Le 6 juin dernier, le projet de loi n° 98 intitulé Loi modifiant diverses lois concernant principalement l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel (la « Loi »), était adopté par l’Assemblée nationale, puis sanctionné par le lieutenant-gouverneur deux jours plus tard. Cette loi, dont les principales dispositions sont déjà en vigueur, modernise le régime professionnel existant en modifiant notamment plusieurs dispositions du Code des professions 1 (le « Code »). Tel que l’indique en outre son titre, l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel figurent parmi les principaux axes de cette réforme depuis longtemps attendue. Le présent texte se veut une présentation brève et non exhaustive des principaux changements apportés au régime.
Gouvernance des ordres professionnels
Dans un premier temps, la Loi confère des pouvoirs accrus à l’Office des professions du Québec (l’ « Office »), dont la fonction principale est de veiller à ce que les différents ordres professionnels assurent la protection du public. Ainsi, l’Office a désormais le pouvoir de requérir d’un ordre professionnel qu’il apporte des mesures correctrices, effectue des suivis adéquats et se soumette à toute autre mesure qu’il détermine, dont des mesures de surveillance et d’accompagnement2.D’ailleurs, alors qu’il devait auparavant agir à la demande du ministre ou obtenir son autorisation, l’Office peut dorénavant entreprendre une enquête sur un ordre professionnel de sa propre initiative3.
L’Office se voit également imposer le devoir de déterminer, par règlement et après consultation du Conseil interprofessionnel du Québec, les normes d’éthique et de déontologie applicables aux administrateurs des ordres professionnels. Le règlement adopté par l’Office à cet égard doit notamment obliger les conseils d’administration des différents ordres professionnels à établir, dans le respect des normes déterminées par l’Office, un code d’éthique et de déontologie applicable à leurs membres. Par ce règlement, l’Office doit également établir la procédure d’examen et d’enquête concernant les comportements susceptibles de contrevenir à ces normes, prévoir les sanctions appropriées et désigner les autorités chargées de les déterminer ou de les imposer4.
La Loi ajoute par ailleurs aux fonctions des conseils d’administration des différents ordres professionnels, dont le rôle est passablement redéfini dans une optique de saine gouvernance. Ainsi, alors que le conseil d’administration était auparavant chargé de l’administration générale des affaires de l’ordre, ce rôle est désormais dévolu au directeur général de ce dernier. Le conseil, pour sa part, en assurera plutôt la surveillance, l’encadrement et la supervision 5.Les administrateurs siégeant au conseil devront par ailleurs se soumettre à l’obligation de suivre une formation portant sur le rôle du conseil d’administration d’un ordre professionnel, notamment en matière de gouvernance et d’éthique ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes. Ils seront aussi soumis à une formation en gestion de la diversité ethnoculturelle6.Certaines modifications relatives aux critères d’éligibilité des administrateurs et à la composition du conseil sont également apportées dans le but d’assurer une représentation plus diversifiée et adéquate des intérêts du public7.
Processus disciplinaire et infractions pénales
Les pouvoirs des syndics des ordres professionnels sont accrus. Le syndic peut dorénavant, lorsqu’il est d’avis qu’une poursuite intentée contre un professionnel pour une infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement ou plus a un lien avec l’exercice de la profession, demander à ce que le conseil de discipline suspende ou limite provisoirement le droit de ce professionnel d’exercer ou d’utiliser le titre réservé aux membres de sa profession8.Dans un même ordre d’idées, le professionnel visé par une poursuite pour une infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement ou plus doit dénoncer la situation au secrétaire de l’ordre professionnel9.
Le syndic se voit par ailleurs confier le pouvoir d’accorder une immunité à la personne lui ayant transmis une information selon laquelle un professionnel a commis une infraction, lorsque celle-ci a elle-même participé à l’infraction. Cette immunité vaut contre toute plainte portée devant le conseil de discipline, à l’égard des faits en lien avec la perpétration de cette infraction10.
Les montants minimal et maximal des amendes pouvant et devant parfois être imposées par les conseils de discipline sont augmentés, passant respectivement de 1 000 $ à 2 500 $ et de 12 500 $ à 62 500 $11. Dans certains cas, le conseil de discipline peut en outre condamner l’intimé reconnu coupable d’un manquement déontologique au paiement d’une partie des frais engagés par l’ordre pour mener l’enquête à son sujet12.
