Litige commercial

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  1. Le domicile élu apparaissant au Registre des entreprises du Québec ne fonde pas la compétence territoriale de la Cour supérieure au sens de l’article 41(3) C.p.c.

    Introduction Le 11 juillet 2024, la Cour d’appel1 a rendu un arrêt qui répond pour la première fois à la question de savoir si le domicile élu apparaissant au Registre des entreprises du Québec (le « REQ ») constitué en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises2peut fonder la compétence territoriale de la Cour supérieure au sens de l’article 41(3) du Code de procédure civile3. Confirmant la décision rendue par la Cour supérieure4, la Cour d’appel répond par la négative. Les faits Le 25 avril 2023, Promark Electronics inc. et Electrical Components International inc. (collectivement, « Promark ») introduisent contre Bombardier Recreational Products inc. (« BRP »), dans le district judiciaire de Montréal, un recours en dommages-intérêts alléguant la résiliation d’une lettre d’entente et l'annulation de bons de commande afférents. Le 22 juin 2023, BRP dépose un moyen déclinatoire afin d’ordonner le transfert du dossier vers le district judiciaire de Bedford où se trouve son siège social. Promark justifie l’introduction de son recours dans le district judiciaire de Montréal en raison du domicile élu indiqué au REQ, soit les bureaux des procureurs de BRP situés à Montréal. Le 5 septembre 2023, l’honorable Tiziana Di Donato, j.c.s. (la « Juge ») accueille le moyen déclinatoire de BRP et ordonne le renvoi du dossier dans le district judiciaire de Bedford. Le 10 novembre 2023, l’honorable Stephen W. Hamilton, j.c.a. accueille la permission d’appeler de la décision de la Juge, indiquant notamment que la question de savoir si l'élection de domicile en vertu de l'article 33 de la LPLE est suffisante pour entraîner l'application du troisième alinéa de l'article 41 C.p.c. n'a jamais été tranchée par la Cour et qu’il semble que les tribunaux inférieurs aient rendu des jugements quelque peu contradictoires5. Le jugement de première instance D’emblée, la Juge rappelle que, généralement, le district judiciaire du domicile de la partie défenderesse est le forum naturel où doit être porté le recours purement personnel (41(1) C.p.c.) et que, dans le cas d’une société, le domicile est celui de son siège social. La Juge nuance ce principe en évoquant que, lorsqu’il y a plus d’un district judiciaire compétent, la partie demanderesse peut intenter son recours devant une autre juridiction territorialement compétente (42 C.p.c.), à condition d’établir son droit d’effectuer cet autre choix. Au soutien de sa contestation du moyen déclinatoire, Promark argumente avoir le choix d’intenter le recours dans le district judiciaire de Montréal, considérant que BRP a élu domicile en vertu de la LPLE, et que, conséquemment, ce district constitue un « domicile élu » en vertu de l’article 41(3) C.p.c. qui se lit comme suit :  « Est aussi territorialement compétente, si l’ordre public le permet, la juridiction du lieu du domicile élu par le défendeur ou celle désignée par la convention des parties, à moins que cette convention ne soit un contrat d’adhésion ».  (Nos soulignements) Afin de trancher la question, la Juge détermine qu’il faut interpréter l’article 41(3) C.p.c. selon la méthode d’interprétation moderne soulignant, entre autres, l’utilité de se référer aux dispositions antérieures d’une loi afin de déterminer l’intention du législateur. De cette manière, la Juge revisite l’historique législatif de l’article 41 C.p.c., affirmant qu’il reprend essentiellement le droit antérieur, notamment l’article 68 de l’ancien Code de procédure civile, RLRQ c. C-25,qui édictait à l’alinéa 1, paragraphe 1 que « (…) l’action purement personnelle peut être portée : 1. Devant le tribunal du domicile réel du défendeur, ou, dans les cas prévus à l’article 83 du Code civil, devant celui de son domicile élu ». Bien que l’article 41 al. 3 C.p.c. ne renvoie plus spécifiquement à l’article 83 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. »)6, la Juge conclut, suivant un exercice d’interprétation, que cet article s’applique toujours pour déterminer si une partie a effectué une élection de domicile, et souligne également que l’élection de domicile doit être effectuée de manière expresse et non équivoque. La Juge rappelle que l’élection d’un domicile demeure l’exception et doit être interprétée restrictivement.  Quant à la portée d’une élection de domicile en vertu de la LPLE, la Juge souligne que le paragraphe 33(1) LPLE indique qu’une entreprise peut élire domicile et mandater une personne pour « recevoir les documents, aux fins de l’application de la présente loi ». L’article 98(5) LPLE indique également que le domicile élu désigné par une entreprise en vertu de la LPLE vise à informer les tiers de l’adresse à laquelle l’entreprise souhaite recevoir des documents « aux fins de l’application de la présente loi ». La Juge est alors d’avis que les articles 33(1) et 98(5) LPLE, comme rédigés, ne peuvent avoir la portée que Promark veut leur attribuer, car ceux-ci sont limpides et il n’y a pas lieu de les interpréter : dans le cas de l’élection d’un domicile aux fins de la LPLE, il s’agit d’une adresse à laquelle des documents peuvent être acheminés à l’entreprise, à moins d’une preuve particulière indiquant le contraire. Pour ces raisons, la Juge accueille le moyen déclinatoire et transfère le dossier dans le district de Bedford. Le jugement en appel D’entrée de jeu, la Cour d’appel confirme que la Juge n’a commis aucune erreur révisable : 1) le domicile élu aux fins de l’attribution territoriale suivant l’article 41 (3) C.p.c. est celui désigné par les parties aux fins de l’exécution de leur convention au sens de l’article 83 C.c.Q. et 2) le domicile élu en vertu de la LPLE est destiné aux fins de l’application de la LPLE (par. 23). La Cour d’appel est d’avis que la décision de la Juge est conforme à ce que le législateur avait prévu à l’article 68 de l’ancien Code de procédure civile et veille à la stabilité du droit, qui revêt une importance particulière en matière de compétence. Après avoir analysé les travaux parlementaires entourant l’adoption de l’article 41 C.p.c. et les Commentaires de la ministre de la Justice, la Cour indique qu’il existe une présomption de maintien de la règle de droit antérieur et que, contrairement à ce que prétendent les appelantes, le libellé de l’article 41 C.p.c. et les articles 33 et 98 LPLE n’attribuent pas une compétence territoriale aux tribunaux autre que celle du domicile de la partie défenderesse. Le retrait dans l’article 41 C.p.c. du renvoi à l’article 83 C.c.Q. ne constitue pas une indication claire du législateur de mettre de côté les exigences de l’article 83 C.c.Q. en vertu desquelles, aux fins d’attribution de la compétence territoriale, les parties établissent le domicile élu dans leur convention. C’est dans cet ordre d’idées que la Cour d’appel rejette l’appel, sans frais, confirmant le raisonnement de la Juge voulant que la compétence territoriale des tribunaux sous l’article 41(3) C.p.c. s’établisse en fonction du domicile élu prévu à l’article 83 C.c.Q. et non en fonction de l’élection de domicile d’une société aux termes de la LPLE, suivant lesquels une entreprise élit un domicile aux fins de l’application de cette loi. Conclusion Cette affaire rappelle que le C.c.Q. établit le droit commun de la province et qu’il est alors important de s’y référer dans l’exercice d’interprétation des autres lois du législateur québécois. Puisque le législateur est « censé connaître son tissu législatif de même que le droit existant7 », la Cour ne peut interpréter une loi particulière – telle que la LPLE – d’une manière à modifier une disposition législative de fond et de portée générale – en l’instance, le C.c.Q. – en l’absence d’une intention claire exprimée en ce sens. Promark Electronics Inc. c. Bombardier Recreational Products Inc., 2024 QCCA 906 RLRQ c. P-44.1 (la « LPLE ») RLRQ c. C-25.01 (le « C.p.c. ») Promark Electronics Inc. c. Bombardier Recreational Products Inc., 2023 QCCS 3405 Promark Electronics Inc. c. Bombardier Recreational Products Inc., 2023 QCCA 1427, par. 8 « 83. Les parties à un acte juridique peuvent, par écrit, faire une élection de domicile en vue de l’exécution de cet acte ou de l’exercice des droits qui en découlent. L’élection de domicile ne se présume pas. » Promark Electronics Inc. c. Bombardier Recreational Products Inc., 2024 QCCA 906, par. 24 (traduction française non officielle de l’arrêt de la Cour accessible sur CanLII)

