vertu de la LVM, le demandeur devait faire la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, comme dans toute action en responsabilité civile. Cependant, dans le contexte particulier des marchés financiers, ces exigences constituaient des barrières presque insurmontables pour les investisseurs, qui devaient démontrer qu’ils s’étaient fiés « à l’information fausse ou à l’omission de déclarer un changement important pour acheter le titre et que la variation du titre résultait de la fausse déclaration ou de l’omission de déclarer »8. Ces exigences rendaient également très difficile l’exercice d’un recours collectif parce que les faits ayant mené à chacun des investissements par les membres du groupe pouvaient être différents.C’est dans ce contexte que le Comité Allen de la Bourse de Toronto a publié un rapport en 1997 dans lequel il proposait la création d’un régime de responsabilité propre aux contraventions aux obligations d’information continue prévues par la loi. Les recommandations issues de ce rapport ont servi de fondement à l’adoption de la Loi 19.Le juge Gascon analyse ce nouveau régime de responsabilité comme suit :« [62] Le recours a comme objectif de contribuer à améliorer la quantité et la qualité de l'information divulguée sur le marché; il vise d'abord la dissuasion et ensuite l'indemnisation des victimes.[63] De manière à équilibrer les forces, le nouveau recours établit une présomption en faveur de l'investisseur : lorsque le titre est acquis ou cédé de manière concomitante à une fausse déclaration ou une omission de signaler un changement important, la fluctuation de la valeur du titre est présumée être attribuable à cette faute. L'investisseur est donc libéré d'un lourd fardeau, soit celui de démontrer qu'il s'est fié à l'information fausse ou à l'omission de signaler un changement important et que la variation du prix du titre est le résultat de cette information ou omission.[64] En contrepartie, pour éviter les abus, un mécanisme d'autorisation des recours entrepris par les investisseurs est instauré afin d'écarter les recours intentés de mauvaise foi et qui n'ont pas de possibilité raisonnable d'obtenir gain de cause. »(nos soulignés)Estimant que le silence de la loi ne constitue en aucun cas une négation du droit d’appel, et que d’ailleurs ni le rapport Allen, ni les débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la Loi 19 n’ont évoqué une telle interdiction, le juge Gascon conclut que le législateur a choisi sciemment de ne pas interdire le droit d’appel à l’article 225.4 LVM.Considérant alors que la portion du jugement ayant autorisé l’action en dommages est un jugement interlocutoire, le juge Gascon, pour la Cour, est d’avis que les principes généraux en matière de droit d’appel énoncés aux articles 29 et 511 C.p.c. doivent être appliqués en l’espèce pour trancher la question, et que, par voie de conséquence, ce jugement est susceptible d’appel sur permission. La Cour souscrit donc à la position plaidée devant elle par Thera.Rappelant au passage que le recours prévu à l’article 225.4 LVM peut être exercé tant par voie de recours collectif que par voie de recours individuel, la Cour accorde donc à Thera la permission d’en appeler. CommentairesPar cet arrêt, la Cour d’appel établit clairement une distinction entre les règles applicables au régime d’autorisation d’exercice des recours collectifs en vertu des articles 999 et suivants C.p.c., d’une part, et celles qui s’appliquent au régime spécial de responsabilité consacré par les modifications de la LVM apportées par la Loi 19, d’autre part. En effet, malgré l’audience commune de ces deux demandes d’autorisation, la Cour d’appel refuse l’analogie suggérée par 121CAN, selon laquelle il faille traiter de façon identique les deux demandes et, par conséquent, que la Cour devait refuser la permission d’en appeler de la portion du jugement autorisant l’exercice d’une action en dommages. Bien que la Cour reconnaisse que le véhicule procédural du recours collectif est souvent le plus approprié dans de telles circonstances pour les investisseurs, elle insiste sur les raisons d’être de ces deux mécanismes, qu’elle estime propres et distincts:« [69] Il s'ensuit que, au chapitre de sa raison d'être, le mécanisme d'autorisation prévu à l'art. 225.4 LVM se distingue de celui prévu au Code de procédure civile en matière de recours collectifs. Alors que le second vise à s'assurer de la qualité du syllogisme juridique proposé par le biais d'un fardeau de démonstration et non de preuve, le premier vise à écarter les recours opportunistes où la bonne foi fait défaut et où la preuve du manquement reproché n'est pas ‘raisonnablement établie’. »Dans le cas à l’étude, les parties se sont donc retrouvées dans une situation où, sans l’accès au régime particulier offert par la LVM, elles auraient été privées de l’éclairage de la Cour d’appel sur des questions touchant directement l’autorisation du recours collectif.Cet arrêt est une illustration du fait que la Cour d’appel pourrait valablement jouer le rôle de « gatekeeper » qui lui incomberait si l’appel d’un jugement d’autorisation était possible sur permission.Nous sommes également d’avis qu’un tel droit d’appel permettrait de rétablir l’équilibre entre les forces en présence en mettant fin à cette asymétrie procédurale.À ce propos, il est utile de mentionner que le Barreau du Québec a émis une recommandation favorable à cette avenue dans le cadre de la consultation relative à la réforme du Code de procédure civile (projet de Loi 28) dans un contexte où un tel droit d’appel serait conforme aux règles régissant l’appel des jugements interlocutoires.Enfin, bien que l’affaire Theratechnologies puisse être à juste titre considérée comme un cas d’espèce, nous nous interrogeons également sur les conséquences pratiques d’une telle décision pour l’avenir. Par exemple, qu’en serait-il d’une situation où l’autorisation du recours collectif serait accordée en vertu du C.p.c., sans que ce jugement soit susceptible d’appel, lors même que la Cour d’appel, après avoir autorisé l’appel sur permission en vertu de la LVM, jugerait qu’il n’existe pas de possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause en vertu de ce régime particulier ?_________________________________________  1 2013 QCCA 1256. 2 L.R.Q., c. V-1.1. 3 RRQ, c V-1.1, r. 24, (Valeurs mobilières). 4 Cette loi fut incorporée à la LVM le 9 novembre 2007, au moyen des art. 225.2 à 236.1 LVM, sous le titre « Sanctions civiles ». 5 Voir 121851 Canada inc. c. Theratechnologies inc., 2010 QCCS 6021. 6 121851 Canada inc. c. Theratechnologies inc., 2012 QCCS 699. 7 Par. [32] du jugement. 8 Voir 2013 QCCA 1256, supra note 1, au par. 58.

