Le 5 octobre 2017, le ministre des Finances du Québec, Carlos J. Leitão, a présenté à l’Assemblée nationale du Québec le Projet de loi n° 141, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières (« Projet de loi »). Cet important projet de législation (près de 750 articles sur 470 pages) propose de remanier en profondeur plusieurs des règles régissant le fonctionnement des institutions de dépôt et des assureurs, de même que la distribution de produits et services financiers (« PSF ») dans la province.
Le Projet de loi propose notamment de modifier/d’adopter les lois suivantes :
- Loi sur les assurances (abrogée)
- Code des professions
- Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne (remplacée)
- Loi sur les coopératives de services financiers
- Loi sur le Mouvement Desjardins (abrogée)
- Loi sur l’assurance-dépôts devient Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts)
- Loi sur les instruments dérivés
- Loi sur les entreprises de services monétaires
- Loi sur l’assurance automobile
- Loi sur l’Autorité des marchés financiers (devient Loi sur l’encadrement du secteur financier)
- Loi sur la distribution de produits et services financiers
- Loi sur le courtage immobilier
- Loi sur les assureurs (adoptée)
- Loi sur les valeurs mobilières
Voici, en se basant sur le discours de présentation du Projet de loi par le ministre, un résumé des 13 principaux types de mesures qui y sont prévues :
Assurances — Une Loi sur les assureurs est proposée en remplacement de la Loi sur les assurances. Elle prévoit notamment les dispositions applicables à la surveillance et au contrôle des affaires d'assurance et des activités des assureurs autorisés (ancienstitulaires de permis) au Québec, de même que des dispositions relatives à la constitution, au fonctionnement et la dissolution des assureurs constitués au Québec. Cette nouvelle Loi sur les assureurs met également à jour les règles encadrant les activités d'assurance d’organismes d'autoréglementation, notamment les ordres professionnels.
Coopératives de services financiers — Le Projet de loi modifie la Loi sur les coopératives de services financiers (essentiellement, des caisses d’épargne membres du Groupe Coopératif Desjardins) afin de préciser, entre autres, certaines règles relatives à leur organisation et à leur fonctionnement. Notamment, le Projet y ajoute un chapitre concernant le Groupe coopératif Desjardins, en remplacement de la Loi sur le Mouvement Desjardins, qui sera abrogée.
Assurance des dépôts — Le Projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-dépôts afin notamment d'y ajouter un régime de surveillance et de contrôle des affaires de collecte de dépôts, les institutions de dépôt autorisées au Québec, ainsi que des dispositions visant à permettre la résolution des problèmes associés au défaut des institutions de dépôt faisant partie d'un groupe coopératif. Le titre de cette loi est aussi modifié afin qu'il reflète les modifications apportées à celle-ci.
Sociétés de fiducie — La Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne est remplacée par une loi portant le même titre, mais qui prévoit, pour ce type de sociétés, un encadrement qui sera plus cohérent avec celui qui s’appliquera aux assureurs et institutions de dépôt.
Courtage immobilier — La Loi sur le courtage immobilier sera modifiée afin notamment d’y définir le contrat de courtage immobilier et de transférer à l'Autorité des marchés financiers (« AMF ») la surveillance et l'encadrement des courtiers hypothécaires.
Produits et services financiers — Le Projet de loi modifie la Loi sur la distribution des produits et services financiers afin de confier à l'AMF et au Tribunal administratif des marchés financiers (« TAMF ») les missions d’autoréglementation actuelles de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de domdommages. Il propose également un ensemble de modifications visant à faciliter la distribution en ligne de PSF et son encadrement.
Loi sur l’AMF — Le Projet de loi modifie la Loi sur l'Autorité des marchés financiers afin d'y introduire des dispositions visant à protéger les dénonciateurs de contravention aux règles applicables, à constituer au sein de l'AMF un comité ayant pour mission de faire valoir auprès de celle-ci l'opinion des consommateurs de PSF et de prévoir, pour le TAMF, un régime similaire à celui d'autres tribunaux administratifs provinciaux, tel que le Tribunal administratif du Québec. La Loi sur l’AMF sera renommée, et deviendra la Loi sur l’encadrement du secteur financier.
Assurance frais funéraires — Le Projet de loi modifie le Code civil du Québec afin de permettre la conclusion de contrats d'assurance de frais funéraires et modifie la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture afin de leur apporter un encadrement adéquat.
Assurance automobile — La Loi sur l'assurance automobile sera modifiée pour y préciser les modalités de communication de renseignements à l'occasion de l'obtention ou du renouvellement d'une assurance automobile.
Services monétaires — La Loi sur les entreprises de services monétaires sera également modifiée afin de prévoir la vérification périodique (aux trois ans) de l'entreprise de services monétaires par les corps policiers compétents.
Produits dérivés — Le Projet de loi ajoute les plateformes de négociation d’instruments dérivés parmi les entités réglementées en vertu de la Loi sur les instruments dérivés.
Valeurs mobilières — Le Projet de loi modifie la Loi sur les valeurs mobilières notamment afin de remplacer la définition de « fonds d'investissement à capital fixe », de prévoir des restrictions au partage de commissions reçues par certains courtiers, et de prévoir la suspension de la prescription lorsqu'est déposée une demande d'autorisation d’exercer une action en dommages-intérêts en vertu de cette loi.
Lois administrées par l’AMF — Finalement, le Projet de loi modifie les lois dont l'administration relève de l'AMF (listées à l’Annexe I de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers) afin de préciser la durée des ordonnances de blocage que ces lois lui permettent d'obtenir et de prévoir les modalités et conditions selon lesquelles elle pourra distribuer les sommes qui lui sont remises en vertu d'une ordonnance de restitution rendue sous l’autorité de ces lois.
C’est donc une réforme très étendue qui est proposée par le Projet de loi 141. Les mesures qu’elle comporte :
- procèdent à une quasi-refonte de certaines lois (coopératives de services financiers de Desjardins, sociétés de fiducie, assurancedépôts);
- visent à donner une base juridique à des opérations qui présentement sont non régies ou non permises par la loi (par ex. l’offre ou la distribution en ligne de PSF);
- intègrent certaines normes de réglementation supranationales dans le cadre réglementaire québécois (par ex. résolution / liquidation ordonnée d’institutions financières systémiquement importantes);
- redéploient l’exercice des fonctions de réglementation, de supervision et d’application forcée des règles dans le secteur financier; et
- édictent de nombreuses nouvelles règles ciblées, notamment en assurance (unions réciproques d’assurance; exemption d’autorisation (permis) pour fournisseurs de produits de garantie prolongée assimilable à l’assurance; les pratiques commerciales).
La portée est immense pour nos clients opérant dans le secteur financier québécois, tout particulièrement pour ceux qui veulent efficacement saisir les opportunités qui seront offertes par le nouvel encadrement du marché financier québécois.
Ceux-ci voudront maintenant :
- savoir à quoi les exposent les mesures du Projet de loi pour pouvoir se positionner de façon concurrentielle, ou même ajuster leurs projets en cours en prévision de ce qui s’annonce;
- consulter pour se définir de nouvelles stratégies et pouvoir les déployer efficacement, dans le respect des nouvelles règles dont l’adoption est annoncée;
- participer, séparément ou en groupe, aux consultations que le ministre des Finances entend tenir sur le Projet de loi en commission parlementaire, afin de faire valoir leur point de vue et de proposer des améliorations aux mesures qui y sont actuellement promues par le gouvernement.