Mesures disciplinaires: comment l’employeur doit agir pour réduire les risques de contestation?

À titre d’employeur, vous devez parfois imposer des mesures disciplinaires à vos employés problématiques. Il s’agit d’une situation difficile qui nécessite une approche objective et planifiée, afin d’encourager la cessation du comportement fautif et de minimiser les risques de litiges. Pour vous aider dans la mise en œuvre de votre intervention et de l’imposition de mesures disciplinaires, voici un bref rappel de 3 étapes essentielles, soit (1) l’enquête, (2) le choix de la mesure disciplinaire et (3) l’imposition de la mesure.

Il est important de souligner que la mesure disciplinaire est à la fois une sanction et une mesure de correction.

Une mesure non disciplinaire (administrative) est appliquée lorsque l’employé commet un manquement involontaire qui ne peut être corrigé en raison d’une incapacité de la personne à fournir la prestation de travail requise (ex : manque de connaissances ou de compétences de l’employé).

Au contraire, la mesure disciplinaire est prise à l’encontre d’un employé qui a un comportement fautif volontaire. Dans ce cas, le but de la mesure est de sanctionner et corriger le comportement de l’employé.

Première étape : enquête disciplinaire minutieuse et objective


Planifier les étapes requises pour effectuer l’enquête disciplinaire

Lorsque vous constatez qu’un employé pourrait avoir commis un manquement méritant une enquête disciplinaire, il est primordial de recueillir les faits promptement, plutôt qu’agir de façon impulsive.

Vous devez ainsi :

  • Analyser s’il est nécessaire ou non de suspendre avec ou sans solde l’employé pour fins d’enquête;
  • Déterminer qui sont les personnes qui ont pu être témoins du manquement;
  • Préparer les rencontres avec ces témoins.
    • Préparer une liste de questions ouvertes, qui ne suggèrent pas une version des faits ou un jugement de la situation (cette liste pourra se bonifier lors des rencontres d’enquête, par des sous-questions visant à obtenir plus de précisions tout en s’assurant de poser les mêmes questions et de valider les mêmes aspects avec toutes les personnes rencontrées);
    • Prévoir un endroit privé pour rencontrer les témoins individuellement afin de favoriser la confidentialité du processus;
    • Réserver une période de temps suffisante pour couvrir tous les aspects de la situation sous étude;
    • Prévoir des ressources de remplacement des employés convoqués à ces rencontres, si nécessaire;
    • S’assurer de la présence d’une seconde personne pour agir à titre de témoin (afin de faciliter la prise de notes de rencontres et la preuve éventuelle du contenu de celle-ci).
  • Rencontrer les témoins potentiels :
    • Prendre des notes les plus exhaustives possibles lors de la rencontre;
    • S’assurer de bien comprendre les réponses et renseignements communiqués par les témoins;
    • Poser des questions visant à obtenir des précisions en cas de doute afin d’éviter toute mauvaise compréhension de la version des faits qui est rapportée;
    • Ne pas craindre les moments de silence qui ont parfois l’effet de faire parler un témoin davantage et qui lui donnent l’occasion de compléter ses réponses;
    • Idéalement, obtenir une déclaration écrite, datée et signée par le témoin qui résume les renseignements transmis lors de la rencontre ou valider avec le témoin le contenu de sa déclaration verbale en faisant lecture des notes prises lors de la rencontre.
  • Rencontrer en dernier l’employé soupçonné d’avoir commis le manquement afin d’obtenir sa version des faits.
    • Appliquer pour cette rencontre les mêmes règles que celles précédemment mentionnées pour la préparation et la rencontre avec les autres témoins.

Agir rapidement, mais prudemment

Il est important d’agir avec diligence dans l’amorce et la tenue de l’enquête puisque cela permet :

  • de recueillir la preuve alors qu’elle est encore fraîche dans la mémoire des personnes en cause;
  • de redresser la situation problématique avec célérité;
  • d’éviter de créer un stress inutile pour les employés, notamment si l’enquête révèle qu’aucun manquement ne peut être reproché.

Malgré ce qui précède, prenez le temps de recueillir tous les renseignements nécessaires ou d’obtenir des compléments d’enquête avant de décider d’imposer ou non une mesure disciplinaire.

Respecter la convention collective ou les conditions de travail de l’organisation

Si une convention collective s’applique à vos employés, vous devez vous assurer de respecter les exigences de cette convention relativement aux enquêtes disciplinaires, notamment l’obligation d’informer le syndicat ou de permettre la présence d’un représentant syndical lors des rencontres, les délais applicables pour l’imposition d’une mesure disciplinaire, les conditions de communication des motifs pour lesquels une mesure est imposée, etc.

En l’absence de convention collective, il est prudent de suivre les règles que l’employeur s’est données dans les politiques internes ou autres manuels de conditions de travail.

Deuxième étape : choix de la mesure disciplinaire

 
Si votre enquête vous permet de constater que votre employé a effectivement commis un manquement méritant l’imposition d’une mesure disciplinaire, vous devez maintenant effectuer le choix de cette mesure.