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  2. Le non-respect du processus de plainte préalable dans le cadre de l’appel d’offres public d’une municipalité mène à une fin de non-recevoir

    Introduction Le 14 juin 2024, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision1 qui interprète l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec, qui est entré en vigueur en 2019. Cette disposition donne l’occasion à une personne intéressée à participer au processus d’adjudication de porter plainte au préalable au sujet d’une exigence des documents d’appel d’offres qu’elle considère comme n’assurant pas un traitement intègre et équitable des concurrents. À notre connaissance, c’est la première fois qu’un tribunal se penche sur l’incidence du non-respect de cette disposition relativement nouvelle dans un recours en dommages-intérêts pour perte de profits2 par un soumissionnaire non retenu. La Cour supérieure conclut que si un soumissionnaire ne soumet pas sa plainte en temps utile, il faut y voir « une forme de fin de non-recevoir ou à tout le moins une rupture du lien de causalité entre la faute présumée et le dommage réclamé » (paragraphe 40). Faits Ce litige opposait Transport Martin Forget Inc. (« Transport Forget ») à la Municipalité de Saint-Alexis (la « Municipalité »). Le 6 mai 2019, la Municipalité lance un appel d’offres pour un contrat de déneigement et d’épandage d’abrasifs. Transport Forget dépose une soumission qui s’avère être la plus basse, soit 150 000 $ plus bas que le soumissionnaire retenu. Transport Forget est écartée de l’appel d’offres en raison de sa non-conformité au devis exigeant qu’elle fournisse un numéro de dossier de la Régie du bâtiment du Québec (la « RBQ »), accompagné d’une attestation que son dossier est en règle. Par suite du refus de la Municipalité d’octroyer le contrat à Transport Forget, cette dernière lui réclame 300 000 $ à titre de dommages pour la perte de profits alléguée. Transport Forget estime que sa soumission est conforme, que le critère exigeant une licence de la RBQ imposé par la Municipalité est frivole et déraisonnable, que la Municipalité n’a pas respecté le principe d’égalité entre les soumissionnaires et que le processus de plainte prévu à l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec ne la prive pas de ses droits. Pour sa part, la Municipalité estime que l’irrégularité dans la soumission de Transport Forget est majeure et que le non-respect du processus de plainte concernant cette exigence, qui est raisonnable et protectrice de l’intérêt public, est fatal au recours de Transport Forget. La preuve révèle que le numéro de licence de la RBQ fourni dans la soumission de Transport Forget n’était pas valide et que Transport Forget a volontairement décidé de ne pas renouveler sa licence de la RBQ avant le dépôt de sa soumission, ne sachant pas si elle allait remporter le processus d’appel d’offres et souhaitant ainsi éviter de devoir payer inutilement les droits annuels de 1 000 $ exigés pour le renouvellement de sa licence. Principes applicables Afin de juger de l’issue du présent litige, la Cour effectue une analyse à la lumière de l’affaire Tapitec3, arrêt de principe en matière d’appel d’offres. Elle rappelle les enseignements de la Cour selon lesquels le facteur déterminant pour qualifier une irrégularité de mineure ou de majeure est celui de l’égalité des soumissionnaires. Elle rappelle aussi que les municipalités peuvent stipuler des conditions visant à limiter le nombre de soumissionnaires, à condition que ce soit dans un but important et légitime. Quant à l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec, la Cour y voit un mécanisme de surveillance de l’ensemble des contrats octroyés par des organismes publics visant à mettre en place un processus destiné à assurer le respect des principes d’intégrité nécessaires à la protection de l’intérêt public. L’intention du législateur, selon la Cour, est également de protéger les petites municipalités, comme celle qui est ici en cause (qui compte environ 1 500 habitants), contre d’éventuels recours judiciaires suivant l’ouverture des soumissions, en assurant la résolution des enjeux concernant le principe d’égalité des soumissionnaires en amont du processus d’appel d’offres. À défaut de se conformer à cette exigence, aucun recours pour perte de profits, comme en l’espèce, ne sera recevable, sauf en cas de fraude ou de mauvaise foi flagrante, comme en cas de collusion. Le but de la disposition en question est d’éviter qu’un soumissionnaire au fait des exigences formulées dans les documents d’appel d’offres puisse contester ces exigences après-coup. Décision La Cour estime que l’obligation de détenir un numéro de licence de la RBQ est une condition dont l’objectif est de limiter le nombre de soumissionnaires, ce que la Municipalité était en droit de faire. Bien que la Cour reconnaisse qu’il n’y a aucune corrélation entre la capacité de faire du déneigement et la détention d’une licence de la RBQ, elle accepte la preuve selon laquelle cette condition est un moyen approprié et rapide pour la Municipalité de vérifier la crédibilité et le sens de l’organisation des soumissionnaires, ce qui représente un objectif légitime et important. La Cour conclut donc que cette exigence du devis n’est pas frivole ou arbitraire. La Cour estime que l’irrégularité dans la soumission de Transport Forget est majeure. Bien que l’obligation de détenir une licence valide de la RBQ ne soit pas une condition d’ordre public ou une exigence de fond, elle vise justement à proscrire le manque de sérieux dont Transport Forget a fait preuve quand elle a choisi de ne pas payer les droits de renouvellement de sa licence de la RBQ avant de soumissionner. La Municipalité a exercé sa discrétion administrative de façon raisonnable et a veillé au respect de la primauté de l’égalité des soumissionnaires. La Cour conclut alors que la Municipalité a écarté la soumission de Transport Forget à bon droit. Bien que la Cour conclue au rejet de la demande, elle se penche néanmoins sur l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec. La Cour estime qu’il était possible pour Transport Forget de formuler une plainte au préalable quant à la validité de la condition imposée par la Municipalité concernant la détention de la licence de la RBQ, ce qui aurait permis à la Municipalité de modifier son appel d’offres avant l’ouverture des soumissions. Transport Forget ne l’ayant pas fait, son recours en dommages-intérêts est irrecevable. Commentaire Les soumissionnaires à un appel d’offres public de la part d’une municipalité se doivent de connaître l’existence de l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec4 et d’en comprendre l’application en temps opportun. En effet, ainsi que le démontre l’interprétation de cet article par la Cour supérieure dans le jugement dont il est question ici, un soumissionnaire non retenu qui n’a pas respecté le processus de plainte prévu à cet article et qui prévoit exercer un recours en dommages-intérêts pour perte alléguée de profits pourrait se voir opposer une fin de non-recevoir. Transport Martin Forget Inc. c. Municipalité de Saint-Alexis, 2024 QCCS 2208 Nous avons trouvé la décision Sintra inc. c. Municipalité de Noyan, 2019 QCCS 4293 (CanLII), qui traite également de cette disposition, mais dans le cadre d’un recours en injonction provisoire du plus bas soumissionnaire qui tente d’empêcher l’octroi du contrat à un tiers : la Cour rejette la demande, notamment parce que le soumissionnaire n’a pas formulé de plainte à l’encontre du processus envisagé pour l’attribution du contrat conformément à l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec et conclut que le critère de l’apparence de droit n’est pas rempli. Tapitec c. Ville de Blainville 2017 QCCA 317 Nous tenons également à souligner l’article 573.3.1.4 de la Loi sur les cités et villes, qui est identique à l’article 938.1.2.2 du Code municipal du Québec. Nous n’avons trouvé aucune décision qui interprète cet article, alors nous invitons les soumissionnaires à faire preuve de prudence et à respecter le processus de plainte pour les appels d’offres lancés par les cités et villes pour éviter qu’un argument de fin de non-recevoir leur soit opposé.