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  • Non-conformité avec les dispositions du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur en ce qui concerne les avis de déchéance du bénéfice du terme

    Bien que la non conformité avec la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») soit habituellement sanctionnée par la nullité des clauses non conformes à la LPC, voire du contrat dans son ensemble, dans certaines causes portant sur les avis écrits de déchéance du bénéfice du terme, les tribunaux ont parfois décidé de maintenir la validité des avis non conformes si cela n’avait causé préjudice aux droits du consommateur. Deux jugements confirment cette position.LE JUGEMENT CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DU PORTAGEDans un jugement récent de la Cour du Québec, Caisse Populaire Desjardins du Portage c. Létourneau1, la Cour a rejeté le plaidoyer de la défenderesse qui cherchait à faire annuler les avis de déchéance du bénéfice du terme au motif que les états de compte accompagnant les avis n’étaient pas en tous points conformes aux exigences du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (le « Règlement »). Contrairement aux exigences des paragraphes 67e) et 67f) du Règlement, les états de compte en cause n’indiquaient pas clairement le solde du capital net après chaque somme d’argent payée par la défenderesse et portée à son compte, non plus que pour chaque somme d’argent portée au compte de la défenderesse, on n’indiquait la partie imputée au capital net ni celle imputée aux frais de crédit.Après avoir envoyé deux avis de déchéance du bénéfice du terme et avoir attendu les trente (30) jours requis pour que la déchéance se produise, la Caisse a poursuivi la défenderesse afin d’obtenir le remboursement des deux prêts personnels en défaut.Lors du procès, la défenderesse n’a pas contesté devoir certaines sommes à l’égard des prêts; toutefois, elle a soulevé que les avis étaient nuls parce que les états de compte n’indiquaient pas tous les renseignements exigés par le Règlement. Par conséquent, elle n’aurait pas perdu le bénéfice du terme et elle ne devait payer à la Caisse uniquement les versements échus plutôt que le solde des prêts.La Caisse a reconnu que les états de compte n’étaient pas en tous points conformes aux exigences du Règlement, avant d’ajouter que les renseignements manquants étaient mineurs et ne justifiaient pas que la Cour prononce la nullité des avis.La Cour note que l’état de compte joint à un avis de déchéance du bénéfice du terme a pour objet d’informer le consommateur des sommes dues, de sorte qu’il puisse, dans les trente (30) jours de la réception de l’avis, corriger le défaut en payant ces sommes au commerçant. Dans le présent cas, la Cour s’est rangée du côté de la Caisse et convient que les avis et les états de compte les accompagnant contenaient l’information nécessaire pour que la défenderesse comprenne son défaut et y remédie. Faisant référence à un autre jugement de la Cour du Québec rendu en 2009, soit Banque de Montréal c. Bujold2, la Cour rappelle que la LPC a été adoptée pour protéger les consommateurs victimes de pratiques interdites aux commerçants, mais qu’elle ne doit pas permettre aux consommateurs de se soustraire à leurs obligations en invoquant des vétilles.LE JUGEMENT BUJOLDDans l’affaire Bujold, la Banque a intenté une poursuite pour le solde total dû en vertu du contrat de vente à tempérament signé aux fins de l’achat d’un véhicule d’occasion. Le défendeur y avait aussi plaidé que l’avis de déchéance du bénéfice du terme ne respectait pas les paragraphes 67e) et 67f) du Règlement et devait donc être annulé. Toutefois, le défendeur avait également fait valoir que le contrat de crédit lui-même devait être annulé compte tenu de l’omission