Le 11 janvier 2016, Vadim Kazenelson, gérant de projet de la compagnie Metron Construction Corporation (« Metron »), a été condamné à trois ans et demi de prison1. Cette sentence fait suite à la décision rendue le 26 juin 2015 aux termes de laquelle la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré M. Kazenelson coupable des cinq chefs d’accusation qui pesaient contre lui, soit quatre chefs d’accusation de négligence criminelle ayant causé la mort et un chef d’accusation de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles2.
Ce jugement a été rendu à la suite de l’accident survenu en Ontario le 24 décembre 2009, au cours duquel quatre employés de Metron ont perdu la vie lors d’une chute de 14 étages causée par l’effondrement de l’échafaudage suspendu sur lequel ils se trouvaient. Le cinquième employé a été grièvement blessé et le sixième employé, qui portait un harnais de sécurité, a survécu.
Les détails de l’affaire Kazenelson
L’enquête a notamment révélé que le superviseur, décédé lors de l’accident, avait laissé six employés travailler simultanément sur le même échafaudage sans savoir si la structure pouvait supporter leur poids ni vérifier si chacun des employés portait un harnais de sécurité. Dans les faits, l’après-midi de l’accident, seulement deux cordes d’assurance étaient disponibles pour six travailleurs, contrairement à la réglementation et aux règles de l’art applicables.
Dans le jugement portant sur la déclaration de culpabilité de M. Kazenelson, le juge a notamment tiré les conclusions suivantes de la preuve :
- bien que la responsabilité de superviser les employés incombait notamment au superviseur (décédé lors de l’accident), l’accusé, en tant que gérant de projet, était en position d’autorité par rapport à ce superviseur, et exerçait celle-ci le jour de l’accident;
- l’accusé savait pertinemment que chaque travailleur utilisant l’échafaudage devait être attaché à une corde d’assurance;
- l’accusé avait utilisé l’échafaudage au cours de la journée et savait qu’il n’y avait que deux cordes d’assurance pour au moins six travailleurs;
- par la suite, l’accusé n’a pris aucune mesure pour rectifier la situation ni pour s’assurer que les employés n’utilisent pas l’échafaudage sans corde d’assurance.
Étant au courant du fait qu’il y avait un nombre insuffisant de cordes d’assurance, l’accusé avait le devoir de rectifier la situation. En effet, l’article 217.1 du Code criminel3 crée un devoir pour quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessures corporelles pour autrui. L’employeur ou l’individu qui manque à ce devoir peut donc être considéré « avoir omis de faire quelque chose » qu’il était de son devoir d’accomplir et être déclaré coupable de négligence criminelle.
C’est précisément la conclusion qu’a retenue le juge à l’égard de M. Kazenelson dans ses motifs : l’inaction de M. Kazenelson constituait un manquement clair au devoir que lui imposait l’article 217.1 du Code criminel et sa négligence criminelle a contribué de manière significative à l’accident. De plus, le juge conclut qu’il s’agissait d’un cas où l’accusé « [TRADUCTION] connaissait le risque mais a décidé qu’il était dans l’intérêt de Metron de prendre une chance4 ». « En ce qui concerne le caractère moralement reprochable de sa conduite, il s’agit d’une circonstance aggravante significative5 ».
Rappelons qu’en 2013, la compagnie Metron, employeur de M. Kazenelson, qui avait plaidé coupable à l’infraction de négligence criminelle ayant causé la mort, fut condamnée par la Cour d’appel de l’Ontario à payer une amende de 750 000 $ à la suite de cet accident6. Pour plus de détails sur ces jugements, veuillez vous reporter à nos publications antérieures7.
Conclusion
À ce jour, cette condamnation représente la plus lourde sentence d’emprisonnement imposée depuis la modification du Code criminel en 2004; la précédente peine d’emprisonnement la plus sévère avait été de deux ans moins un jour dans l’affaire Scrocca8.
La condamnation de M. Kazenelson illustre la tendance des instances administratives et des tribunaux à imposer des peines de plus en plus lourdes pour des condamnations à des infractions liées à la santé et à la sécurité du travail et ce, dans le but avoué de dissuader les employeurs de prendre la santé et la sécurité du travail à la légère et d’amener l’ensemble des employeurs à investir dans la prévention. Cela se reflète d’ailleurs dans les commentaires du juge dans la décision rendue le 11 janvier 2016 :
« [TRADUCTION] [...] il est évident qu’une peine d’emprisonnement est nécessaire pour dénoncer adéquatement la conduite de M. Kazenelson et pour dissuader d’autres personnes en position d’autorité sur des employés travaillant dans des milieux de travail potentiellement dangereux de manquer à leur devoir légal de prendre les mesures nécessaires pour éviter qu’il n’en résulte de blessures corporelles pour ceux-ci, conformément à l’article 217.1 du Code.9 »
Lavery vous tiendra informé de tout fait nouveau important relativement à cette affaire.
- R. v. Vadim Kazenelson, 2016 ONSC 25.
- R. v. Vadim Kazenelson, 2015 ONSC 3639.
- Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, article 217.1.
- Préc., note 1, par. 33.
- Id., par. 44.
- R. c. Metron Construction Corporation, 2013 ONCA 541.
- Vous pouvez accéder à notre publication relative au jugement de première instance en cliquant ici et à notre publication concernant la décision de la Cour d’appel de l’Ontario en cliquant ici.
- R. c. Scrocca, 2010 QCCQ 8218.
- Préc., note 1, par. 23.