Le 15 septembre 2016, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt très attendu dans le domaine de l'assurance chantier..
Les faits
Le propriétaire de ce qui allait devenir les tours Epcor à Edmonton, Station Lands Ltd. (« Station »), mandate l'entrepreneur général Ledcor Construction Ltd. (« Ledcor ») pour mener à terme le projet de construction.
Pour couvrir les dommages, Station et Ledcor souscrivent une assurance tous risques de type assurance chantier qui bénéficie aussi à tous les sous-traitants.
Vers la fin du projet, les vitres de la tour ont été salies et requièrent un nettoyage. Station embauche alors l’entreprise de lavage de vitres Bristol Cleaning (« Bristol ») qui est responsable de gérer la réalisation des travaux de nettoyage des vitres, incluant la fourniture de ses propres outils, méthodes et produits. Bristol égratigne les vitres qui ont dû être remplacées à un coût de 2,5 M$.
Station et Ledcor présentent des réclamations à leurs assureurs Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, Royal & Sun Alliance du Canada et Chartis du Canada pour le coût de remplacement des vitres. Les assureurs nient couverture en invoquant la clause d'exclusion pour la malfaçon :
[TRADUCTION] |
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« 4(a) | Exclusions Cette police ne couvre pas […] |
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(b) | les coûts de remise en état reliés à l’exécution, aux matériaux ou à la conception défectueux à moins qu’en résultent des dommages physiques non autrement exclus aux termes de la présente police, auquel cas les dommages s’y rapportant seront couverts par la police. » [Nos soulignements.] |
Le jugement de 1re instance
Le Tribunal de première instance1 donne raison aux assurés en concluant que la clause d'exclusion est ambiguë et doit s’interpréter contre les assureurs en vertu du principe d'interprétation contra proferentem.
La Cour d’appel de l’Alberta
La Cour d'appel2 de l’Alberta infirme le jugement de première instance. Elle conclut que la perte matérielle des fenêtres est exclue de la couverture d’assurance puisque ce dommage était connexe et intimement lié à l’exécution de Bristol, et donc qu'il s'agit d’une malfaçon.
La Cour suprême du Canada
La Cour suprême3 renverse la décision de la Cour d’appel de l’Alberta. La garantie initiale d’assurance couvre les dommages matériels. Bien qu’ambiguë, la clause d'exclusion pour la malfaçon contient une exception pour les dommages matériels en découlant. Donc, l'exclusion ne devait viser que les coûts pour reprendre le travail défectueux, ici relaver les vitres.
La Cour suprême rejette l'argument de la Cour d'appel de l’Alberta suivant lequel les dommages matériels auraient une connexité trop grande avec la malfaçon pour empêcher le déclenchement de l'exception. Si tel était le cas, l'assurance chantier serait complètement vidée de son objet qui est de procurer une garantie d’assurance large pour les projets de construction.