Le 9 juillet 2018, la Cour Supérieure abordait à nouveau les principes applicables aux demandes de type Wellington dans une affaire opposant deux entrepreneurs à leurs assureurs responsabilité dans le cadre d’un litige institué par la Société des traversiers du Québec (ci-après « STQ »). Les entrepreneurs opposaient, entre autres, une fin de non-recevoir quant à l’application de deux exclusions invoquées tardivement1.
Les faits
Lors d’une tempête hivernale, un quai de la STQ sur lequel travaillaient les entrepreneurs a été endommagé. Les palplanches fournies par la STQ et installées par les entrepreneurs se sont décrochées du quai et sont tombées dans le fleuve. Initialement, les experts en sinistre mandatés par les assureurs niaient couverture en référant aux exclusions pour les dommages matériels à des biens dont les entrepreneurs étaient propriétaires, locataires ou occupants. Dans sa Demande introductive d’instance, la STQ reprochait aux entrepreneurs, de façon générale, la mauvaise exécution des travaux et la non-conformité de ceux-ci aux plans et devis de soudure.
Les entrepreneurs ont introduit une demande de type Wellington afin de forcer les assureurs de prendre leur fait et cause. Quelques jours par la suite, STQ a modifié son recours pour préciser les défauts qui affectaient le travail des entrepreneurs et communiquer deux rapports d’expertise. Ce n’est que dans le cadre de l’audition de la demande de type Wellington que les assureurs ont finalement soulevé l’application d’exclusions visant les dommages à une partie d’un bien immeuble sur lequel les entrepreneurs étaient appelés à travailler pour cause de mauvaise exécution des travaux.
La décision
D’entrée de jeu, la Cour rappelle qu’un assureur a l’obligation de prendre fait et cause pour un assuré lorsqu’à la lecture même des actes de procédure, il existe la simple possibilité que la police d’assurance s’applique. À cette étape, le juge n’a pas à se demander si la responsabilité de l’assuré sera établie au fond, mais doit simplement déterminer si une possibilité de couverture existe.
À la lumière des allégués de la dernière Demande introductive d’instance modifiée, la Cour conclut d’abord que les exclusions initialement soulevées par les experts en sinistre des assureurs ne s’appliquaient pas, les entrepreneurs n’ayant jamais été propriétaires, locataires ou encore emprunteurs des palplanches. Quant aux exclusions visant la mauvaise exécution des travaux, la Cour conclut qu’elles s’appliquaient dans la mesure où les allégations de STQ étaient tenues pour avérées. Or, les entrepreneurs plaidaient que ces exclusions étaient invoquées tardivement. Il est reconnu qu’un assureur peut se voir opposer une fin de non-recevoir et être déclaré forclos d’invoquer une exclusion tardivement soulevée ou gardée en réserve en cas d’échec d’un autre moyen de défense2.
Selon les entrepreneurs, les assureurs ne pouvaient invoquer les exclusions visant la mauvaise exécution des travaux au stade de la Demande Wellington, sans les avoir préalablement soulevées. Les assureurs ont, quant à eux, plaidé que, bien que la Demande initiale de STQ reproche de façon générale aux entrepreneurs la mauvaise exécution des travaux, ils étaient justifiés de soulever ces nouvelles exclusions car la demande de STQ venait d’être modifiée pour cristalliser et préciser les reproches faits aux entrepreneurs. Au demeurant, les assureurs soulignent qu’ils s’étaient également réservé le droit d’invoquer subsidiairement toute autre exception de la police d’assurance dans leurs lettres de négation initiale.
Au final, la Cour donne raison aux assureurs et rejette la demande de type Wellington des entrepreneurs. Quant à la question de la fin de non-recevoir, la Cour, « considérant l’évolution des allégations dans la Demande introductive d’instance » et l’ajout récent d’allégations précisant et cristallisant les reproches, conclut que les assureurs n’étaient pas en défaut d’avoir soulevé en temps opportun les exclusions maintenant appliquées.
Conclusion
Alors que les demandes de type Wellington continuent de faire couler beaucoup d’encre, il convient de rappeler l’importance des lettres de réserve et de négation. Ceci étant et comme le souligne la Cour, il arrivera que l’évolution des reproches formulés à l’égard d’un assuré permettra l’application d’exclusions jusqu’alors non invoquée. Il demeure néanmoins que les exclusions possiblement applicables doivent être invoquée dès la première occasion et il conviendra également d’inclure aux lettres de réserve et de négation le droit d’invoquer toute autre condition, limitation et exclusions prévues dans la police advenant que des faits nouveaux soit portés à la connaissance de l’assureur.
- Société des traversiers du Québec c. Construction CGP, 2018 QCCS 3088; En date de la publication du présent article, aucune inscription en appel ne figurait au dossier de Cour.
- The Continental Insurance Company c. Tracy Plate Shop inc., 1987 CanLII 211 (QCCA)