de la banque de procéder à une enquête suffisante de sa situation financière et compte tenu du fait que le véhicule acheté lui était parfaitement inutile. La Cour note que la LPC visait à protéger tout consommateur vulnérable et qu’elle ne devait pas être utilisée de façon abusive afin d’obtenir la nullité de clauses ou de contrats par ailleurs valablement conclus. La Cour a admis qu’eu égard aux prétentions du défendeur, elle pouvait annuler l’avis de déchéance du bénéfice du terme, mais qu’une telle décision serait contraire à l’intérêt supérieur de la justice, car il en résulterait inévitablement l’émission d’un nouvel avis par la demanderesse, causant des délais additionnels et, vraisemblablement, de nouvelles procédures de contestation par le défendeur.En ce qui concerne la nullité du contrat de consommation lui-même, la Cour a douté de la bonne foi de M. Bujold compte tenu de ses nombreuses déclarations manifestement inexactes sur le formulaire de demande de crédit, y compris une fausse déclaration quant à son emploi, à ses revenus et aux paiements à l’égard de son prêt hypothécaire et l’omission flagrante de déclarer l’existence de plusieurs prêts personnels non remboursés. Pourtant, le défendeur n’avait pas hésité à signer au bas du formulaire de demande de crédit pour attester que tous les renseignements fournis à la banque étaient vrais et exacts.Dans ces circonstances, la Cour a décidé que la Banque n’avait fait preuve d’aucune négligence quant à l’enquête effectuée afin de se former une opinion sur la capacité financière du défendeur avant de lui accorder un crédit. Selon la Cour, si le défendeur a obtenu un prêt pour l’achat d’un véhicule dont il n’avait pas besoin, c’est uniquement en raison de ses propres fausses déclarations et de son manque général de sens des affaires. Qui plus est, la Cour a critiqué le comportement répréhensible du défendeur et a décidé que ce comportement constituait une fin de non recevoir empêchant le défendeur de faire valoir les lacunes de l’avis. La Cour a donc ordonné au défendeur de payer l’encours de la dette à la Banque.COMMENTAIRESLes commerçants ne devraient toutefois pas croire, en se fondant sur les affaires citées, que les tribunaux sont généralement indulgents lorsqu’il est question de non-conformité avec la législation sur la protection du consommateur. Toutefois, ces affaires rappelent que les droits des commerçants ne devraient pas être écartés en raison de points de détail ou d’une non-conformité sans importance qui ne portent pas préjudice au consommateur.Bien qu’il soit difficile d’établir une règle générale à partir de ces décisions, les tribunaux donnent au moins une certaine marge de manoeuvre aux commerçants lorsque les avis de déchéance du bénéfice du terme présentent des lacunes techniques. Le véritable critère semble être de savoir si le défendeur pouvait comprendre la nature de son défaut et y remédier.Le jugement dans l’affaire Bujold donne également quelques indications quant à la portée de l’obligation des commerçants d’apprécier le consentement donné par un consommateur conformément aux critères énoncés à l’article 9 de la LPC (parmi lesquels se trouvent la condition des parties, les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu et les avantages qui résultent du contrat pour le consommateur). Les circonstances personnelles du consommateur peuvent être examinées et vérifiées par le commerçant avant de s’engager contractuellement avec un consommateur, tel qu’enseigné par la jurisprudence. Ce faisant, le commerçant pourrait se fonder sur les déclarations (apparemment exactes) d’un consommateur._________________________________________ 1. Caisse Populaire Desjardins du Portage c. Létourneau, 2013 QCCQ 4395. 2. Banque de Montréal c. Bujold, 2009 QCCQ 5530.

