Le guide Coronavirus pour les employeurs : comment choisir ses actions quotidiennes?

Les employeurs doivent revoir leur plan d’action au quotidien, pour favoriser la prévention, gérer les situations de contagion possibles ou avérées parmi leurs effectifs et assurer la continuation des affaires de l’entreprise. Deux éléments sont déterminants :

  • chaque jour, obtenir l’information juste des autorités compétentes (représentants de la santé publique et de nos gouvernements);
  • tenir compte de cette information dans le choix des moyens à prendre afin de respecter ses obligations envers ses employés, mais également de permettre la poursuite des activités.

Dans l’objectif désormais affirmé de limiter la propagation du Coronavirus, chacun se voit ainsi responsable de changer ses comportements suivant les circonstances et notamment, en milieu de travail, ce qui aura une incidence sur les responsabilités des employeurs.

Les nouvelles directives du Gouvernement du Québec

Le 12 mars 2020, le Gouvernement québécois a instauré un « mode d’urgence » et annoncé ce qui suit : 

  • toutes les personnes qui reviennent d’un pays étranger ou qui présentent des symptômes associés à la grippe ou au rhume doivent se placer en isolement volontaire pour 14 jours;
  • cet isolement est obligatoire et rémunéré pour tous les employés de la fonction publique et pour tout le personnel de la santé, de l’éducation et des services de garde, privés et publics, qui reviennent de l’étranger;
  • les organisations doivent annuler tous les rassemblements intérieurs de plus de 250 personnes ou qui ne sont pas nécessaires, pour les 30 prochains jours1.

Lors de sa conférence de presse, le premier ministre du Québec a invité les employeurs du secteur privé à comprendre la situation particulière dans laquelle la société se trouve et d’être compréhensifs envers leurs employés qui doivent s’absenter du travail2.

Par ces prises de position, visant notamment à instaurer un éloignement social pouvant restreindre la propagation du virus, les balises se sont renforcées et pourraient désormais servir de fondement aux demandes et aux exigences respectives des employeurs et de leurs employés, tout en tenant compte du contexte et des particularités propres à chaque organisation.

Les obligations de chacun en milieu de travail

À la base, un employeur doit prendre les mesures nécessaires afin de protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique de ses employés, des clients et du public. Chaque employé est tenu aux mêmes responsabilités, pour préserver sa santé ainsi que celle de ses collègues et des tiers qu’il est appelé à côtoyer dans le cadre ou à l’occasion du travail.

Suivant la Charte des droits et libertés de la personne, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le Code canadien du travail et des règles de base telles que celles prévues par le Code civil du Québec et voulant qu’on ne doive pas se comporter de façon à causer un préjudice accru à autrui, chaque personne doit agir en ce sens, pour ne pas nuire à sa santé et par le fait même, à celles de ses proches en milieu de travail.

Ces principes sont bien connus des gestionnaires en ressources humaines et constituent des fondements importants dans la détermination des orientations à prendre dans les milieux de travail.

Politiques et orientations aux employés

Afin d’encourager ses employés à contribuer au maintien d’un milieu de travail sain et exempt de risques de contamination, l’employeur devrait leur communiquer avec diligence sa volonté de suivre les directives gouvernementales. Ces orientations pourraient comprendre les actions suivantes :

  • annuler les rencontres ou autres événements au travail non essentielles et pouvant favoriser la propagation du virus;
  • rappeler à chaque employé son obligation de signaler toute situation pouvant exiger son isolement;
  • établir et communiquer les modalités existantes en cas d’isolement dans la mesure où le télétravail est impossible;
  • expliciter les démarches à suivre afin de planifier le télétravail et rappeler les règles applicables suivant les politiques existantes et les contrats de travail en ce qui a trait à la confidentialité des renseignements commerciaux ou personnels utilisés dans le cadre du travail;
  • communiquer un plan de contingence afin de définir notamment les personnes ressources et le mode de transmission des renseignements permettant aux employés de savoir comment accéder aux lieux de travail ou encore comment organiser leur travail en cas de confinement.

Voyages et activités professionnelles des employés

Comme employeur, une organisation peut annuler toute activité professionnelle pouvant raisonnablement constituer un risque pour la santé de ses employés, de ses clients ou du public.

