On constate depuis quelques années déjà au Québec la popularité certaine des drones, également appelés « UAV » (Unmanned Aerial Vehicle). Surveillance de carrières et de gravières, de sites industriels, de pipelines, de terres agricoles, de mines à ciel ouvert ou de chantiers de construction, livraison de colis, collecte d’images aériennes pour la promotion d’une municipalité, le cinéma ou le courtage immobilier, voilà seulement quelques-uns des innombrables usages des drones de nos jours. Il faut toutefois savoir que l’utilisation de drones est réglementée par le gouvernement fédéral. Certaines formes d’utilisation de drones sont soumises à des règles particulières, pouvant même aller jusqu’à l’obtention préalable d’un certificat d’opérations aériennes spécialisées (« COAS »).
L’encadrement législatif et réglementaire
L’utilisation de drones est encadrée par la Loi sur l’aéronautique1 et, plus particulièrement, par le Règlement de l’aviation canadien2. Les règles applicables diffèrent suivant que le drone constitue, au sens du Règlement, un « véhicule aérien non habité » ou un « modèle réduit d’aéronef ».
La distinction entre ces deux types d’appareils est axée sur le poids de l’appareil (plus ou moins de 35 kg) et la nature de l’utilisation projetée (à des fins récréatives ou à d’autres fins).
Le « modèle réduit d’aéronef » est un aéronef dont la masse totale est d’au plus 35 kg, qui est utilisé à des fins récréatives et qui n’est pas conçu pour transporter des êtres vivants3.
Le « véhicule aérien non habité » est un aéronef entraîné par moteur, autre qu’un modèle réduit d’aéronef, conçu pour effectuer des vols sans intervention humaine à bord4. Autrement dit, un « véhicule aérien non habité » est un appareil qui pèse soit plus de 35 kg, soit moins de 35 kg, mais, dans ce cas, est utilisé à des fins autres que récréatives.
Véhicules aériens non habités : nécessité d’obtenir un COAS, sauf exemption
L’article 602.41 du Règlement5 interdit d’utiliser un « véhicule aérien non habité », à moins que le vol ne soit effectué conformément à un COAS ou à un certificat d’exploitation aérienne6. L’article 603.66 du Règlement interdit également d’utiliser un véhicule aérien non habité, à moins de se conformer aux dispositions du COAS délivré par le ministre.
Le COAS est délivré par le ministre conformément à l’article 603.67 du Règlement. Celui qui en fait la demande doit démontrer qu’il est en mesure d’effectuer l’opération aérienne envisagée conformément aux Normes d’opérations aériennes spécialisées7. La forme et la manière de faire la demande sont également déterminées par les Normes d’opérations aériennes spécialisées.
En principe, il est donc nécessaire d’obtenir un COAS pour utiliser un véhicule aérien non habité. Toutefois, la Loi8 permet au ministre ou au fonctionnaire du ministère des Transports qu’il autorise à cette fin de soustraire, individuellement ou par catégorie, aux conditions qu’il juge à propos, toute personne, tout produit aéronautique, aérodrome ou service, ou toute installation à l’application du Règlement.
Deux exemptions sont actuellement accordées aux personnes effectuant des opérations aériennes à des fins autres que récréatives avec des véhicules aériens non habités.
Une première exemption bénéficie aux utilisateurs de drones ayant une masse maximale au décollage dépassant 2 kg, mais inférieure à 25 kg, sous réserve du respect de plusieurs conditions, notamment des suivantes :
Les conditions générales : contracter une assurance responsabilité civile d’un montant au moins égal à 100 000 $ et une assurance d’au moins 100 000 $ relativement à l’exploitation du système d’UAV, ne pas exploiter de système d’UAV avant un délai de huit heures après avoir consommé une boisson alcoolisée, ne pas exploiter les contrôles de l’UAV si le pilote est susceptible de présenter une fatigue qui le rend inapte à exécuter ses tâches, mettre à la disposition immédiate des membres de l’équipage un équipement opérationnel et d’urgence, etc.