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  3. Condamnation d’un assureur à des dommages-intérêts – La Cour d’appel intervient

    Le 12 février 2024, la Cour d’appel du Québec a rendu l’arrêt Société d’assurance Beneva inc. c. Bordeleau1, s’intéressant notamment au fardeau de preuve de l’assureur en cas de négation de couverture pour faute intentionnelle de son assuré et à la condamnation de l’assureur à des dommages-intérêts en lien avec un manquement à son obligation de bonne foi. Les faits Cet arrêt découle d’un litige opposant l’assureur Société d’assurance Beneva inc. (ci-après « l’Assureur ») à ses assurés dont M. Michel Bordeleau, propriétaire d’un immeuble locatif multiétages endommagé par le feu. Il habitait une des unités avec ses parents. D’après la preuve d’experts présentée, laquelle ne faisait l’objet d’aucune contestation, l’incendie aurait pris naissance dans un des espaces de rangement situé au sous-sol de l’immeuble, attitré à un couple de locataires. L’accès à ce sous-sol de même que chacun des espaces de rangement sont verrouillés. Quant à la cause, elle serait de nature intentionnelle vu les traces d’accélérant trouvées dans la zone d’origine. Le ou les instigateurs n’ont pas été identifiés. Le 21 novembre 2016, 60 jours suivant l’incendie, l’Assureur nie la couverture étant donné le caractère intentionnel de l’incendie qu’il impute à son assuré, M. Bordeleau. Quelques mois plus tard, le 22 mars 2017, il convient d’une entente auprès du créancier hypothécaire de ce dernier. L’acte de quittance et subrogation prévoit le paiement par l’Assureur du solde de la créance hypothécaire, chiffré à 149 720,99$, et une subrogation dans les droits de ce créancier jusqu’à hauteur de la somme versée. M. Bordeleau, s’estimant lésé de la décision de l’Assureur, entreprend un recours judiciaire en recouvrement de l’indemnité d’assurance à laquelle il prétend avoir droit, réclamant aussi au passage des dommages-intérêts. En réplique, l’Assureur dépose une demande reconventionnelle en recouvrement du solde versé au créancier hypothécaire. En première instance La juge de première instance, s’appuyant sur la preuve administrée, conclut que bien qu’il s’agisse d’un incendie de nature intentionnelle, l’Assureur ne s’est pas déchargé de son fardeau d’établir l’implication de son assuré dans l’incendie. Tenant compte de cette conclusion, elle procède alors à l’analyse de la réclamation des demandeurs et à l’arbitrage de dommages eu égard à la preuve présentée et aux limites de la police d’assurance. Elle donne notamment droit à la réclamation de M. Bordeleau pour dommages à l’immeuble, dont le montant était admis. En outre, elle condamne l’Assureur à verser 15 000,00$ à titre de dommages-intérêts pour trouble et inconvénients vu le comportement de l’Assureur qu’elle considère fautif. Cette conclusion s’appuie sur le devoir de l’assureur d’agir de bonne foi, de tenir compte des faits puis d’agir en fonction de ceux-ci et de mener une enquête complète, devoir auquel l’Assureur a manqué en n’évaluant pas suffisamment les pistes pouvant permettre d’identifier le responsable de l’incendie. La négation de couverture nécessitait une preuve probante et claire, dépassant les soupçons, de l’implication de l’assuré, ce qui n’était pas le cas vu les témoignages parfois peu crédibles et parfois contradictoires des personnes rencontrées dans le cours de l’enquête. Autrement dit, l’expert en sinistres aurait tiré des conclusions hâtives. Enfin, compte tenu de ses conclusions, elle rejette la demande reconventionnelle de l’Assureur qu’elle considère non fondée, sans donner plus de motifs. En appel La Cour d’appel s’abstient d’abord d’intervenir eu égard aux conclusions de la Cour supérieure quant à l’absence de démonstration d’une implication de M. Bordeleau dans l’incendie. Elle intervient toutefois quant aux dommages octroyés à titre de troubles et inconvénients subis par les assurés en rappelant ce qui suit : [40] D’abord, outre le strict calcul mathématique des sommes payables, et peut-être d’autres éléments techniques qui ne requièrent pas l’exercice d’un jugement, le traitement d’une réclamation consiste en une obligation de moyens et non de résultat. Qu’un tribunal ait conclu au terme d’un procès tenu plusieurs années après le sinistre qu’un assureur aurait dû accepter de couvrir au départ ne signifie évidemment pas que ce dernier a nécessairement commis une faute distincte du refus de payer engageant sa responsabilité civile, encore moins qu’il a fait preuve de mauvaise foi. [41] En l’espèce, rien dans la preuve ne permettait de conclure à une telle faute ou à un manquement au devoir de bonne foi. [42] La preuve permet au contraire de conclure que l’enquête de l’appelante et de ses experts, qui a donné lieu au refus de couverture, n’a pas été bâclée. […] De l’avis de la Cour d’appel, la preuve révélait que l’enquête de l’Assureur avait été faite de manière « consciencieuse », notamment en transférant le dossier de réclamation à une unité spéciale d’enquête, en mandatant un expert en recherche d’origine et de cause d’incendie et des enquêteurs externes et en rencontrant plusieurs témoins ayant pu fournir de l’information sur les circonstances du sinistre. Elle ne recense d’ailleurs aucune allégation à l’effet que l’Assureur aurait omis de considérer des éléments de preuve disculpatoires à l’égard de son assuré. Dans ce contexte, bien qu’il ait fallu plusieurs années à l’assuré pour obtenir son dû, avec tous les inconvénients que cela puisse supposer, la conduite de l’Assureur ne pouvait être considérée comme fautive ou empreinte de mauvaise foi. Aucuns dommages-intérêts ne pouvaient être octroyés. Enfin, la Cour d’appel étudie plus amplement la question de la subrogation de l’Assureur dans les droits du créancier hypothécaire, peu commentée dans le jugement entrepris. Soulignant le principe fondamental de l’assurance de dommages selon lequel l’indemnisation d’un assuré ne saurait lui conférer un enrichissement, la Cour d’appel conclut que le rejet de la demande reconventionnelle de l’Assureur aurait un tel effet. M. Bordeleau, en plus de recevoir une indemnité d’assurance pour les dommages subis, aurait également vu sa dette hypothécaire affranchie. Cette situation lui aurait conféré un net avantage. Il devait alors y avoir déduction de l’indemnité versée au créancier hypothécaire des dommages réclamés par l’assuré. Les conclusions de première instance sont donc révisées en conséquence. Conclusion Malgré les principes clairs discutés dans le cadre de cette affaire, l’analyse de la Cour d’appel permet de relever des difficultés pratiques pouvant être rencontrées par les assurés et assureurs eu égard à des demandes de règlement de même nature. Elle rappelle la coexistence de deux éléments parfois difficiles à pondérer : d’une part le fardeau de preuve en cas de négation de couverture pour faute intentionnelle de l’assuré et d’autre part l’obligation de moyens de l’assureur eu égard au traitement de la demande de règlement. Le rejet d’une défense de couverture ne saurait de ce seul fait justifier l’octroi de dommages-intérêts. Société d’assurance Beneva inc. c. Bordeleau, 2024 QCCA 171

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  4. Quelques actions collectives à surveiller en 2024

