Sous la plume du juge Mark Schrager, la Cour d’appel a rendu le 6 avril dernier une décision d’intérêt : l’affaire Banque de Nouvelle-Écosse c. Davidovit (2021 QCCA 551).
La Banque de Nouvelle-Écosse (la « Banque ») avait accordé un prêt commercial pour l’exploitation d’un centre de conditionnement physique à une société dont Aaron Davidovit (« Davidovit » ou la « Caution ») était dirigeant. En vertu d’une clause contenue dans le cautionnement personnel signé par Davidovit, ce dernier devait rembourser tous les frais et dépenses engagés par la Banque pour recouvrer les sommes lui étant dues par la débitrice principale ou par la Caution, incluant et sans s’y limiter, les frais de justice sur une base avocat/client (la « Clause »).
La Banque réclamait de Davidovit 31 145,22 $ en honoraires extrajudiciaires et frais de justice engendrés, alors que le montant réclamé à la Caution en capital et intérêts s’élevait à 35 004,49 $.
Décision de première instance
Le juge de première instance, l’honorable Frédéric Bachand, conclut que le contrat de cautionnement est un contrat d’adhésion au sens de l’article 1379 du Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») et adhère aux arguments avancés par Davidovit voulant que la Clause soit invalide puisqu’elle désavantage l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi, le tout en violation de l’article 1437 C.c.Q. Le juge Bachand souligne deux problèmes principaux à la Clause : (i) elle est unilatérale par nature et avantage de manière disproportionnée la Banque alors que la Caution ne bénéficie pas d’un tel avantage; (ii) elle peut avoir une incidence négative sur l’accès à la justice puisqu’elle tend à dissuader la Caution (qui se trouve déjà dans une situation de vulnérabilité face à son adversaire) de contester la réclamation de la Banque et la Clause ne contribue guère à promouvoir l’état de droit.
Décision en appel
La Cour d’appel infirme le jugement du juge Bachand sur l’invalidité de la Clause, mais confirme la condamnation personnelle de Davidovit à titre de Caution.
Premièrement, la Cour d’appel souligne qu’une clause unilatérale n’est pas en soi abusive. L’ensemble des obligations d’un emprunteur en vertu d’un contrat de prêt ou les obligations d’une caution en vertu d’un contrat de cautionnement sont unilatérales, mais ce fait n’est pas déterminant à l’égard du caractère abusif d’une clause. La logique appliquée par le juge de première instance aurait pour effet d’en arriver à la conclusion que le remboursement du solde dû au terme du prêt est abusif, car unilatéral.
Deuxièmement, le désavantage supporté par une partie ne permet pas non plus de conclure qu’une clause est abusive. Par ailleurs, l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec soulevé par le juge Bachand traitant de l’égalité des chances dans le cadre d’un processus judiciaire ne s’applique pas en l’instance, malgré le fait qu’une banque puisse sembler avoir plus de moyens pour entamer des recours judiciaires qu’une caution.
Troisièmement, ce n’est pas parce que la loi prévoit une sanction monétaire telle que le paiement des frais de justice ou d’autres dommages (par exemple, via les articles 54 ou 342 du Code de procédure civile) pour une situation d’abus (par exemple, une défense frivole d’une caution), que les parties ne peuvent pas prévoir ce paiement de manière consensuelle par contrat. Au contraire, pour les juges de la Cour d’appel, une clause de remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires permet de poursuivre des demandes légitimes devant les tribunaux contre des débiteurs principaux et des cautions qui refusent de s’exécuter.
Le juge Schrager se permet également de commenter la conclusion du juge de première instance sur la qualification du contrat de cautionnement de contrat d’adhésion. Toutefois, considérant qu’aucune des deux parties ne remet en doute cette qualification, la Cour d’appel ne se prononce pas formellement sur cet aspect, mais rappelle toutefois que le simple fait que les termes d’un contrat figurent sur un formulaire préimprimé ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion, bien qu’un formulaire préimprimé puisse être une indication que les termes imposés ne sont pas négociables.
La raisonnabilité du montant réclamé en vertu de la Clause
Bien que valide, la Clause doit tout de même être soumise au contrôle des tribunaux afin de s’assurer que le montant réclamé à titre de frais et honoraires extrajudiciaires n’est pas abusif et est réclamé de bonne foi. Or, le remboursement des frais de justice de plus 31 000 $, alors que la réclamation principale s’élève à un peu plus de 35 000 $, n’est pas raisonnable et est disproportionné. Considérant 1) la complexité du dossier, 2) la valeur de la réclamation contre la Caution, 3) le fardeau de démontrer la raisonnabilité des frais incombant à la Banque, 4) que la réclamation en remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires doit être exercée de manière raisonnable et de bonne foi (conformément aux articles, 6, 7 et 1375 C.c.Q.), la Cour d’appel réduit la réclamation et l’établit arbitrairement à 12 000 $.
Conclusion
Les clauses de remboursement d’honoraires extrajudiciaires jouissent d’une certaine acceptabilité sociale, particulièrement dans la sphère commerciale. Même dans un contrat d’adhésion, elles ne sont pas nécessairement abusives et invalides, mais leur application est sujette au contrôle des tribunaux afin d’en assurer l’exécution raisonnable et de bonne foi.