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  • La Cour d’appel confirme qu’en assurance collective, le preneur et l’assureur peuvent s’entendre pour modifier les dispositions du contrat sans consulter les adhérents

    Le jugement de la Cour d’appel La Capitale était attendu depuis que la Cour supérieure avait rejeté en février 2012 le recours collectif intenté contre un assureur qui, avec le consentement du preneur, avait modifié unilatéralement la clause d’exonération des primes faisant partie du contrat d’assurance collective.1Aux fins de mise en contexte, veuillez vous reporter à notre bulletin de juin 2012 à l'occasion du dépôt du jugement de la Cour supérieure.LES FAITSDeux poursuites ont été intentées contre La Capitale par MM. Tremblay et Beaver, employés du secteur public; ceux-ci ont obtenu l’autorisation d’intenter un recours collectif et de représenter les personnes couvertes par la police d’assurance collective qui sont ou étaient invalides depuis 1996 et à qui le bénéfice de l’exonération des primes a été retiré par modification du contrat d’assurance. Le groupe visait environ 1 200 adhérents.Les demandeurs sont devenus invalides en 1996 et 1997 respectivement, le sont toujours, et prétendent bénéficier de l’exonération des primes en vertu de leur contrat d’assurance collective jusqu’à l’âge de 65 ans, et ce, tant qu’ils seront invalides.Le demandeur Tremblay était membre d’une unité de négociation qui était régie par des conventions collectives conclues avec la FTQ lors du début de son invalidité en 1996. Le CHSLD pour lequel il travaillait a mis fin à son lien d’emploi en 2000 en raison de son invalidité. En 2005, son unité d’accréditation s’est désaffiliée de la FTQ et en juin 2006, l’assureur l’avisait du retrait des couvertures d’assurance puisque son syndicat n’avait plus d’affiliation à la FTQ.La situation du demandeur Beaver est quelque peu différente. Il était employé d’une commission scolaire lorsqu’il est devenu invalide en 1997. Il a conservé son lien d’emploi depuis. Il fut avisé par son assureur en novembre 2007 qu’en vertu d’une nouvelle disposition au contrat d’assurance, l’assureur pouvait cesser d’accorder l’exonération des primes après 36 mois de prestations. Puisqu’il en avait bénéficié depuis 1997, l’assureur se disait justifié d’y mettre fin.Les recours des demandeurs Tremblay et Beaver sont joints pour audition et les demandeurs réclament au nom des membres que soient rétablis leurs droits au bénéfice de l’exonération des primes.Tous les contrats intervenus entre leur invalidité respective et les modifications les privant de l’exonération des primes en assurance maladie et soins dentaires, entrés en vigueur en 2001, contenaient une clause intitulée Modification au contrat, laquelle se lit comme suit :« Le Preneur peut en tout temps, après entente avec l’Assureur, apporter des modifications au contrat concernant les catégories de personnes admissibles, l’étendue des protections et le partage des coûts entre les catégories d’assurés. De telles modifications peuvent alors s’appliquer à tous les assurés, qu’ils soient actifs, invalides ou retraités. »(notre soulignement)LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURELa Cour supérieure conclut qu’en raison du pouvoir accordé aux intervenants au contrat, soit les preneurs de la police (regroupement de nombreuses associations représentant les assurés) ainsi que l’assureur, ceux-ci pouvaient négocier des modifications au contrat puisqu’une clause spécifique les y autorisait. Par conséquent, la clause mettant un terme à l’exonération des primes était valide sans l’accord des assurés individuels.La Cour supérieure ajoute que l’exonération n’est pas un bénéfice reconnu à la police d’assurance, mais bien une disposition se trouvant dans la section relative au paiement de la prime, ce qui confirme que l’exonération des primes n’est pas un des bénéfices assurés.Bien que les faits en litige et le nombre de parties impliquées fassent en sorte que ce jugement soit complexe, la véritable question en litige est de déterminer si le preneur et l’assureur avaient le droit de modifier unilatéralement un contrat d’assurance collective.LE JUGEMENT DE LA COUR D’APPELLes appelants ont repris tous leurs arguments. Ils ont soutenu que « l’invalidité » et l’exonération de prime qui y était attachée au début de leur invalidité respective étaient un risque assuré. Ce droit à l’exonération se serait cristallisé lors de la survenance de leur invalidité et la modification apportée au contrat collectif le 1er janvier 2001 n’était pas valide. En dernier lieu, ils soutenaient que l’assureur avait commis une faute entraînant sa responsabilité.La Cour, sous la plume