    Le Québec est un terreau fertile pour les actions collectives : plus de 550 dossiers sont présentement actifs et il se dépose chaque année entre 50 et 100 nouvelles demandes d’autorisation. Si l’année 2023 a marqué le cinquième anniversaire de la « nouvelle » chambre des actions collectives, plusieurs dossiers sont à surveiller en 2024. En voici quelques-uns. Les opioïdes et l’État: Sanis c. Colombie-Britannique Est-ce que l’État peut être demandeur dans le cadre d’une action collective? Peut-il être demandeur dans le cadre d’une action collective dans un autre État? Peut-il être membre d’une action collective dans un autre État? En 2018, la Colombie-Britannique adopte l’Opioid Damages and Health Care Costs Recovery Act1 [ORA], qui permet au gouvernement d’intenter une action collective relativement aux « méfaits liés aux opioïdes ». L’ORA s’inscrit dans le sillage de la loi visant les « méfaits liés au tabac »2 dont la Cour suprême avait confirmé la constitutionnalité treize ans plus tôt3. La particularité de l’ORA, c’est qu’elle permet non seulement à la Colombie-Britannique d’instituer une telle action en son nom, mais qu’elle lui permet aussi de le faire « au nom d’un groupe composé d’un ou de plusieurs gouvernements du Canada et des provinces ou territoires du Canada », à condition qu’elle ait elle-même entamé des procédures collectives4. C’est la constitutionnalité de cette disposition que conteste Sanis, sans succès en première instance5, ni appel6. Si la Cour d’appel a confirmé la validité de la disposition, elle l’a néanmoins qualifiée de « mesure audacieuse, voire expérimentale, visant à rapprocher le plus possible les actions collectives menées par le gouvernement des procédures véritablement “nationales” au sein de la structure fédérale du Canada »7. L’ORA a fait des petits, pour ainsi dire, chacune des provinces canadiennes adoptant une loi semblable8. Dans ce contexte, c’est sans grande surprise que la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’appel9. L’audience est prévue pour 2024. En parallèle, au Québec, les parties sont dans l’attente d’un jugement sur la demande d’autorisation d’exercer une action collective contre plusieurs compagnies pharmaceutiques10 relativement à la fabrication, à la mise en marché, à la distribution et à la vente d’opioïdes. Dans cette affaire, le demandeur cherche à représenter toutes les personnes au Québec souffrant, ou ayant souffert, d'un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes sur ordonnance fabriqués, commercialisés, distribués et/ou vendus par les défenderesses depuis 1996. Il est désormais acquis qu’une personne peut poursuivre dans une seule action plusieurs défendeurs à qui elle reproche une pratique illégale commune et ce, même si elle ne détient pas de cause d’action directe contre chacun, pourvu qu’elle soit autrement capable de représenter adéquatement les membres qui, eux, ont une telle cause d’action directe11. Le représentant proposé à cette demande d’autorisation sera-t-il en mesure d’assurer son rôle contre une vingtaine d’entreprises ayant commercialisé plus de 150 produits pendant plus d’un quart de siècle? De la compétence des autorités québécoises sur des défenderesses étrangères Des allégations suffisent-elles à asseoir la compétence des autorités québécoises sur des défenderesses étrangères distinctes de leurs filiales, elles, québécoises?12 Et le cas échéant, quelles doivent être les limites géographiques du groupe putatif? Dans l’affaire Bourgeois, le représentant proposé, résident du Québec, souhaite être autorisé à instituer une action collective contre plusieurs sociétés développant et commercialisant des jeux vidéo relativement au mécanisme de type « coffre à butin » qu’il prétend constituer une forme de jeu illégal. Les membres putatifs du groupe ne sont pas limités aux résidents du Québec. Par ailleurs, plusieurs des intimées sont des sociétés étrangères et certaines n’ont aucun établissement au Québec. Certaines ont présenté une exception déclinatoire, que le tribunal a rejetée. S’agit-il là d’un élargissement indu de la définition d’« établissement » au sens de l’article 3148 du Code civil du Québec? Y a-t-il des balises pour déterminer quand cette question doit être traitée? Les réponses sont en suspens puisque la Cour d’appel rendra jugement sur cette question dans les prochains mois, l’appel ayant été entendu le 2 février 2024. En 2023, la Cour d’appel du Québec avait fermé la porte à l’utilisation des principes directeurs de la procédure pour élargir la portée de sa compétence13. Plus tôt cette même année, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait estimé n’avoir pas compétence, faute de « lien substantiel et réel », sur une action collective relative à de fausses représentations faites à l’extérieur de son territoire14, et la Cour supérieure de l’Ontario avait emboîté le pas15. De toute évidence, l’action collective et le droit international privé continuent de croiser, sinon le fer, au moins leurs chemins. Plus de 10 ans après, une action collective suit toujours son cours16 La majorité des actions collectives se règlent avant d’arriver sur le fond. Rien de tel dans le dossier de la tragédie de Lac-Mégantic, où un jugement rendu sur la responsabilité de certaines défenderesses fait l’objet d’un appel. Le 6 juillet 2013 à 1 h 14, le déraillement d’un convoi de wagons-citernes provoque l’embrasement du centre-ville de Lac-Mégantic. Des images de l’accident ferroviaire font le tour de la planète. Une action collective est déposée le 15 juillet 2013. Autorisée le 8 juin 201517, elle est jointe à deux recours civils, l’un du Procureur général du Québec « pour l’ensemble des dommages subis par l’État québécois en raison de cette tragédie », évalué à plus de 231 millions de dollars, l’autre par un groupe d’assureurs18. Ces instances ont également été scindées afin de procéder d’abord sur la responsabilité des défenderesses, soit la Montreal, Maine & Atlantic [MMA] et le Canadien Pacific [CP]19. Le 14 décembre 2022, après un procès de soixante-trois jours étendus sur neuf mois, la Cour supérieure rejette la responsabilité du CP à l’égard du déraillement pour ne retenir que celle de MMA20. Des appels sont formés de part et d’autre en janvier 2023, suspendant la poursuite du dossier en première instance21. L’appel ayant été inscrit à l’automne 2023, une audience est à prévoir en 2024. Les avocats de la demande: entre le groupe et le représentant22? Les avocats du représentant sont-ils les avocats du groupe? Un jugement de première instance suggère de le considérer, si c’est dans l’intérêt du groupe. La Cour d’appel doit se pencher sur la question. La Cour d’appel pourrait être appelée à se prononcer sur ce point de discorde périodique entre les avocats qui agissent surtout en demande et ceux qui agissent surtout en défense : les avocats de la demande ont-ils un