En agissant ainsi, l’organisation modifie sa demande quant à la prestation de travail attendue.

Dans le contexte actuel et suivant les directives gouvernementales du 12 mars 2020, un employeur devrait :

  • interdire tout voyage professionnel, que ce soit dans les zones touchées ou non;
  • demander à ses effectifs de favoriser la tenue de rencontres jugées essentielles par visioconférence ou un autre moyen technologique;
  • prévoir que toute autre rencontre ou activité professionnelle dans ses bureaux ou un autre endroit se tienne de manière à réduire les risques de contagion (ex. : visioconférence, appel conférence, respect des mesures d’hygiène et distance raisonnable entre les personnes).

Isolement des employés diagnostiqués ou isolement à titre préventif

En raison des recommandations des autorités de santé publique et à la lumière des directives gouvernementales du 12 mars 2020 (précitées), un employeur devrait exiger un isolement de 14 jours pour tout employé revenant d’un voyage à l’étranger.

Si l’employé présente des symptômes avant la fin de la période d’isolement de 14 jours, il devrait communiquer avec les services mis en place par le ministère de la Santé (1-877-644-4545) et une infirmière pourrait alors le référer à une clinique désignée COVID-19 si elle l’estime nécessaire. Avant de permettre le retour au travail de cet employé, un employeur devrait s’informer du résultat de ces démarches et se satisfaire que l’employé ne présentera pas de risques pour ses collègues et la clientèle, ceci pouvant inclure la demande d’un certificat médical obtenu de la clinique désignée COVID-19 si l’employé y a été référé.

Dans le cas d’un voyage professionnel effectué à la demande de l’employeur avant les directives gouvernementales du 12 mars 2020, la période d’isolement devrait être rémunérée.

Si le voyage était personnel, le versement et la forme d’une rémunération pendant la période d’isolement peuvent dépendre de certains éléments :

  • moment de la décision de maintenir le départ : avant ou après le mot d’ordre du gouvernement québécois ou une politique explicite de l’employeur;
  • diagnostic positif ou négatif à la suite d’un dépistage;
  • capacité de fournir une prestation de travail en isolement.

Si un employé n’est pas en mesure de se présenter au travail (voyage dénoncé, autres motifs raisonnables de croire qu’il est susceptible d’être porteur ou test de dépistage positif pour lui-même ou un proche), son employeur devrait alors examiner les avenues possibles suivant les conditions de travail applicables pour cet employé :

  • congés payés ou autres modalités offertes suivant la Loi sur les normes du travail et les conditions de travail ou convention collective dans l’organisation, dont il faut ensuite convenir avec l’employé concerné et avec la collaboration du syndicat, le cas échéant3;
  • prestations d’assurances collectives pour invalidité;
  • relevé d’emploi pour maladie et prestations d’assurance emploi pour invalidité;
  • mise en quarantaine et prestations d’assurance emploi en raison du retrait du travail ainsi imposé4;
  • relevé d’emploi pour absence du travail et prestations d’assurance emploi pour proche aidant;
  • télétravail si les tâches de l’employé peuvent être effectuées à distance ou adaptées pour les faire de cette manière.

Refus de fournir sa prestation de travail

La Loi sur la santé et la sécurité du travail permet à un employé de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger. Cette loi prévoit également le processus suivant lequel le refus de l’employé sera traité.

Toutefois, la prévention et la gestion des situations de refus de travail pourraient vraisemblablement être grandement facilitées si les employés constatent les actions prises par l’employeur afin de prévenir la contamination et les autres risques pour la santé des personnes présentes en milieu de travail.

Pour la protection des employés ainsi que de ses fournisseurs et de sa clientèle, un employeur doit mettre en place les outils et les mesures d’hygiène prescrits par les autorités gouvernementales et encourager son personnel à suivre les consignes d’hygiène diffusées :

  • accès à des distributeurs de solutions antiseptiques à base d’alcool, papiers mouchoirs et poubelles;
  • nettoyage régulier des espaces communs (ex. : salles de rencontres, cafétéria, etc.);
  • rappel des coordonnées des services d’Info-Santé et du ministère de la Santé pour l’obtention d’information additionnelle ou d’un dépistage.