de la juge Thibault, fait d’abord l’historique des contrats successifs et des dispositions du Code civil qui leur sont applicables.Elle constate que le contrat en vigueur le 1er mars 1991 prévoyait non seulement une exonération de prime en cas d’invalidité, mais également une clause autorisant des modifications au contrat sur accord de l’assureur et du comité (preneur) et ces modifications s’appliquent à tous les assurés, qu’ils soient actifs, invalides ou retraités.Le contrat en vigueur depuis le 1er janvier 1997 prévoyait une exonération de prime en cas d’invalidité, mais celle-ci cessait à 65 ans ou lorsque l’assuré cessait de remplir les conditions d’assurabilité. La clause prévoyant le pouvoir du preneur et de l’assureur de modifier le contrat était similaire.Le contrat en vigueur depuis le 1er janvier 2001 ajoutait comme cause de cessation du privilège d’exonération des primes la date à laquelle le Comité confirme la cessation d’appartenance au groupe de salariés à la partie syndicale, qui est le preneur, ou la cessation d’appartenance du membre au groupe de salariés. La limite de 65 ans et la clause permettant de modifier le contrat sont toujours similaires.Le 1er janvier 2008, un avenant est ajouté au contrat de 2001 et prévoit que, outre les causes déjà décrites, les régimes d’assurance maladie et de soins dentaires cessaient à la date de rupture du lien d’emploi ou 36 mois après la date du début de l’invalidité du participant.La Cour d’appel confirme que les prestations que l’assureur doit verser en raison des garanties maladie et soins dentaires ne dépendent pas de la survenance d’une invalidité; elles sont des garanties distinctes de l’invalidité.Quant à l’exonération de prime qui est attachée à la survenance de l’invalidité, il ne s’agit pas d’une garantie à laquelle s’est obligé l’assureur, car elle n’est pas assumée par lui, mais elle est plutôt répartie entre les adhérents. Cet avantage découle de la décision du preneur de transférer aux adhérents actifs les primes dont les adhérents invalides sont exonérés.La Cour examine ensuite l’argument portant sur la « cristallisation » du droit des appelants au moment de leur invalidité, car il est important pour les assureurs qu’ils sachent si ces contrats successifs sont ou non des contrats distincts, et ce, bien qu’elle juge cette question secondaire compte tenu du fait que le contrat de 1997 contient un préambule indiquant qu’il s’agit d’une consolidation du contrat et des avenants en vigueur depuis 1991.Le contrat applicable lors de la survenance de l’invalidité de chacun des appelants est celui de 1997. Bien que celui-ci ait été remplacé par le contrat de 2001 et modifié par l’avenant de 2008, toutes les modifications ont été apportées à la demande du preneur parce que les employés actifs ont exprimé leur mécontentement à l’égard du coût élevé des primes payées pour le régime. À l’époque, la conseillère en assurance du preneur l’avait informé que le bénéfice d’exonération des primes jusqu’à 65 ans était très généreux et que la plupart des régimes limitaient cette période d’exonération à 3 ans.Étant donné que tous les contrats qui ont été en vigueur depuis l’invalidité des appelants autorisaient le preneur et l’assureur à les modifier sur entente et qu’ils prévoient que ces modifications s’appliquaient à tous les assurés, quel que soit leur statut, aucun droit ne pouvait se « cristalliser » à la date de l’invalidité. Il est toutefois entendu que les appelants continuent de bénéficier de l’assurance vie avec exonération des primes.Enfin, les appelants plaidaient que l’article 2405 C.c.Q. exigeait que la modification mettant fin au contrat en cas de changement d’allégeance syndicale ait été portée à leur connaissance. La Cour rejette cet argument; le contrat d’assurance collective repose sur la définition d’un groupe déterminé au profit duquel il est négocié. Le preneur a l’autorité de ce groupe pour négocier et pouvait convenir d’une modification concernant les catégories de personnes admissibles. La Cour retient les écrits de Me Gilbert affirmant que l’article 2405 C.c.Q. « ne peut s’appliquer qu’à l’assurance individuelle car on ne peut s’attendre à ce que l’adhérent se manifeste à propos d’une modification à laquelle il demeure étranger ».CONCLUSIONLes clauses de modification sont valides et tout changement, ajout ou retrait d’une garantie ou d’un privilège sera opposable à tous les assurés actifs, invalides ou retraités, sans qu’ils aient à en être avisés, si la procédure d’entente bilatérale est respectée.Les demandeurs ont 60 jours pour présenter une demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême._________________________________________   1 2012 QCCS 746.