lien direct avec les membres du groupe, ou leur lien juridique dépend-il du lien qu’ils ont avec le représentant? Le dossier a pour trame de fond le droit du travail dans les ligues de hockey junior majeur canadiennes. Vers 2020, les parties à trois actions collectives autorisées, une en Alberta, une en Ontario et une au Québec23, conviennent d’une entente de règlement qui comporte une quittance. La portée de cette quittance sera la pierre d’achoppement : les trois tribunaux saisis refusent d’approuver la transaction et renvoient les parties à la table à dessin24. Une nouvelle quittance à la même entente intervient en 2023. Elle est signée par les deux représentants du groupe québécois, Lukas Walter et Thomas Gobeil, les 9 mai et 5 juin 2023. Une date est alors fixée pour l’approbation. Coup de théâtre le 14 juin 2023, Walter et Gobeil indiquent à leurs avocats s’opposer désormais à la transaction modifiée. Des avis de révocation de mandat seront transmis quelques jours avant la date prévue pour l’audience. Les avocats jusque-là au dossier, « soulevant la sauvegarde des intérêts des membres du groupe […] demandent […] au Tribunal de rejeter les avis de révocation »25. Le texte de l’article 576 du Cpc est sans équivoque : c’est le tribunal qui désigne le représentant. La jurisprudence indique également clairement que c’est le représentant qui donne un mandat à son avocat et non l’inverse26. Le représentant bénéficiant, comme tout autre justiciable, du droit à l’avocat de son choix, il était en principe loisible à Walter et à Gobeil de révoquer le mandat de leurs avocats, malgré la participation de ceux-ci depuis le début du dossier. L’affaire se complique lorsque l’on considère, explique la juge de première instance, l’intérêt des membres du groupe. « Qui donc agira au dossier et afin de représenter qui? », écrit-elle27. Ménageant la chèvre et le chou, peut-être, elle constate la révocation des mandats, mais confirme que ces avocats continuent à représenter le groupe et qu’ils « doivent poursuivre leur devoir de représentation du groupe et présenter, pour fins d’approbation, les termes de l’entente de règlement telle que modifiée »28. Autrement dit, elle considère qu’il existe un lien direct entre les avocats de la demande et le groupe. L’affaire, il va sans dire, a été portée en appel. La permission a été entendue le 29 février 2024. Prix supérieur au prix annoncé : quel préjudice? Quel fardeau est imposé aux demandeurs qui souhaitent intenter une action en vertu de l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur,qui prohibe la pratique dite des « frais cachés » ou l’affichage du prix partiel (« drip pricing »)? Un jugement de première instance précise que la simple constatation d’une pratique interdite ne suffit pas à prouver un préjudice. La Cour d’appel se penchera pour la première fois, de jurisprudence rapportée, sur un jugement rendu au fond traitant de l’application de l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur. Dans cette affaire, l’Union des consommateurs reproche à Air Canada de ne pas avoir indiqué, lors de la première étape du processus de navigation pour l’achat de titres de transport en ligne, le montant des taxes, frais, charges et surcharges inclus dans le prix final exigé, ce qui constituerait une contravention de la législation en vigueur. L’Union des consommateurs demande une réduction du prix payé par les membres du groupe, correspondant à la somme de ces « frais cachés », ainsi que des dommages punitifs totalisant 10 millions de dollars. La Cour supérieure a conclu qu’Air Canada avait annoncé un prix inférieur à celui ultimement exigé des membres du groupe. Cette conclusion quant à la faute ne relevait toutefois pas le demandeur de l’obligation de démontrer l’existence d’un préjudice. Or, Air Canada ayant démontré que des avertissements clairement visibles indiquaient que les prix annoncés ne comprenaient pas tous les frais exigés, la Cour a conclu que la pratique interdite n’était pas « susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la formation, à la modification ou à l’exécution du contrat de consommation »29. Le préjudice n’étant pas démontré, aucune réparation n’a été accordée. Quant aux dommages punitifs, la preuve ne démontrait pas non plus qu’Air Canada s’était livrée à une « conduite marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse ». De plus, Air Canada avait cessé la pratique litigieuse avant que l’action en justice ne soit autorisée. L’appel a été interjeté le 28 décembre 2022 et devrait être entendu cette année. L’arrêt à intervenir aura des répercussions importantes sur plusieurs actions collectives en cours fondées sur l’article 224 c) de la Lpc. L’arrêt apportera certainement un éclairage intéressant quant à la preuve de préjudice requise et à l’impact réel de la pratique interdite sur les décisions d’achat des consommateurs. Dévalorisation des permis de taxi La Cour supérieure va-t-elle conclure qu’en adoptant la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile30, le gouvernement du Québec a exproprié les propriétaires de taxis sans verser une compensation juste et raisonnable? La Cour supérieure entendra, du 1er au 24 avril 2024, une action collective portant sur la baisse des revenus dans l’industrie du taxi, attribuée à l’arrivée d’Uber, une plateforme de transport en ligne qui a transformé le paysage des déplacements urbains en mettant en relation les utilisateurs avec des chauffeurs indépendants via une application mobile. Le recours a été autorisé en 201831. Le représentant, titulaire d’un permis de taxi, représente un groupe de chauffeurs et de propriétaires de taxi. Il allègue que ses pertes de revenus et la dépréciation de la valeur des permis ont été causées par l’autorisation accordée par le législateur aux activités d’Uber. Il soutient que l’exemption que la loi en cause donne à Uber relativement aux frais de permis de taxi et le non-encadrement des tarifs de course pour ses chauffeurs ont permis à Uber d’exiger des tarifs nettement inférieurs à ceux des opérateurs de taxi soumis à la réglementation. Dans cette affaire, il sera intéressant de voir si les fondements du droit d’expropriation, qui établissent qu’aucune expropriation ne peut avoir lieu sans compensation en matière de droit de propriété, seront appliqués par la Cour supérieure sur une base collective. Des honoraires conditionnels à la participation des membres? La Cour peut-elle subordonner le plein paiement des honoraires des avocats de la demande à l’atteinte d’un taux de participation des membres du groupe, alors même qu’elle a déjà retenu que les honoraires convenus dans l’entente de règlement étaient raisonnables? Après l’autorisation d’une action collective relativement à l’utilisation fausse ou trompeuse du mot « champagne » par une compagnie aérienne qui servait plutôt un vin mousseux sans appellation contrôlée32, les