Le 18 août 2016, la Cour supérieure du Québec, sous la plume de l’honorable François Duprat, rendait jugement dans l’affaire opposant Jimmy Laporte (ci-après le « Demandeur ») à son assureur biens Intact, Compagnie d’assurances1. La Cour rejette le recours du Demandeur et déclare la police d’assurance en litige nulle ab initio en raison des déclarations mensongères du Demandeur à son créancier hypothécaire.
Le résumé qui suit présente les grandes lignes de cette affaire.
Le litige
Le 24 juillet 2011, la résidence du Demandeur est gravement endommagée par un incendie. Le Demandeur réclame à son assureur les dommages pour la perte totale du bâtiment, la perte du contenu ainsi que des frais de subsistance.
Intact refuse de payer. La Cour résume comme suit la position de l’assureur :
« L’assureur refuse de payer la réclamation et offre une défense tous azimuts : l’incendie est criminel et provoqué avec la complicité de l’assuré. La police d’assurance est nulle ab initio vu les liens de Jimmy Laporte avec le crime organisé. L’assureur est également d’avis que la police doit de toute manière être considérée comme nulle ab initio puisque Monsieur Laporte ne peut justifier ses revenus et, en fait, n’en déclare pas et a faussement dépeint sa situation financière à son créancier hypothécaire. Au surplus, Monsieur Laporte conservait du cannabis pour fins de trafic à sa résidence et ceci amène l’application de l’exclusion pour les gestes criminels posés par l’assuré ou l’annulation de la police d’assurance vu le risque moral douteux. Enfin, le montant de la réclamation pour le contenu est exagéré ou faux et déclenche le rejet de l’indemnité. »
Après analyse, la Cour ne retient qu’un seul moyen de défense, soit celui des déclarations mensongères faites par le Demandeur à son créancier hypothécaire.
Les motifs du jugement sur la nullité ab initio pour déclarations mensongères fournies au créancier hypothécaire
Intact soumet que des faux documents ont été fournis par le Demandeur au créancier hypothécaire afin d’obtenir un prêt. Selon Intact, la connaissance de cette situation aurait entraîné un refus d’assurer puisque le fait que le Demandeur ait caché la vérité à son créancier hypothécaire corrompt de façon irrémédiable son appréciation du risque moral au moment de la souscription.
À cet égard, Intact explique avoir également refusé d’indemniser le créancier hypothécaire, lui reprochant sa négligence dans l’analyse des documents pour justifier le prêt.
Il appert des faits mis en preuve que le créancier hypothécaire a reçu une attestation d’emploi signée par le Demandeur, un relevé des revenus et retenues démontrant un salaire annuel de 84 000 $ ainsi que des avis de cotisation de l’Agence du Revenu du Canada et de Revenu Québec.
Le Demandeur admet que le contenu de l’attestation d’emploi est faux. Il indique cependant ne pas avoir pris connaissance du relevé des revenus et retenues et ne pas reconnaître les avis de cotisation mis en preuve. La Cour ne retient pas le témoignage du Demandeur, concluant plutôt que celui-ci a menti dans sa demande de prêt.
Dans son analyse, la Cour rappelle que l’assureur doit démontrer que les informations non déclarées étaient pertinentes à son appréciation du risque ou à sa décision de l’accepter au sens de l’article 2408 du Code civil du Québec. L’assureur doit également prouver l’existence d’un lien de connexité entre la circonstance en cause et le risque pris en charge.
Selon ce qui précède, le Cour conclut qu’Intact a rempli son fardeau et démontré que les déclarations mensongères du Demandeur à son créancier hypothécaire constituent un élément pertinent à l’appréciation du risque. La Cour précise que ce n’est pas l’existence d’un prêt qui crée un problème, mais plutôt le fait que le Demandeur ait obtenu le prêt en vertu de faux renseignements.
La Cour écrit :
« (...) Le prêt est intimement lié à l’achat de la résidence et l’hypothèque affecte le bien assuré. Il n’y a rien de surprenant ou d’illogique dans l’affirmation de l’assureur que s’il avait su, au moment de l’émission de la police, que le prêt avait été consenti sous de faux renseignements, il n’aurait pas voulu du risque. »
Trois souscripteurs ont témoigné, pour Intact, à l’effet qu’un refus d’assurer aurait suivi si les déclarations mensongères du Demandeur à son créancier hypothécaire avaient été dévoilées. Aucune preuve contradictoire n’a été présentée à ce sujet.
À retenir
Aux termes de cette décision, il apparaît que les déclarations mensongères d’un preneur faites en dehors du contexte de la souscription d’une police d’assurance peuvent constituer un changement matériel du risque moral et peuvent être invoquées au soutien d’une demande afin que soit déclarée la nullité ab initio de la police. Très souvent, l’intérêt du créancier hypothécaire dans la police d’assurance est consacré par l’inclusion d’une clause hypothécaire. Toutefois, les assureurs ne détiennent normalement que peu d’information relativement à l’obtention des prêts, si ce n’est que l’identité du créancier.
Dans une certaine mesure, la décision permet aux assureurs d’approfondir leur enquête au-delà des déclarations faites par le preneur dans le cadre de la souscription et de tenter d’identifier des contradictions, réticences et déclarations mensongères faites à d’autres parties. Une question demeure toutefois, à savoir jusqu’où pourra aller la cueillette d’information.