Le 24 février dernier, le projet de loi no 14 intitulé Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail (ci-après, la « Loi ») a été sanctionné. L’objectif de cette Loi est d’assurer une meilleure protection des personnes qui réalisent un stage en milieu de travail. C’est pourquoi on y retrouve plusieurs dispositions similaires à celles prévues à la Loi sur les normes du travail1(ci-après la « LNT »).
Tout d’abord, cette Loi vise les stages nécessaires pour l’obtention d’un permis d’exercice délivré par un ordre professionnel ou dans le cadre d’un programme d’études ou de formation offert par un établissement d’enseignement et qui mène à l’obtention d’un diplôme, d’un certificat ou d’une attestation d’études2.
La protection des stagiaires s’applique que le stage soit rémunéré ou non et peu importe l’endroit où est effectué le stage en milieu de travail, dans la mesure où la résidence, le domicile, l’entreprise, le siège ou le bureau de l’employeur est situé au Québec, ainsi que pour les stagiaires domiciliés ou résidant au Québec qui effectuent un stage hors Québec auprès d’un employeur3.
LES OBLIGATIONS POUR L’EMPLOYEUR
L’employeur, l’établissement d’enseignement et l’ordre professionnel doivent informer tout stagiaire des droits prévus à la Loi, permettre au stagiaire de s’absenter pour les divers motifs prévus à la Loi et s’assurer que la réussite des études ou de la formation, ou que l’obtention du permis d’exercice ne soit pas compromise en raison de l’exercice d’un droit prévu à la Loi4.
Le législateur a expressément prévu que les dispositions de la Loi sont d’ordre public et que toute disposition d'une convention ou d'un décret qui y dérogerait est nulle de nullité absolue5. Cependant, tout comme c’est le cas avec la LNT, il est possible d’accorder à un stagiaire une condition de réalisation de stage plus avantageuse que celles prévues à la Loi.
PROTECTIONS CONFÉRÉES AUX STAGIAIRES
Conformément aux dispositions déjà prévues à la LNT, la Loi élargit la protection offerte aux stagiaires, eu égard aux jours fériés, aux absences et au harcèlement psychologique.
- Jours fériés :
Un stagiaire pourra s’absenter de son stage aux dates suivantes6 :
- le 1er janvier;
- le Vendredi saint ou le lundi de Pâques (au choix de l’employeur);
- le lundi qui précède le 25 mai;
- le 24 juin;
- le 1er juillet (si cette date tombe un dimanche, le 2 juillet);
- le premier lundi de septembre;
- le deuxième lundi d’octobre; et
- le 25 décembre.
Toutefois, s’il est tenu de participer à son stage durant l’une ou l’autre de ces journées, il aura droit à un congé compensatoire d’une journée à être pris durant la période de son stage auprès de ce même employeur. Des dispositions particulières sont prévues en ce qui concerne le jour férié du 24 juin7.
- Absences pour cause de maladie ou pour raisons familiales ou parentales :
Un stagiaire pourra s’absenter de son stage :
- dix (10) journées par année pour cause de maladie, pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint ou en raison de l’état de santé d’un parent ou d’une personne pour laquelle le stagiaire agit comme proche aidant8;
- une (1) ou cinq (5) journées à l’occasion du décès ou des funérailles d’un proche, la durée de l’absence étant déterminée en fonction du lien de parenté9;
- une (1) journée le jour de son mariage ou de son union civile, ou de celui ou celle de l’un des membres de sa famille énumérés10;
- cinq (5) journées à l’occasion de la naissance ou de l’adoption de son enfant, ou lorsque survient une interruption de grossesse à compter de la vingtième (20e) semaine de grossesse11; et
- dans le cas d’une stagiaire, pour un examen médical relié à sa grossesse12.
- Harcèlement psychologique :
La Loi prévoit que tout stagiaire a droit à un milieu de stage exempt de harcèlement psychologique.
L’employeur et, selon le cas, l’établissement d’enseignement ou l’ordre professionnel doivent prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à leur connaissance, pour protéger le stagiaire et la faire cesser.
La politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes doit être rendue disponible au stagiaire et s’appliquera désormais à lui, avec les adaptations nécessaires13.
RECOURS
La Commission des normes, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « CNESST ») est désignée afin de surveiller la mise en œuvre et l’application des conditions de réalisation des stages prévues à la Loi14.
- Pratique interdite :
L’employeur et, selon le cas, l’établissement d’enseignement ou l’ordre professionnel, ainsi que leurs agents, ne peuvent mettre fin à un stage, congédier, suspendre ou déplacer un stagiaire, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles, ou lui imposer toute autre sanction qui découle de l’exercice par le stagiaire d’un droit prévu à la Loi ou de certains motifs prévus à l’article 122 de la LNT15.
Un stagiaire qui croit avoir été victime d’une pratique interdite peut déposer une plainte auprès de la CNESST dans les quarante-cinq (45) jours de la pratique. Un organisme sans but lucratif de défense des droits des étudiants ou une association ou un regroupement d’associations d’élèves ou d’étudiants pourrait également déposer une plainte à la CNESST pour le compte d’un stagiaire qui y consent16.
S’il est établi à la satisfaction du Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT ») que le stagiaire a exercé un droit qui lui résulte de la Loi, il y a présomption simple en sa faveur que la sanction ou la mesure lui a été imposée à cause de l’exercice de ce droit. Dans ce cas, il revient alors à l’employeur, à l’établissement d’enseignement ou à l’ordre professionnel de prouver que la sanction ou la mesure a été prise pour une autre cause juste et suffisante17.
- Harcèlement psychologique :
Un stagiaire ou, selon le cas, un organisme sans but lucratif de défense des droits des étudiants ou une association ou un regroupement d’associations d’élèves ou d’étudiants, peut déposer une plainte à la CNESST si le stagiaire croit avoir été victime de harcèlement psychologique. Cette plainte doit être déposée dans les deux (2) ans de la dernière manifestation de la conduite.
Toutefois, le stagiaire ne peut déposer une plainte à la CNESST s’il est un salarié visé par une convention collective, dans la mesure où un recours en cas de harcèlement psychologique y est prévu18.
Si le TAT en vient à la conclusion que le stagiaire a été victime d’une pratique interdite ou de harcèlement psychologique, il peut notamment ordonner la réintégration de ce dernier dans son stage avec tous ses droits et privilèges, la mise en place de mesures d’accommodement, ou toute autre mesure visant à sauvegarder les droits du stagiaire, telle une ordonnance provisoire19.
SANCTIONS PÉNALES
Quiconque contrevient à la Loi, notamment en octroyant une condition de réalisation de stage inférieure à celles qui y sont prévues, est passible d’une amende de 600 $ à 1 200 $ et, en cas de récidive, de 1 200 $ à 6 000 $20.
Les membres de l’équipe Droit du travail et de l’Emploi demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questionnements.
- RLRQ, c. N-1.1.
- Art. 1.
- Art. 1.
- Art. 4.
- Art. 6.
- Art. 9 et 10.
- Art. 10 : Selon le cas, il pourrait plutôt avoir le droit de s’absenter le 25 juin ou le droit à un congé compensatoire d’une journée à être pris, soit le jour ouvrable précédant ou suivant le 24 juin, soit durant la période de son stage auprès de ce même employeur.
- Art. 11.
- Art. 12 et 13.
- Art. 14.
- Art. 15.
- Art. 17.
- Art. 19.
- Art. 7.
- Art. 20.
- Art. 21.
- Art. 25.
- Art. 26.
- Art. 30.
- Art. 32.