parties ont convenu d’un règlement octroyant aux membres du groupe le bénéfice d’un rabais de 7% sur leur prochain achat, à être effectué dans les trois prochaines années, sans aucune restriction. Le règlement prévoyait également le paiement de 1 500 000 $ aux avocats du demandeur, le remboursement des frais d’expertise et une enveloppe d’au plus 20 000 $ pour maximiser la visibilité du règlement sur les médias sociaux, sans incidence sur la compensation de 7% offerte aux membres. Le jugement approuvant le règlement autorise le paiement immédiat de 751 450 $ d’honoraires extrajudiciaires aux avocats de la demande, mais conditionne le versement du solde à l’atteinte d’un taux de participation de 50% des membres, soit 469 398 réclamations33. Le demandeur porte cette décision en appel, et obtient la permission de le faire34. En parallèle, il demande la rétractation, la rectification et la clarification du jugement, notamment au motif que l’article 593 du Cpc ne permet pas de subordonner le paiement définitif des honoraires à l’atteinte d’un taux de recouvrement, et que le taux de 50% est excessif. Cette demande n’est accueillie qu’au deuxième motif, et le taux de participation de 50% est réduit à 10%, soit 93 880 réclamations35. Le demandeur interjette appel de cette seconde décision. Le jugement qui lui accorde la permission de le faire joint les deux appels36. Les mémoires devraient être déposés au courant de l’année 2024. Quelques décisions déjà ont suggéré qu’une corrélation était nécessaire entre les honoraires des avocats de la demande et la participation des membres au bénéfice négocié pour eux37. L’arrêt de la Cour d’appel à intervenir aura certainement des incidences importantes sur les futurs règlements et apportera un éclairage intéressant quant au pouvoir discrétionnaire des juges de première instance d’imposer des conditions relatives aux honoraires des avocats de la demande. Écoblanchiment : l’action collective au service de l’environnement? L’action collective contre les fausses représentations concernant les sacs « recyclables » sera-t-elle autorisée par la Cour supérieure38? Le droit de la consommation est-il une porte d’entrée pour demander aux tribunaux de répondre à des préoccupations environnementales? Depuis quelques années, plusieurs entreprises ont adopté des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (mieux connues sous l’acronyme « ESG »), soit des critères de performance dans ces domaines. Cependant, certains observateurs remettent en question la sincérité de ces actions, les considérant parfois comme des stratégies de relations publiques plutôt que de véritables efforts pour réduire leur empreinte environnementale ou améliorer leur impact social. Dans ce contexte, il sera intéressant de suivre l’évolution d’une action collective portant sur des allégations trompeuses concernant des sacs présentés par plusieurs grandes surfaces comme étant « recyclables », alors qu’ils ne seraient en réalité que réutilisables puisque mis au rebut par les centres de tri au Québec. L’autorisation de cette action collective, qui n’a pas encore eu lieu, pourrait ouvrir la voie à de nouvelles actions similaires. Les entreprises qui ont adopté des pratiques ESG et qui mettent de l’avant leur engagement devraient prêter une attention particulière à l’issue de ce dossier. SBC 2018, c 35. Tobacco Damages and Health Care Costs Recovery Act, SBC 2000, c. 30. Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada ltée, 2005 CSC 49. Sandoz Canada Inc. v. British Columbia, 2023 BCCA 306, par. 2. British Columbia v. Apotex Inc., 2022 BCSC 2147. Sandoz Canada Inc. v. British Columbia, 2023 BCCA 306. Sandoz Canada Inc. v. British Columbia, 2023 BCCA 306, par. 3. Le Québec est le dernier à avoir adopté la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés aux opioïdes, LQ 2023, c 25, qui a été sanctionnée et est entrée en vigueur le 2 novembre 2023. Sanis Health Inc. v. Colombie-Britannique, CSC No. 40864 (9 novembre 2023). Des trente-quatre défenderesses d’origine, un certain nombre ont convenu d’un règlement amiable. Le cabinet Lavery, de Billy représente l’une des défenderesses ayant réglé. Banque de Montréal c. Marcotte,2014 CSC 55, par. 43. Bourgeois c. Electronics Arts Inc., 2023 QCCS 1011, permission accordée: Electronics Arts Inc. c. Bourgeois, 2023 QCCA 826, j. unique. Otsuka Pharmaceutical Company Limited c. Pohoresky, 2022 QCCA 1230, autorisation de pourvoi refusée : CSC no 40452 (25 mai 2023). Hershey Company v. Leaf, 2023 BCCA 264. Gebien v. Apotex Inc.., 2023 ONSC 6792. Le cabinet Lavery, de Billy a représenté un des défendeurs entre 2013 et 2016. Ouellet c. Rail World inc., 2015 QCCS 2002, modifiée par Ouellet c. Canadian Pacific Railway Company, 2016 QCCS 5087. Ouellet c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2017 QCCS 5674. Deux autres dossiers civils ont été suspendus dans le sillage de ces trois dossiers, l’un par le même jugement, l’autre par 9020-1468 Québec inc. c. Canadian Pacific Railway Company, 2019 QCCS 366. Ouellet c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2017 QCCS 5674. Ouellet c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2022 QCCS 4643. Ce n’est que depuis le 30 juin 2023 que l’article 211 du Cpc interdit que soit immédiatement porté en appel le jugement rendu dans une instance scindée qui n’y met pas fin; il n’y avait donc pas lieu de s’interroger sur les conséquences d’une éventuelle chose jugée asymétrique dans le cas d’un jugement ne mettant que partiellement fin à une telle instance. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655. Walter v. Western Hockey league, 2017 ABQB 382; Berg v. Canadian Hockey League, 2017 ONSC 2608 et Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2019 QCCS 2334. Walter c. Western Hockey League, 2020 ABQB 631; Berg c. Canadian Hockey League, 2020 ONSC 6389 et Walter c. Ligue de hockey junior majeur du Québec Inc. 2020 QCCS 3724. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655, par. 13. Deraspe c. Zinc électrolytique du Canada ltée, 2018 QCCA 256, par. 38 et s. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655, par. 23. Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2023 QCCS 3655, par. 24. Union des consommateurs c. Air Canada, 2022 QCCS 4254, par. 113, citant Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, par. 125. Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile, RLRQ c T-11.2. Metellus c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 4626. Macduff c. Vacances Sunwing inc., 2018 QCCS 1510. MacDuff c. Vacances Sunwing inc., 2023 QCCS 343. MacDuff c. Vacances Sunwing inc.,2023 QCCA 476, j. unique. MacDuff c. Vacances Sunwing inc., 2023 QCCS 4125. MacDuff c. Vacances Sunwing inc., 2024 QCCA 61, j. unique. P. ex., Daunais c. Honda Canada inc., 2022 QCCS 2485, par. 132-133. Cohen c. Dollarama et al., CS 500-06-001200-225.

