Dans une décision rendue le 29 mai 2017 1, l’arbitre Jean-Pierre Lussier confirme le congédiement d’un changeur de la Société de transport de Montréal pour avoir été reconnu coupable de proxénétisme.
Les faits
Embauché en février 2008, le salarié a plaidé coupable à des accusations de proxénétisme en 2014. La victime était une mineure de 16 ans.
La Société de transport de Montréal (« STM ») a congédié le salarié, jugeant que la condamnation était incompatible avec les responsabilités inhérentes à la fonction de changeur.
La STM a en outre soutenu que le salarié avait menti lors de son embauche en déclarant qu’il n’avait jamais été reconnu coupable d’un délit. Il avait pourtant été condamné pour introduction par effraction en 2002.
La protection de la Charte
La Charte des droits et libertés de la personne 2 prévoit que :
« 18.2. Nul ne peut congédier, refuser d’embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon. »
Ainsi, pour justifier le congédiement, la STM devait démontrer qu’il existe un lien entre la condamnation pour introduction par effraction ainsi que celle pour proxénétisme et l’emploi de changeur.
La décision
L’arbitre conclut que le salarié avait sciemment menti à la STM en déclarant ne pas avoir été reconnu coupable d’une infraction criminelle, sachant très bien que cette déclaration était fausse. Il ne revenait pas au salarié de décider si cet antécédent avait un lien ou non avec l’emploi qu’il convoitait.
Toutefois, jugeant que le motif de congédiement lié à la condamnation pour proxénétisme était suffisant, l’arbitre ne se prononce pas sur la question de savoir si ce mensonge était suffisamment important pour justifier le congédiement.
En effet, l’arbitre juge qu’il existe un lien entre la condamnation pour proxénétisme et l’emploi de changeur. À ce sujet, l’arbitre note que :
« Les arbitres n’ont pas hésité à reconnaître qu’un crime de nature sexuelle commis par un salarié de la « STM » risque d’entacher la confiance du public, démontrant ainsi le lien entre la condamnation et l’emploi »3
(notre soulignement)
Le public doit pouvoir faire pleinement confiance à la STM. Permettre à un changeur condamné pour proxénétisme de continuer à exercer ses fonctions ternirait ce lien de confiance ainsi que la réputation de la STM.
L’arbitre note qu’un changeur est régulièrement en contact avec une clientèle parfois vulnérable. Cette clientèle est notamment constituée de femmes, majeures et mineures. Les mineurs représentent 11 % des clients de la STM. Enfin, le rôle de changeur implique aussi d’assurer la sécurité des usagers.
Il est pertinent de souligner que le salarié en question avait aussi été acquitté d’une série d’accusations de proxénétisme à l’égard d’une jeune femme qu’il avait rencontrée dans le métro, alors qu’il travaillait à titre de changeur.
L’arbitre conclut ainsi que la décision de congédier le salarié n’était pas déraisonnable et rejette le grief.
Conclusion
Cette sentence arbitrale est fort intéressante puisqu’elle démontre qu’un employeur qui offre des services de transport au public, devant alors assurer sa sécurité durant ce transport, est justifié de mettre fin à l’emploi d’une personne ayant commis un crime de nature sexuelle.
Il faut toutefois garder à l’esprit que la Charte des droits et libertés de la personne, qui est une loi quasi constitutionnelle, accorde une protection importante aux personnes ayant été condamnées pour une infraction pénale ou criminelle.
Il est donc nécessaire de suivre la jurisprudence sur cette question et de procéder à une évaluation complète des circonstances avant de déterminer s’il existe réellement un lien entre l’infraction et l’emploi.
- Société de transport de Montréal et Syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et employés de service connexes au transport de la STM, section locale 1983 (SCFP) (Marco Oviedo Viera), 2017 QCTA 630.
- R.L.R.Q., c. C-12.
- Société de transport de Montréal et Syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et employés de service connexes au transport de la STM, section locale 1983 (SCFP), préc., note 1, par. 31.