Le 20 mars 2018, la ministre Dominique Vien a présenté le très attendu projet de loi n° 176 à l’Assemblée nationale, intitulé la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation «famille-travail», un sujet d’importance et d’actualité chez plusieurs employeurs au Québec.
Plusieurs groupes patronaux, syndicaux et communautaires ont été consultés relativement aux améliorations à apporter à la Loi sur les normes du travail (la «LNT»). Toutefois, il s’agit d’un projet qui fera possiblement l’objet de révision et amendement avant son adoption, si tel est le cas.
Voici pour l’essentiel certaines des modifications législatives importantes proposées par ce projet de loi :
La responsabilité de l’administrateur ou du dirigeant de la personne morale :
- Dans le contexte d’une poursuite pénale pour violation de la Loi sur les normes du travail (la «LNT») par une personne morale ou ses représentants, l’administrateur ou le dirigeant de la personne morale sera présumé avoir commis lui-même une infraction, à moins d’établir qu’il a fait preuve de diligence raisonnable. Cela serait par ailleurs cohérent avec les modifications législatives quant à la responsabilité des administrateurs, en matière de santé et sécurité au travail.
Du nouveau en matière de harcèlement psychologique :
- Obligation d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique («HP») et de traitement des plaintes;
- Dans un objectif de prévention accrue, la Loi sur les normes du travail (la «LNT») explicitera que les paroles, actes et gestes à caractère sexuel constituent du harcèlement psychologique, conformément à l’interprétation actuelle des tribunaux;
- En cas de plainte pour inconduite sexuelle, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail («CNESST») devra aviser sans délai la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse («CDPDJ»).
L’équité intergénérationnelle :
- Bonification de la protection existante contre la disparité des conditions de travail fondées sur la date d’embauche des salariés effectuant les mêmes tâches dans un même établissement : en plus d’une équité salariale et d’attribution de congés annuels, les régimes de retraite et d’autres avantages sociaux s’ajoutent à la liste des conditions de travail ne pouvant pas faire l’objet de disparité;
- - À noter : les employeurs ayant déjà mis en place des régimes d’avantages sociaux et des régimes de retraite différents selon la date d’embauche des employés (par exemple à prestations déterminées pour les anciens, et à cotisations déterminées pour les nouveaux) ne seront pas tenus de les modifier;
Certains congés bonifiés, dont :
- Une durée de vacances annuelles de 3 semaines pour les salariés ayant 3 ans de service continu, au lieu de 5 ans, tel que le prévoit actuellement la Loi sur les normes du travail (la «LNT»);
- 26 semaines d’absence protégée sur une période de douze mois, par la LNT pour un salarié victime de violence conjugale;
- Rémunération des deux premiers jours d’absences pour un salarié justifiant trois mois de service continu pour cause de don d’organes ou de tissus, d’accident, de violence conjugale ou d’acte criminel : Possiblement inspiré de la loi ontarienne, tout salarié pourra s’absenter dix jours par année pour remplir ses obligations familiales et les deux premières journées prises annuellement seront payées;
- La période d’absence déjà permise de 12 semaines passerait à 16 semaines lorsque la présence d’un salarié est requise par l’état de santé d’un proche, sur une période de 12 mois et ce congé est augmenté à 36 semaines lorsque le proche est un enfant mineur;
- Le projet de loi propose qu’un salarié puisse s’absenter pendant deux journées payées à l’occasion d’un décès ou de funérailles (au lieu d’une journée), mais prévoit qu’il ne bénéficie que de trois autres journées sans salaire (au lieu de quatre).
- Soulignons que le projet de loi reformule certains congés pour prévoir qu’un salarié agissant auprès d’un parent ou comme «proche aidant» pourra bénéficier de ces congés et d’une plus longue période de protection de son lien d’emploi en cas d’absence.
Les dispositions relatives aux heures de travail :
- Un refus de travail sera possible au-delà de deux heures des heures habituelles quotidiennes de travail d’un salarié (au lieu de quatre heures);
- Un salarié aura le droit de refuser de travailler s’il n’a pas été informé cinq jours à l’avance qu’il serait requis de travailler, sauf lorsque la nature de ses fonctions exige qu’il demeure en disponibilité;
- L’article 53 de la LNT sera modifié de façon à permettre à l’employeur et au salarié de convenir d’un étalement des heures de travail aux fins du calcul du temps supplémentaire sans que l’autorisation de la CNESST ne soit nécessaire;
Pour les agences de placement, spécifiquement :
- Protection accrue des travailleurs embauchés par l’entremise d’agences de placement de personnel et des travailleurs étrangers temporaires. De telles agences devront désormais détenir un permis afin d’exercer leurs activités;
- De plus, une agence de placement de personnel ne pourra accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l’entreprise cliente qui effectue les mêmes tâches uniquement en raison de son statut d’emploi;
- L’agence de placement et l’entreprise cliente seront également solidairement responsables des obligations pécuniaires découlant de la Loi sur les normes du travail (la «LNT»).
Nous suivrons avec intérêt l’évolution de l’adoption de ce projet de loi qui, rappelons-le, pourrait faire l’objet de plusieurs amendements. Nous anticipons que les dispositions relatives à l’équité intergénérationnelle ainsi que celles relatives aux agences de placement feront l’objet de vifs débats parlementaires, vu les enjeux sociaux importants qu’elles tentent de circonscrire.
Pour la version intégrale du projet de loi, cliquez ici.