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  • Recours collectifs : La Cour d’appel assouplit la règle de l’antériorité du recours (first to file)

    Au Québec comme dans les provinces de common law, le déroulement efficace d’une instance en recours collectif exige que l’on dispose, à un stade préliminaire du dossier, de la question des recours concurrents qui créent une situation de litispendance. Cette détermination, avant même que le statut de représentant ne soit accordé, vise à éviter la multiplicité des procédures et la possibilité bien réelle de jugements contradictoires, tout en évitant aux défendeurs les inconvénients pouvant découler de recours multiples.La Cour d’appel vient de rendre une décision ayant une incidence importante sur cette question. La règle de l’antériorité du recours (first to file), soit la préséance à la première requête en autorisation déposée au greffe fait dorénavant l’objet d’un assouplissement permettant de tenir compte « du meilleur intérêt des membres du groupe ».

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  • Francisation - Projet de loi nº 14 modifiant la Charte de la langue française

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Le titre du présent bulletin résume bien les notes explicatives qui font office de prologue au Projet de loi nº 14 intitulé « Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres dispositions législatives » (le « Projet de loi »). Le législateur s’inquiète du fait que la langue anglaise soit utilisée de façon systématique dans certains lieux de travail. Le Projet de loi a été présenté le 5 décembre 2012 et les modifications qui y sont suggérées visent à réaffirmer la primauté de la langue française en tant que langue officielle et langue commune au Québec.

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  • Vol ou perte de carte de crédit : Quel est le fardeau de preuve applicable pour bénéficier de la protection de la loi?

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Lavery suit de près l’évolution du droit de la consommation. Son expertise pointue dans le domaine du commerce de détail et celui des recours collectifs a été maintes fois confirmée par les intervenants du milieu. Lavery se fait un devoir de tenir la communauté d’affaires informée en cette matière en publiant régulièrement des bulletins traitant des développements jurisprudentiels ou législatifs susceptibles de laisser leur marque et d’influencer, voire transformer les pratiques du milieu. Le présent bulletin traite d’un jugement récent de la Cour du Québec concernant la responsabilité d’un détenteur de carte de crédit en cas de vol de carte ainsi que des modifications législatives en la matière proposées par le Projet de loi 24.