Proportionnalité de la sanction avec la faute

Le premier principe qui doit gouverner votre choix de la mesure est la proportionnalité de la sanction avec la faute commise. Plus la faute est grave, plus la sanction sera sévère et vice-versa.

Gradation des sanctions (sous réserve des exceptions)

À moins de circonstances exceptionnelles et sous réserve de la convention collective et des politiques de votre organisation, vous devriez suivre une gradation des sanctions, pouvant normalement inclure :

  • Avis verbal;
    • Attention : bien qu’il s’agisse d’un avis verbal, une note détaillée relativement à celui-ci doit être conservée au dossier de l’employé afin d’assurer un suivi de la situation.
  • Avis écrit;
  • Suspension;
    • Selon les circonstances, il est généralement préférable d’imposer une suspension de courte durée, puis une plus longue avant de procéder au congédiement d’un employé.
  • Congédiement.

Il existe des exceptions au principe de la gradation des sanctions, dont notamment:

  • Faute grave ayant pour effet de rompre le lien de confiance de manière définitive;
  • Employés cadres (bien que la gradation soit difficilement applicable à un employé cadre fautif, il devrait néanmoins, sauf exception, avoir préalablement été avisé de ce qui lui est reproché et avoir eu la chance de s’amender).

Éléments à considérer dans le choix de la sanction

En plus de la gradation des sanctions, vous devez vous assurer de respecter la convention collective ou vos politiques d’entreprise, qui peuvent prévoir des dispositions quant aux mesures disciplinaires applicables en cas de manquements aux exigences précisées dans ces politiques.

Vous devez aussi vérifier si la mesure envisagée est conforme aux mesures disciplinaires appliquées précédemment dans des cas comparables, afin de démontrer que la discipline est exercée de manière uniforme et équitable dans l’entreprise, tout en respectant les faits particuliers de chaque dossier.

Enfin, il est nécessaire de considérer les facteurs aggravants et atténuants pertinents à l’égard de la situation de votre employé. Voici quelques exemples non exhaustifs :

Facteurs aggravants Facteurs atténuants
Ancienneté (selon le manquement) Ancienneté (selon le manquement)
Dossier disciplinaire entaché de manquements Dossier disciplinaire vierge
Conséquences importantes du manquement sur l’entreprise, la clientèle, les collègues, etc. Faute sans conséquence importante sur l’entreprise, la clientèle, les collègues, etc.
Statut ou importance des fonctions de l’employé pour l’entreprise Tâches de l’employé généralement supervisées ou non déterminantes pour les affaires de l’entreprise
Manquement prémédité Manquement non prémédité
Absence de remords ou d’excuses Expression d’aveu, remords et excuses
Manque de collaboration ou de transparence lors de l’enquête Collaboration ou transparence dans le cadre de l’enquête
Autonomie de l’employé dans ses fonctions, travaillant généralement sans supervision Laxisme dans la supervision ou les exigences de l’employeur dans le passé en lien avec le manquement commis

Troisième étape : imposition de la mesure disciplinaire

 
Une fois que la mesure disciplinaire requise compte tenu des circonstances est déterminée, vous devez convoquer l’employé à une rencontre pour lui présenter cette mesure.

Comme pour les rencontres d’enquête, il faut réserver un lieu privé pour rencontrer l’employé et s’assurer d’avoir un témoin qui vous accompagnera et qui prendra des notes de la rencontre. Les notes doivent être conservées et les mesures consignées au dossier.

Il est essentiel de remettre la lettre disciplinaire à l’employé et de reprendre le contenu de cette lettre pour confirmer la mesure imposée et expliquer clairement et succinctement le ou les manquement(s) reproché(s).

De plus, s’il ne s’agit pas d’un congédiement, vous devriez profiter de l’occasion pour rappeler vos attentes à l’employé, qui devraient être reprises explicitement dans la lettre de mesure disciplinaire. Cette lettre mentionnera de la même façon que tout autre comportement fautif subséquent pourra entraîner l’imposition d’une mesure disciplinaire plus sévère, pouvant aller jusqu’au congédiement.

Nous rappelons que la remise et la conservation de la mesure doivent respecter les exigences de la convention collective et des politiques d’entreprise, le cas échéant.

Conclusion


Ce court aide-mémoire vous aidera à bien planifier la mise en œuvre d’une mesure disciplinaire de manière à vous assurer :

  • d’effectuer une enquête adéquate;
  • de choisir judicieusement la mesure à imposer;
  • de remettre la mesure disciplinaire de manière appropriée, vous permettant aussi d’assurer le suivi du dossier disciplinaire de votre employé.

Il demeure toutefois que l’imposition d’une mesure doit se faire au cas par cas et, dans cette optique, sachez que les membres de notre équipe de Droit du travail et de l’emploi sont disponibles pour vous conseiller et vous assister dans le cadre de chacune de ces trois étapes.

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