L’auto-assurance, possible dans le respect de la Loi sur les assureurs

Introduction

De multiples offres en assurances sont à disposition sur le marché pour protéger ses biens au Québec. Mais connaissez-vous bien toutes vos options?

En 2016, nous vous entretenions sur l’assurance de pair-à-pair, qui est essentiellement une communauté d’utilisateurs ayant comme objectif d’assurer ensemble des biens semblables1.

Or, en novembre 2021, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision intéressante 2 cette fois-ci sur l’auto-assurance, dans un contexte d’assurance offerte par deux associations étudiantes. Cette forme d’assurance propose qu’une première tranche d’indemnisation soit supportée par l’assuré, qui ne peut alors pas transférer cette partie du risque vers un tiers.

La décision de la Cour supérieure du Québec

Les faits

L’Association générale des étudiants du campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’Association des étudiants hors campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (ci-après, les « Associations ») offrent une assurance santé complémentaire et dentaire à leurs 14 000 étudiants membres depuis 2014. Elles qualifient ce régime d’auto-assurance et le régime est géré à l’aide d’un assureur, Groupe Major inc.

Or, l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») s’adresse au tribunal par le moyen d’une demande en ordonnance d’injonction permanente afin que Groupe Major inc. et les Associations cessent leurs activités d’assurance. Elle soutient que les Associations agissent à titre d’assureur et qu’elles ne le peuvent pas sans son autorisation, comme cela est prévu à l’article 21 de la Loi sur les assureurs (« LA »)3. Au terme de la LA, l’autorisation de l’AMF est nécessaire à l’exercice de l’activité d’assureur dès lors qu’elle constitue l’exploitation d’une entreprise, et ce, sans égard aux autres activités que peut exercer l’exploitant. L’AMF prétend également que les Associations ne pratiquent pas de l’auto-assurance.

Les Associations soutiennent qu’elles n’agissent pas à titre d’assureur, mais qu’elles pratiquent l’auto-assurance. De plus, elles argumentent que l’article 21 LA ne peut pas s’appliquer à leurs activités puisqu’elles sont des organismes sans but lucratif et donc qu’elles ne peuvent pas exploiter une entreprise au sens de la loi.

Les motifs de la Cour

La Cour définit la notion de contrat d’auto-assurance en droit québécois : l’assuré décide de ne pas souscrire de contrat d’assurance pour une partie ou la totalité du risque, décidant plutôt d’en assumer lui-même les conséquences financières, donc sans transfert de risques vers un tiers. Le tribunal détermine que les Associations sont les preneurs et les étudiants membres sont les assurés. En ce sens, il ne peut s’agir d’un contrat d’auto-assurance puisque le risque des étudiants membres est transféré aux Associations qui acceptent de l’assurer en contrepartie du versement d’une prime.

Ensuite, la Cour conclut que l’assurance santé complémentaire et dentaire offerte par les Associations constitue une activité d’assureur dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise, conformément à l’article 21 LA. Même si les Associations sont des organismes à but non lucratif, elles peuvent exploiter une entreprise et l’application de l’article 21 LA ne requiert pas une analyse de la nature de l’organisme dans sa globalité. Les ententes intervenues entre les associations étudiantes et Groupe Major inc. visaient un objectif économique préétabli, soit de bénéficier des profits qu’aurait normalement réalisés un assureur. Les Associations offrent ce produit depuis près de sept ans, donc il ne s’agit pas d’une activité épisodique ou occasionnelle.

Conclusion

La Cour supérieure du Québec a accueilli la demande en injonction permanente de l’AMF contre les Associations. Elle ordonne aux Associations de cesser, dans les trois (3) mois suivant le jugement, toute activité d’assurance visée à la LA et au Groupe Major inc., de cesser d’agir à titre de tierce partie administratrice à l’égard de tout régime d’auto-assurance mis en place par les Associations.

***

L’auto-assurance peut permettre à un assuré d’économiser sur sa prime d’assurance, en offrant une protection sur « l’essentiel » d’une réclamation à un moindre coût. Cependant, elle doit être pratiquée dans le respect de la loi.


  1. L’assurance « pair à pair » : un retour aux sources… révolutionnaire ? (lavery.ca).
  2. Association générale des étudiants hors campus de l'Université du Québec à Trois-Rivières (AGÉHCUQTR) c. Autorité des marchés financiers, 2021 QCCS 5090.
  3. Loi sur les assureurs, RLRQ c A-32.1.
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