Les conditions de vol : exploiter l’UAV en visibilité directe, ne pas faire voler l’UAV à plus de 300 pieds au-dessus du sol, n’exploiter l’UAV que dans l’espace aérien de classe G9, n’exploiter l’UAV qu’à partir d’un seul poste de commande, ne pas faire décoller/lancer d’UAV dont les surfaces critiques sont couvertes de givre, de glace ou de neige, ne pas exploiter d’UAV au-dessus d’une zone bâtie ou d’un rassemblement de personnes en plein air, maintenir un contact visuel sans aide avec l’UAV afin de connaître sa position et d’être en mesure de balayer du regard l’espace aérien où il est utilisé pour repérer et éviter la circulation aérienne ou des objets, etc.
Les conditions liées au personnel (pilote) : avoir réussi un programme de formation au sol destiné aux pilotes et être dûment formé sur le système d’UAV et qualifié pour la zone et le type de vol, etc.
La deuxième exemption s’applique aux drones pesant moins de 2 kg qui sont utilisés à des fins autres que récréatives, sous réserve d’obéir à des conditions similaires à la première exemption, mais moins nombreuses. À défaut de se conformer à ces conditions, il est nécessaire d’obtenir un COAS, tout comme pour l’utilisation à des fins récréatives de drones pesant plus de 35 kg.
Modèle réduit d’aéronef : la sécurité avant tout
L’utilisation d’un « modèle réduit d’aéronef » (drone de moins de 35 kg utilisé à des fins récréatives) ne nécessite, quant à elle, aucune permission spécifique. Le « modèle réduit d’aéronef » doit cependant être piloté de manière sécuritaire. En effet, l’article 602.45 du Règlement interdit de faire voler un tel appareil dans un nuage ou d’une manière qui constitue ou qui est susceptible de constituer un danger pour la sécurité aérienne.
En l’absence de définition dans le Règlement de ce que constitue une utilisation « sécuritaire » d’un modèle réduit d’aéronef, Transports Canada publie, à cet égard, une circulaire destinée à informer les opérateurs de modèles réduits d’aéronef et de véhicules aériens non habités des lignes directrices générales et des pratiques de sécurité. Dans cette circulaire, Transports Canada recommande par exemple le respect de certains périmètres de sécurité, notamment de ne pas utiliser de drones :
à moins de 9 km d’un aérodrome (par ex. un aéroport);
à moins de 150 m de personnes, d’animaux, de bâtiments, de structures ou de véhicules;
dans des zones peuplées ou à proximité d’une foule, par exemple, pendant des activités sportives, des spectacles, des festivals ou des feux d’artifice;
à proximité de véhicules en mouvement, d’autoroutes, de ponts, de rues achalandées ou de tout autre endroit où des conducteurs pourraient être mis en danger ou distraits;
dans un espace aérien spécifiquement réglementé (au-dessus de bases militaires, de prisons ou de feux de forêt), etc.10
Sanctions en cas de non-respect de la réglementation
Si un utilisateur effectue un vol sans détenir de COAS alors que celui-ci est nécessaire, il est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 $ pour une personne physique et jusqu’à 25 000 $ pour une entreprise. Par ailleurs, si un utilisateur ne respecte pas les exigences de son COAS, il est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 000 $ pour une personne physique et jusqu’à 15 000 $ pour une entreprise11.
Le Code criminel12 prévoit en outre une infraction impliquant l’opération dangereuse d’un aéronef et compromettant la sécurité des autres aéronefs13, pouvant entraîner une sanction pécuniaire ou une période d’emprisonnement allant jusqu’à perpétuité.
Soulignons que le respect du Règlement n’exempte pas l’utilisateur d’un drone du respect de la réglementation provinciale (et municipale)14 ou fédérale15 qui s’applique également.
