Projet de loi 108 : faits saillants à retenir concernant les nouvelles règles et l’Autorité des marchés publics

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M. Carlos J. Leitão, ministre responsable de l’Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes ainsi que président du Conseil du trésor, a présenté, le 8 juin dernier, le Projet de loi 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics.

Ce projet de loi institue l’Autorité des marchés publics qui aura pour mission :

  • d’examiner la gestion contractuelle du ministère des Transports et de tout autre organisme public désigné par le gouvernement;
  • d’effectuer une veille des contrats publics afin d’analyser l’évolution des marchés et pratiques contractuelles des organismes publics et identifier les situations problématiques affectant la concurrence;
  • d’examiner le processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat public à la suite d’une plainte, de sa propre initiative ou sur demande du président du Conseil du trésor.

Il sera désormais possible pour les personnes et sociétés de personnes intéressées par un contrat public de se plaindre du processus d’attribution ou d’adjudication de ce dernier, selon qu’il s’agisse d’un contrat de gré à gré ou d’un contrat octroyé à la suite d’un appel d’offres.

Afin de traiter les plaintes de façon équitable, les organismes publics devront se doter d’une procédure portant sur la réception et l’examen des plaintes, laquelle devra être rendue accessible sur Internet.

Plainte à l’égard du processus d’attribution d’un contrat de gré à gré

Les organismes publics peuvent déroger à la procédure d’appel d’offres applicable aux contrats comportant une dépense égale ou supérieure au seuil de plus de 25 000 $ (contrat d’approvisionnement pour les ministères et organismes) ou de plus de 100 000 $ (contrat de services professionnels et techniques ou de travaux de construction)1 afin de conclure des contrats de gré à gré.

Les organismes publics doivent toutefois alors démontrer qu’ils respectent les objectifs de la Loi sur les contrats des organismes publics2 et que la procédure d’appel d’offres ne servirait pas l’intérêt public.

Dans un tel cas, l’organisme devra désormais, au moins 15 jours avant de conclure le contrat, publier un avis d’intention dans le SE@O afin de permettre à toute entreprise de manifester son intérêt à réaliser ce contrat.

Si une entreprise manifeste son intérêt et est en mesure de réaliser le contrat selon les besoins et obligations énoncés dans l’avis d’intention, l’organisme public devra aller en appel d’offres ou ne pas donner suite à son désir de conclure le contrat de gré à gré.

Si l’organisme public juge que l’entreprise ne répond pas aux exigences de l’avis d’intention, il pourra conclure le contrat avec l’entreprise identifiée au départ.

Dans tous les cas, l’organisme public devra transmettre sa décision à l’entreprise ayant manifesté son intérêt dans un certain délai avant la date prévue pour la conclusion du contrat, en reportant celle-ci au besoin.

Si l’entreprise n’est pas d’accord avec la décision de l’organisme, elle pourra porter plainte à l’Autorité des marchés publics qui pourra, au terme d’une vérification du processus d’attribution du contrat, ordonner à l’organisme public de ne pas donner suite à son intention de contracter de gré à gré ou de recourir à l’appel d’offres public s’il entend conclure le contrat. L’organisme public sera invité à faire part de ses observations et à transmettre les motifs de sa décision.

Précisons qu’en présence de circonstances exceptionnelles, le Conseil du trésor pourra permettre à un organisme public de conclure de gré à gré un contrat visé par une ordonnance de l’Autorité des marchés publics si l’organisme public démontre qu’il est dans l’intérêt public que ce contrat soit ainsi conclu.

Advenant que l’organisme public contrevienne à une ordonnance de l’Autorité des marchés publics ou encore qu’il ait poursuivi le processus d’attribution du contrat avant que l’Autorité n’ait rendu sa décision, cette dernière pourra notifier à l’organisme public un avis indiquant qu’elle résilie de plein droit le contrat.

Plainte à l’égard du processus d’adjudication d’un contrat par appel d’offres

Toute personne intéressée pourra porter plainte auprès d’un organisme public si les documents d’appel d’offres prévoient des conditions qui ne sont pas intègres ou équitables pour les concurrents ou si elles ne permettent pas à des concurrents qualifiés d’y participer. Le processus d’homologation de biens et de qualification de prestataires de services ou d’entrepreneurs pourra également faire l’objet d’une telle plainte.

L’organisme public pourra alors modifier ses documents d’appel d’offres de même que son processus d’homologation ou de qualification, ou rejeter la plainte. Dans tous les cas, il devra transmettre sa décision au plaignant en respectant un certain délai préalable à la date limite de réception des soumissions, en reportant celle-ci, au besoin.

Si le plaignant n’est pas en accord avec la décision de l’organisme public ou si cette décision n’est pas transmise dans le délai prescrit, il pourra porter plainte à l’Autorité des marchés publics qui pourra, au terme d’une vérification du processus d’adjudication du contrat, ordonner à l’organisme public de modifier ses documents d’appel d’offres public ou annuler l’appel d’offres. L’organisme public sera invité à faire part de ses observations et à transmettre les motifs de sa décision.

En présence de circonstances exceptionnelles, le Conseil du trésor pourra cette fois également permettre à un organisme public de poursuivre un appel d’offres public visé par une ordonnance de l’Autorité des marchés publics si l’organisme démontre qu’il est dans l’intérêt public que cet appel d’offres se poursuive.

