Une saga judiciaire vient de voir une autre bataille épique prendre fin. En effet, le 4 juin 2008, la Cour, composée du juge en chef du Québec, Michel Robert, ainsi que des juges Jacques Chamberland et Louis Rochette, rendait un jugement unanime. Comme toile de fond, une épidémie de salmonelle en Abitibi, des décès hâtés, des dizaines de personnes intoxiquées, trois fermes productrices... Soixante-douze (72) jours d’audience en Cour supérieure et quatre (4) jours en Cour d’appel ont été nécessaires, fait rarissime dans les deux cas. Plus exceptionnel encore, l’important dossier a fait naître un amendement législatif permettant au juge désigné en Cour supérieure, et nommé à la Cour d’appel pendant le procès, de le terminer.
Cet arrêt clé, qui met en relief les principes fondamentaux de la responsabilité du fabricant et du vendeur, applique le récent arrêt Domtar rendu par la Cour suprême du Canada en novembre 2007, statue de façon innovatrice qu’un producteur agricole doit être assimilé davantage à un fabricant qu’à un vendeur professionnel au sens du Code civil et est astreint aux mêmes obligations qu’un fabricant. Enfin, soulignons que la Cour consacre l’expression « la très forte présomption de connaissance du vice qui accable le fabricant » en l’utilisant à quelques reprises dans sa décision.
De plus, nous nous attardons quelque peu au système de production et de distribution des oeufs de consommation au Québec. Également, nous avons fait une analyse des points soulevés en première instance ainsi qu'en Cour d’appel.
En conclusion, ce jugement innove en appliquant clairement aux producteurs agricoles « sophistiqués » les mêmes très fortes présomptions que celles auxquelles les fabricants sont astreints (articles 1726 ss. C.c.Q.). De plus, on constate également que l’acharnement à réclamer des dommages punitifs même après des remarques du tribunal laissant planer peu de doutes quant aux chances de se les voir octroyer, peut entraîner la condamnation aux frais judiciaires, situation rare compte tenu des décisions de la Cour d’appel à cet égard.
Reste à savoir, advenant le dépôt d’une demande de pourvoi par l’une des parties en cause, si la Cour suprême du Canada acceptera de trancher le débat : la poule avant l’oeuf, ou l’inverse...