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  1. Cinq nouveaux membres rejoignent les rangs de Lavery

    Lavery est ravi d'accueillir Julien Ducharme, Jessyca Duval, Anyssa Lacoste, Chloé Béland etAnne-Sophie Paquet au sein de son équipe. Julien Ducharme – Avocat principal Julien Ducharme se joint à notre équipe en Droit des affaires le 3 septembre. Sa pratique est axée principalement sur les fusions et acquisitions, le droit des sociétés, le droit commercial et le financement d'entreprises. À ce titre, Julien représente et accompagne des petites et moyennes entreprises (PME), des sociétés multinationales et des investisseurs institutionnels dans le cadre de la réalisation d'opérations commerciales et de projets d'affaires d'envergures. « Avec une équipe composée d’individus tout autant chevronnés dans leurs domaines respectifs qu’habités de valeurs humaines et professionnelles essentielles à la création d’un environnement de travail stimulant et propice au dépassement de soi, mon retour chez Lavery après plusieurs années à l’international était une décision naturelle. Je me réjouis de pouvoir contribuer de façon concrète aux succès des entreprises œuvrant au Québec en étant leur partenaire d’affaires de confiance. » Jessyca Duval – Avocate principale Jessyca se joint à notre équipe de Droit du travail et de l'emploi ainsi qu'à notre groupe Litige. Dans le cadre de sa pratique, elle est appelée à conseiller des employeurs sur l'ensemble des aspects légaux reliés à la gestion des ressources humaines ainsi qu'en matière de lésions professionnelles, en plus de les représenter devant les différents tribunaux administratifs et de droit commun. « J'ai choisi de rejoindre l'équipe Lavery pour la passion et le dévouement de ses professionnels, dont les compétences reconnues et l'engagement rendent chaque collaboration non seulement enrichissante, mais aussi véritablement agréable. » Chloé Béland - Avocate Chloé est membre du groupe de droit du travail et de l'emploi. Elle conseille les employeurs dans le cadre de l'embauche et de la fin d'emploi d'employés, de l'élaboration et de la mise en œuvre de politiques liées à l'emploi, de harcèlement psychologique, des droits de la personne, de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que des normes du travail. « Pour moi, Lavery incarne non seulement l'innovation, l'expertise et l'excellence dans le domaine juridique, mais représente également un exemple de succès québécois. Lavery valorise profondément l'esprit d'équipe et de collaboration, qui sont des valeurs essentielles pour fournir des services juridiques de qualité et répondre aux attentes pointues des clients. De plus, la diversité des dossiers en droit du travail et de l'emploi a été un facteur déterminant dans ma décision de rejoindre Lavery. Cette variété me permettra non seulement de continuellement approfondir mes compétences, mais aussi de développer des solutions créatives face à des défis complexes, tout en favorisant une approche humaine. Finalement, ce qui m'a véritablement convaincue de joindre les rangs de Lavery, ce sont les avocats passionnés et inspirants que j'ai eu le plaisir de rencontrer. Leur approche humaine et chaleureuse résonne parfaitement avec mes valeurs. Les échanges que j'ai eus étaient empreints de convivialité, renforçant ma conviction que je me sentirais à ma place dans cette équipe. » Anyssa Lacoste - Avocate principale Anyssa est membre du groupe de droit du travail et de l'emploi. Elle accompagne et représente ses clients dans un large éventail d'expertise allant de la rédaction des contrats de travail, les recours administratifs, la mise en place de politique et règlement de travail ou encore la modification des conditions de travail. « J'ai décidé de me joindre à Lavery en raison de la réputation et de l'expertise du cabinet. Dès le début, j'ai senti que ce cabinet avait des valeurs que je recherchais chez un employeur. Je suis persuadée que Lavery contribuera à mon épanouissement tant sur le plan professionnel que personnel. » Anne-Sophie Paquet - Avocate Anne-Sophie Paquet rejoint notre groupe Droit des affaires et plus particulièrement l'équipe de droit fiscal du cabinet. Elle conseille et accompagne ses clients dans le cadre de la planification, de l'analyse et de la mise en œuvre de structures et de stratégies fiscales, notamment dans le contexte de transactions commerciales. « J'ai choisi de rejoindre Lavery en raison de l'excellence de son équipe et parce que je recherchais un environnement de travail dynamique encourageant la collaboration. Intégrer le cabinet est pour moi l'occasion d'accompagner une clientèle diversifiée dans la réalisation de ses objectifs. »