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  • La Cour suprême précise les paramètres d’évaluation du caractère faux et trompeur d’une représentation commerciale et rajuste le tir en matière de consommation : le consommateur moyen est crédule et inexpérimenté

    Cette publication a été coécrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Lavery suit de près l’évolution du droit de la consommation. Son expertise pointue dans le domaine du commerce de détail et celui des recours collectifs a été maintes fois confirmée par les intervenants du milieu. Lavery se fait un devoir de tenir la communauté d’affaires informée en cette matière en publiant régulièrement des bulletins traitant des développements jurisprudentiels ou législatifs susceptibles de laisser leurs marques et d’influencer, voire transformer les pratiques du milieu. Le présent bulletin analyse une récente décision du plus haut tribunal du pays, qui ne manquera pas de faire des vagues dans un domaine qui nous touche tous, celui de la publicité. La Cour suprême s’est prononcée dans le dossier Richard c. Time Inc. le 28 février 2012 et, renversant une décision de la Cour d’appel, a partiellement rétabli la décision de la juge Carol Cohen de la Cour supérieure ayant conclu au caractère faux et trompeur d’une représentation commerciale. Selon le plus haut tribunal du pays, la Cour d’appel a erré en statuant que le consommateur type est « moyennement intelligent, moyennement sceptique et moyennement curieux ».

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  • Errare Humanum est : L’erreur est humaine, mais le tribunal ne peut pas toujours la corriger

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Lavery suit de près l’évolution du droit de la consommation. Son expertise pointue dans le domaine du commerce de détail et celui des recours collectifs a été maintes fois confirmée par les intervenants du milieu. Lavery se fait un devoir de tenir la communauté d’affaires informée en cette matière en publiant régulièrement des bulletins traitant des développements jurisprudentiels ou législatifs susceptibles de laisser leurs marques et d’influencer, voire transformer les pratiques du milieu. Le présent bulletin traite d’un jugement récent de la Cour du Québec en matière de prêt à la consommation. Par ce jugement, la juge Marie Pratte de la Cour du Québec, s’appuyant  sur les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur (« Lpc ») refuse d’accéder à une demande de modification d’un taux d’intérêt qui avait été inscrit de façon erronée dans un contrat de prêt d’argent.

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  • Recours collectifs et droit de la consommation : la Cour d’appel exclut les entreprises d’un groupe visé par une autorisation d’exercer un recours collectif

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Le droit de la protection du consommateur et la Loi sur la protection du consommateur visent d’abord et avant tout les activités économiques du secteur du commerce de détail. Les dépenses reliées à ce secteur représentent plus de soixante-cinq pour cent des dépenses engagées à l’échelle de la province. De plus, c’est un domaine du droit sur lequel les tribunaux sont fréquemment appelés à se prononcer. Dans bien des cas, les litiges surviennent dans le cadre de l’exercice d’un recours collectif. Plusieurs sont d’avis que l’application de certaines dispositions de la Lpc, comme, par exemple, celles traitant des pratiques de commerce interdites, se prête bien au véhicule procédural qu’est le recours collectif.

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  • Recours collectifs et protection du consommateur : obligations découlant de la vente de garanties supplémentaires : quel était le droit antérieur au projet de loi 60?

    Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Le droit  du consommateur  et  la  Loi  sur  la protection du consommateur (« Lpc ») visent d’abord et avant tout les activités économiques du secteur du commerce de détail. Les dépenses associées à ce secteur représentent plus de soixante-cinq pour cent des dépenses de la province. C’est aussi un domaine du droit sur lequel les tribunaux doivent se pencher fréquemment. Dans bien des cas, les litiges surviennent dans le cadre de l’exercice d’un recours collectif. Plusieurs sont d’avis que le traitement de certaines dispositions de la Lpc, par exemple celles traitant des pratiques de commerce interdites, se prête bien au véhicule procédural qu’est le recours collectif. Ces derniers mois, plusieurs jugements ont été rendus en la matière, jetant un éclairage toujours bienvenu sur certaines des obligations des commerçants en vertu de la Lpc. Les sujets abordés par ces jugements sont d’actualité et concernent des produits et services couramment offerts par plusieurs commerçants.

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  • Recours collectif : la Cour dit non à des retraités

    Le 3 août dernier, la Cour supérieure du Québec rejetait la requête pour être autorisé à exercer un recours collectif déposée par monsieur Michel Dell’Aniello contre Vivendi Canada Inc. Cette décision touche deux sujets d’intérêt, soit celui des modifications effectuées unilatéralement par un employeur au programme d’assurance groupe offert aux retraités de l’entreprise et celui des recours collectifs à portée nationale.