Dans la mesure où des locaux dans une organisation sont susceptibles d’accueillir 250 personnes et plus, selon les directives gouvernementales du 12 mars 2020, il est nécessaire d’organiser les lieux, de limiter l’accueil ou d’exiger des personnes accueillies qu’elles demeurent à une distance d’au moins 2 mètres les unes des autres.

Réorganisation du travail

Désireuses de favoriser le maintien d’un niveau adéquat d’activités et de services à leurs clientèles, les organisations peuvent trouver un avantage à moduler différemment la prestation de travail de leurs employés.

En plus du télétravail, un employeur peut envisager des modalités de travail différentes pour maintenir en place des effectifs suffisants tout en diminuant les risques de propagation du virus :

  • horaire flexible, modification de l’horaire de travail ou étalement des heures de travail (suivant les conditions de l’article 53 de la Loi sur les normes du travail);
  • horaire rotatif pour réduire le nombre d’employés présents en même temps sur les lieux de travail;
  • sollicitation de retraités pouvant combler les absences invalidité.

Immigration

À l’heure actuelle, les autorités canadiennes de l’immigration ont mis en place des mesures d’urgence pour les ressortissants étrangers se trouvant au Canada ou à l’étranger dont les demandes de résidence temporaire ont été retardées en raison de la fermeture en cours des centres canadiens de demande de visa et notamment, en Chine continentale. Des prolongations ont été accordées pour aider les demandeurs à obtenir des documents qui sont devenus difficiles à obtenir.

Toutes les autres demandes et tous les autres volets du programme canadien ne sont pas concernés pour le moment. Aucun nouveau test médical pour les nouveaux arrivants n’a été annoncé et aucune restriction particulière de voyage n’a encore été adoptée, à l’exception des mesures d’auto-mise en quarantaine pour tous les arrivants internationaux. Des agents de dépistage de Santé Canada sont présents à certains points d’entrée aériens et terrestres du Canada, mais cela reste minime pour le moment.

Nous prévoyons que d’autres restrictions aux points d’entrée canadiens pourraient être appliquées dans les prochains jours en fonction de l’évolution de la situation.

La clef : Une mise à jour constante de l’information

Il devient important de s’assurer de la fiabilité des renseignements sur lesquels un employeur s’appuiera afin de prendre des décisions quant à ses actions dans le contexte actuel, afin que les employés puissent fournir leur prestation de travail en toute sécurité et que la continuité des services à la clientèle soit possible.

Sur une base quotidienne, un gestionnaire RH prudent consultera les sites Internet des autorités gouvernementales compétentes pour s’assurer des termes exacts des exigences et des orientations formulées par celles ci.

Chaque milieu de travail comporte ses particularités et compte tenu du profil des effectifs et des besoins de la clientèle, un employeur devrait anticiper les différentes solutions possibles suivant les circonstances.

Les événements des derniers jours démontrent que les balises changent rapidement à l’intérieur d’une journée alors que la propagation du Coronavirus peut subitement gagner en vitesse et que les gouvernements ont désormais décidé d’émettre certaines directives afin de favoriser un « éloignement social » pour contrer les impacts d’une éventuelle contamination de masse.

Par la mise en place diligente de mesures de prévention et des actions pertinentes au fil de l’évolution de la situation, un employeur exerce non seulement ses responsabilités, mais peut ainsi efficacement se prémunir contre des réclamations civiles ou pénales.

Les membres de nos équipes Travail et Emploi ainsi que Immigration d’affaires sont disponibles pour répondre à toute question sur les mesures que vous envisagez ou les solutions que vous recherchez compte tenu des réalités de votre organisation et de ses activités.

 

  1. Communiqué du 12 mars 2020.
  2. Voir le même communiqué du Gouvernement du Québec.
  3. La collaboration de l’employé et d’un syndicat peut s’avérer nécessaire si les modalités prévues aux conditions de travail nécessitent d’être ajustées à la suggestion de l’employeur qui désirerait proposer un congé payé pour couvrir une partie de la période d’isolement.
  4. Le gouvernement fédéral a récemment modifié les conditions applicables en cas de quarantaine pour suspendre le délai d’attente d’une semaine avant le versement de prestations d’assurance emploi.
Retour à la liste des publications

Écrit par

Restez à l'affût des nouvelles juridiques de l'heure. Abonnez-vous à notre infolettre.

M'abonner aux publications