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  2. Lavery annonce l’arrivée de Paul Martel, une sommité en droit des sociétés

    Reconnu pour sa capacité à formuler des solutions pragmatiques et innovantes aux problèmes juridiques les plus complexes en droit des sociétés, Me Martel a été professeur de droit pendant plus de 25 ans et collaborateur dans la plupart des grandes revues de droit des sociétés, dont la Revue du Barreau du Québec. « Je suis très heureux et enthousiaste d'entamer le cinquième chapitre de ma carrière professionnelle chez Lavery, un cabinet que j'estime beaucoup. Je compte autant mettre à contribution mon expertise au bénéfice des clients du cabinet que de participer à consolider l’offre de service multidisciplinaire pour laquelle Lavery est reconnu dans le marché juridique et des affaires. », a affirmé Paul Martel, associé chez Lavery. Son influence en tant qu'expert en droit des sociétés, professeur, conférencier et auteur fait de lui un consultant régulier auprès des autorités gouvernementales entreprenant des réformes législatives majeures, telles que le Code civil du Québec, la Loi sur les compagnies du Québec et la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou encore la Loi sur la publicité légale des entreprises. Il a été retenu entre autres comme consultant-expert par le ministère des Finances du Québec pour la conception et la rédaction de la nouvelle Loi sur les sociétés par actions et par l'Agence du Revenu du Québec pour la mise à jour du registre des entreprises du Québec. « Auteur de plusieurs ouvrages juridiques faisant autorité en droit des sociétés, sa feuille de route incomparable et sa profondeur d’expertise reconnue dans le marché juridique et d’affaires au Québec, au Canada et aux États-Unis viendront consolider la qualité des services de Lavery dans ce secteur de pratique. Il sera certainement d’une grande inspiration pour toute notre équipe et son intégration au cabinet aura un impact significatif pour nos équipes alors qu’il travaillera en appui à notre groupe en Droit des affaires », a conclu René Branchaud, chef de pratique du groupe Droit des affaires chez Lavery.

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  3. Le leadership de Lavery en matière de cautionnement est reconnu par la Cour d’appel

    Dans un arrêt phare, la Cour confirme la portée de la convention d’indemnisation et de sûretés en matière de cautionnement dont notre cabinet a participé à l’élaboration dans la décision Gestion ITR inc. c. Intact Compagnie d'assurance. La réputation de Lavery en matière de cautionnement de construction n’est plus à faire. Depuis des décennies, Lavery est un leader en la matière. Sous la direction de notre associé Nicolas Gagnon, notre cabinet accompagne l’industrie, non seulement dans des affaires litigieuses, mais dans ses orientations profondes. D’ailleurs, il y a plus de 30 ans, notre cabinet chapeautait la rédaction du texte d’une convention d’indemnisation et de sûretés entre une entreprise de construction et une société majeure de cautionnement, largement utilisée par l’industrie. La portée de cette entente vient d’être reconnue par la Cour d’appel du Québec qui a confirmé que les obligations des signataires de cette convention incluaient notamment le remboursement des pertes subies par la caution non seulement en vertu de cautionnements émis par la caution, mais également en vertu d’ententes conclues entre la caution et une autre caution ayant accepté de cautionner l’entreprise de construction. Ainsi les pertes subies par une caution procurée par la caution principale doivent être remboursées par les signataires de la convention d’indemnisation. Notre associé Nicolas Gagnon s’exprime ainsi : « Nous avions investi beaucoup d’efforts dans la rédaction de cette convention d’indemnisation, considérant sa grande importance pour l’industrie. C’est évidemment gratifiant de voir que le plus haut tribunal du Québec a suivi le fruit de notre réflexion et confirmé que la portée de l’outil de travail auquel nous avons collaboré s’étend aux scénarios que nous avions envisagés. » Lavery en profite pour souligner la compétence de ses collègues de l’industrie qui ont su défendre la convention d’indemnisation avec brio.

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