Dans le cas de condamnations prononcées pour un acte dérogatoire à caractère sexuel visé à l’article 59.1 du Code ou un acte de même nature interdit par un code de déontologie, le conseil devra dorénavant imposer, en plus d’une amende, une radiation temporaire d’au moins cinq ans, à moins que l’intimé ne parvienne à le convaincre qu’une radiation d’une durée moindre serait justifiée dans les circonstances13. Plusieurs autres modifications relatives aux inconduites de nature sexuelle sont apportées par la loi14, ce qui témoigne de l’intention du législateur de sanctionner davantage ce type de comportements, dans une optique de « tolérance zéro ».
En matière pénale, le Code est modifié afin de distinguer, pour l’imposition des amendes, le sort qui est réservé aux personnes physiques de celui qui est réservé aux personnes morales ou aux autres entités qui ne sont ni des personnes morales ni des personnes physiques, le tout dans le but de punir plus sévèrement ces dernières15.
La Loi introduit par ailleurs une nouvelle infraction pénale visant principalement les employeurs. Dorénavant, commet une infraction et est passible d’une amende, quiconque exerce ou menace d’exercer des représailles à l’encontre d’une personne pour le motif qu’elle a transmis à un syndic une information selon laquelle un professionnel a commis une infraction visée à l’article 116 du Code ou qu’elle a collaboré à une enquête. Aux fins de l’application de ce nouvel article du Code, sont présumés être des mesures de représailles, la rétrogradation, la suspension, le congédiement ou le déplacement d’une personne, de même que toute autre mesure disciplinaire ou mesure portant atteinte à son emploi ou à ses conditions de travail16.
Enfin, la Loi modifie le Code afin de prévoir, pour certaines infractions, un délai de prescription de trois ans pour entreprendre une poursuite pénale à compter de la connaissance de l’infraction par l’ordre professionnel, sans excéder sept ans depuis sa perpétration17
Admission aux professions
Le poste de Commissaire aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences professionnelles est remplacé par celui de Commissaire à l’admission aux professions18. Est également institué le Pôle de coordination pour l’accès à la formation, dont la fonction sera de dresser un état de la situation de cet accès, d’identifier les problèmes et les enjeux liés à la formation, de définir les besoins en collecte de données à des fins statistiques, d’assurer la collaboration entre les ordres professionnels, les établissements d’enseignement et les ministères concernés et de proposer des solutions aux problèmes identifiés19.
La Loi modifie également le Code afin qu’une formation en éthique et en déontologie soit rendue obligatoire pour les candidats à la profession, lorsque leur programme d’études ne comprend pas d’activités d’apprentissage en la matière20.
Conclusion
Mises à part quelques exceptions, la plupart des dispositions de la Loi sont entrées en vigueur à la date de sa sanction, soit le 8 juin dernier.
Celles-ci annoncent une nouvelle philosophie dans les normes disciplinaires et l’approche des organes chargés d’en assurer le respect. Cette mise à niveau avec les tendances en matière de gouvernance était nécessaire parce que la mission de protection du public continue d’être assurée de façon efficiente à la lumière de l’éveil collectif pour une réflexion plus éthique.
- Code des professions, RLRQ, c. C-26 (ci-après, le « C.prof. »).
- C.prof., art. 12.
- C.prof., art. 14.
- C.prof., art. 12.0.1.
- C.prof., art. 62.
- C.prof., art. 62.0.1, paragr. 4.
- Voir notamment l’article 78.1 C.prof.
- C.prof., art. 122.0.1.
- C.prof., art. 59.3.
- C.prof., art. 123.9.
- C.prof., art. 156, al. 1, paragr. c.
- C.prof., art. 151, al. 5.
- C.prof., art. 156, al. 2.
- Voir notamment les articles 160, al. 2 et 161.0.1 C.prof.
- C.prof., art. 188, al. 1.
- C.prof., art. 188.2.2.
- C.prof, art. 189.1 et 189.0.1.
- C.prof., art. 16.9 et suivants.
- C.prof., art. 16.24 et suivants.
- C.prof., art. 94, paragr. i).