En conclusion, retenons qu’il est nécessaire d’obtenir un COAS dans les cas suivants :
l’appareil pèse plus de 35 kg, peu importe la nature de l’utilisation projetée;
l’appareil pèse moins de 35 kg et l’utilisation projetée est autre que récréative.
Dans le cas de l’utilisation d’un appareil pesant moins de 25 kilos à des fins autres que récréatives, il est possible d’être exempté de l’obligation d’obtenir un COAS, à condition toutefois de satisfaire à de nombreuses exigences. Si l’utilisateur n’est pas en mesure de se conformer aux conditions énumérées dans l’une ou l’autre des exemptions applicables, il n’aura d’autre choix que d’obtenir un COAS.
Enfin, l’utilisation de drones pesant 35 kilos et moins à des fins de loisirs ne nécessite aucune permission. Le drone doit cependant être piloté de manière sécuritaire.
Les exemptions actuellement en vigueur viennent à échéance le 21 décembre 2016. Les règles en la matière sont donc susceptibles de changer.
Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, c. A-2 (ci-après, la « Loi »). L’aviation est considérée par les tribunaux comme une question d’importance nationale et, par conséquent, relève du pouvoir fédéral de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, voir à cet égard Johannesson v. Municipality of West St. Paul, [1952] 1 S.C.R. 292; Air Canada c. Ontario (Régie des alcools), [1997] 2 RCS 581; Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association [2010] 2 RCS 536.
Règlement de l’aviation canadien, 1996, DORS/96-433 (Gaz. Can. II) (ci-après, le « Règlement »).
Préc., note 2.
Art. 101.01 du Règlement.
Préc., note 2.
La présente ne traite pas de ce type de certificat, qui vise plutôt les exploitants de service aérien commercial.
Normes d’opérations aériennes spécialisées, dans « Règles générales d’utilisation et de vol des aéronefs », Partie VI, norme 623 du Règlement.
Préc., note 1.
L’article 601.02 (1) du Règlement précise qu’un espace aérien de « classe G » est un espace aérien non contrôlé.
Pratiques de sécurité générales, dans « Modèles réduits d’aéronef et systèmes des véhicules aériens sans pilote », 2014, Circulaire d’information (CI) Nº 600-002.
Article 103.08 (1) et (2).
L.R.C. 1986, c. C-46.
Par exemple, l’article 77 du Code criminel, préc. note 12.
Par exemple, on pourrait imaginer que l’article 85 de la Loi sur les compétences municipales, RLRQ, c. C-47.1 (permettant aux municipalités d’adopter tout règlement pour assurer la paix, l’ordre, le bon gouvernement et le bien-être général de sa population) puisse conférer aux municipalités le pouvoir de régir les drones. Cette législation/réglementation serait-elle constitutionnelle ? Selon la jurisprudence, la compétence du Parlement fédéral en matière d’aviation est une compétence exclusive, ce qui, en vertu de la doctrine de l’exclusivité des compétences, signifie qu’aucune province n’aurait le pouvoir de régir ou d’interdire l’usage des drones. Toutefois, dans la mesure où une loi provinciale valide (adoptée conformément à une compétence provinciale) aurait pour effet de régir l’utilisation d’un drone, la question suivante se soulève. Les tribunaux appliqueront-ils la doctrine de la prépondérance fédérale permettant ainsi à la législation provinciale de s’appliquer concurremment en l’absence de conflit d’application véritable ?
Voir notamment la Charte canadienne des droits et libertés, L.C. 1982, c. 11 (R.-U.); le Code criminel, L.R.C. 1986, c. C-46.; la Loi sur la protection de l’environnement, L.R.Q. 1978, c. Q 2; la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, c. P-21; la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, c. 5; la Loi sur la radiocommunication, L.R.C. 1985, c. R-2; la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, L.C. 1992, c. 34; le Règlement sur l’accès par aéronef aux parcs nationaux du Canada, 1997, DORS/97-150 (Gaz. Can. II).