Advenant que l’organisme public contrevienne à une ordonnance de l’Autorité des marchés publics ou encore qu’il ait poursuivi le processus d’adjudication du contrat avant que l’Autorité n’ait rendu sa décision, cette dernière pourra notifier à l’organisme public un avis indiquant qu’elle résilie de plein droit le contrat.

En plus des pouvoirs mentionnés ci-haut, l’Autorité des marchés publics pourra désigner une personne indépendante pour agir à titre de membre d’un comité de sélection pour l’adjudication d’un contrat public, ordonner à l’organisme public de recourir à un vérificateur de processus indépendant et ordonner à l’organisme public de lui transmettre pour approbation la composition des comités de sélection.

L’Autorité des marchés publics aura également le pouvoir de faire des recommandations au dirigeant 3 de l’organisme public et pourra requérir d’être informée, dans un délai qu’elle détermine, des mesures prises par l’organisme pour donner suite à ses recommandations.

Pouvoirs de vérification et d’enquête de l’Autorité des marchés publics

Dans l’exécution de ses fonctions, l’Autorité des marchés publics pourra :

  • pénétrer dans l’établissement où se trouve l’organisme public ou dans tout autre lieu dans lequel ce dernier peut détenir des documents;
  • utiliser tout ordinateur, tout matériel ou équipement se trouvant sur les lieux pour accéder à des données contenues dans un appareil électronique, un système informatique ou un autre support ou pour vérifier, examiner, traiter, copier ou imprimer de telles données; et
  • exiger des personnes présentes tout renseignement pertinent ainsi que la production de tout livre, registre, compte, contrat, dossier ou autre document s’y rapportant et en tirer copie.

Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics

Les organismes publics auront toujours l’obligation de s’assurer que chaque soumissionnaire ou attributaire n’est pas inscrit au registre des entreprises non admissibles aux contrats publics avant de conclure un contrat visé par l’article 3 de la Loi sur les contrats des organismes publics4.

La loi précisera désormais que les entreprises qui se voient refuser l’octroi ou le renouvellement d’une autorisation de contracter ou pour qui une telle autorisation est révoquée, seront inadmissibles aux contrats publics pour une durée de cinq ans.

À cet égard, actuellement, seules les entreprises qui souhaitent conclure avec un organisme public tout contrat comportant une dépense égale ou supérieure au montant déterminé par le gouvernement5, soit 1 ou 5 millions de dollars selon la catégorie de contrat, doivent obtenir une autorisation préalable de contracter.

Désormais, le gouvernement pourra déterminer qu’une autorisation sera requise, selon des modalités particulières, même si les contrats publics comportent une dépense inférieure au seuil prévu.

Toutefois, le Conseil du trésor pourra permettre à un organisme public de conclure un contrat avec une entreprise inadmissible aux contrats publics s’il est dans l’intérêt public que ce contrat soit exécuté par cette entreprise ou s’il y a urgence et que la sécurité des personnes ou des biens est en cause.

En date de la publication de ce bulletin, le projet de loi est à l’étape d’étude. Ce n’est qu’au moment de son adoption que son contenu final et sa date d’entrée en vigueur seront connus. L’équipe Intégrité d’entreprise de Lavery suivra les développements afin de vous tenir informés.


  1. Article 502 de l’Accord sur le commerce intérieur.
  2. RLRQ c C-65.1. Ces objectifs sont notamment la confiance du public dans les marchés publics, la transparence dans les processus contractuels, le traitement intègre et équitable des concurrents, la possibilité pour les concurrents qualifiés de participer aux appels d’offres des organismes publics, etc.
  3. Selon l’article 30 du projet de loi, la notion de dirigeant réfère, le cas échéant, au sous-ministre, au président ou au directeur général, au conseil d’administration du collège d’enseignement général et professionnel ou d’un établissement d’enseignement de niveau supérieur ou au conseil des commissaires d’une commission scolaire.
  4. Précité note 1. Les contrats visés par l’article 3 sont les suivants lorsqu’ils comportent une dépense de fonds publics :
    1. les contrats d’approvisionnement, incluant les contrats d’achat ou de location de biens
    meubles, lesquels peuvent comporter des frais d’installation, de fonctionnement ou
    d’entretien des biens;
    2. les contrats de travaux de construction visés par la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1) pour lesquels le contractant doit être titulaire de la licence requise en vertu du chapitre IV de cette loi;
    3. les contrats de services, autres qu’un contrat visant l’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux.
    Les contrats suivants sont également visés, qu’ils comportent ou non une dépense de fonds publics :
    1. les contrats de partenariat public-privé conclus dans le cadre d’un projet d’infrastructure à l’égard duquel un organisme public associe un contractant à la conception, à la réalisation et à l’exploitation de l’infrastructure;
    2. tout autre contrat déterminé par règlement du gouvernement. Sont assimilés à des contrats de services, les contrats d’affrètement, les contrats de transport autres que ceux assujettis à la Loi sur l’instruction publique (chapitre I-13.3), les contrats d’assurance de dommages et les contrats d’entreprise autres que les contrats de travaux de construction.
  5. Décret 435-2015 concernant les contrats et sous-contrats de services comportant une dépense égale ou supérieure à 1 000 000 $ ; Décret 793-2014 concernant les contrats de partenariat public-privé comportant une dépense égale ou supérieure à 5 000 000 $ ; Décret 796-2014 concernant les contrats et sous-contrats de services et les contrats et sous-contrats de travaux de construction comportant une dépense égale ou supérieure à 5 000 000 $.
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