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  • Recours collectifs et nullité d’un règlement municipal : la Cour suprême est divisée

    La Cour suprême du Canada a récemment rendu un arrêt dans l’affaire Marcotte c. Ville de Longueuil où la principale question à trancher était de décider si un recours en nullité d’un règlement municipal, assorti d’une demande en recouvrement de taxes payées en vertu de celui-ci, pouvait être intenté sous la forme d’un recours collectif.La Cour se prononce sur la façon dont le tribunal saisi doit peser le principe de la proportionnalité énoncé à l’article 4.2 C.p.c. dans le cadre d’un débat sur l’autorisation d’un recours collectif au Québec.

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  • Prévenez les recours collectifs en maintenant des relations harmonieuses avec vos voisins !

    La Cour suprême du Canada a mis fin à une longue saga judiciaire le 20 novembre dernier et a condamné la cimenterie Ciment du St-Laurent Inc. à indemniser les résidents de Beauport demeurant dans ses secteurs voisins. Commentaires sur la prescription, l’évaluation des dommages et l’octroi de dommages futurs.L’arrêt de la Cour suprême était attendu et aura un impact majeur. En effet, cet arrêt impose un fardeau presque impossible à respecter aux entreprises. Non seulement, elles doivent se conformer aux lois et règlements mais elles devront maintenant évaluer les inconvénients qu’elles pourraient causer à leurs voisins et si ceux-ci peuvent être qualifiés d’anormaux ou d’excessifs, elles seront susceptibles d’en payer le prix. Les entreprises devront être particulièrement prudentes, prévenantes et imaginatives afin de maintenir des relations de bon voisinage.Par conséquent, nous pouvons déjà prédire une multiplication de recours collectifs relativement à des situations de troubles de voisinage et de nuisance à l’encontre d’entreprises et de municipalités qui devront également être prudentes dans la gestion de l’aménagement du territoire urbain.

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  • Gare aux définitions de groupe trop larges et démesurées : La Cour d'appel prévient les requérants en autorisation

    Le 26 septembre 2007, la Cour d’appel a rendu un jugement rejetant le pourvoi de l’appelante Citoyens pour une qualité de vie et a maintenu le jugement de la Cour supérieure qui avait, le 14 décembre 2004, rejeté sa demande d’autorisation d’exercer un recours collectif contre Aéroports de Montréal en raison de l’absence de similarité et de connexité des questions soulevées par le recours.On retient de l'arrêt Citoyens pour une qualité de vie/Citizens for a Quality of Life c. Aéroports de Montréal et des autres jugements cités par la Cour d’appel qu’il revient d’abord au requérant de définir le groupe qu’il entend représenter et qu'il doit le faire dans des proportions logiques et raisonnables. En vertu de l’article 1005 C.p.c. et en présence de preuve appropriée, le juge saisi d’une requête pour autorisation a certes le pouvoir d’intervenir afin de « ciseler » le groupe sous un quelconque rapport, mais pas au point de créer de toutes pièces une définition du groupe à la place du requérant. Non seulement cette tâche ne revient pas au juge, mais une définition trop large et démesurée du groupe laisse présumer l’absence de questions communes et une prépondérance de questions individuelles. Dans un tel cas, le requérant verra alors sa requête pour autorisation rejetée parce que celle-ci n’est pas en conformité avec la condition de l’article 1003 a) C.p.c.

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  • Le recours collectif dénaturé ? Et puis non, finalement?

    Le 18 octobre dernier, la Cour d'appel du Québec a rendu une décision particulièrement attendue en matière de recours collectif. En effet, le plus haut tribunal de la province devait se prononcer, notamment, sur la question de la multiplicité des défendeurs et sur la nécessité qu'il existe un lien de droit entre le requérant demandant l'autorisation d'exercer un recours collectif et chacun des défendeurs.Récemment en affirmant la nécessité d'un lien de droit entre le requérant et l'ensemble des entités qu'il désire poursuivre, la Cour d'appel a enfin dissipé l'incertitude qui régnait au Québec sous ce rapport.

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