L’élection d’un gouvernement libéral majoritaire le 19 octobre dernier est annonciatrice de nombreux changements à la politique fiscale canadienne, notamment en ce qui a trait aux particuliers. L’un de ces changements qui a fait grand bruit dans le milieu des affaires est sans doute la réforme du régime fiscal applicable aux options d’achat d’actions.
En vertu de l’article 7 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) dans sa forme actuelle, l’avantage réalisé par un employé lors de l’exercice d’options d’achat d’actions est traité comme un revenu d’emploi. Cependant, dans plusieurs cas, l’employé peut réclamer une déduction correspondant à 50 % de cet avantage, ce qui fait en sorte que d’un point de vue économique, il bénéficie d’un traitement similaire au gain en capital relativement à cet avantage imposable.
En règle générale, le moment de l’imposition de l’avantage imposable lié à une option d’achat d’actions concorde avec l’exercice de celle-ci et donc, avec l’acquisition des actions. Cependant, l’imposition est retardée jusqu’au moment de la disposition des actions lorsque la société émettrice de l’option d’achat d’actions est une « société privée sous contrôle canadien » au moment de l’entrée en vigueur du régime d’options d’achat d’actions.
La déduction pour options d’achat d’actions accordées aux employés, une dépense fiscale qui s’est élevée à 750 millions de dollars en 2014 selon les projections du ministère des Finances, a été ciblée par le Parti libéral, car celle-ci favoriserait de façon disproportionnée les contribuables à revenu élevé. D’ailleurs, les changements annoncés à cet égard visent à augmenter les revenus du gouvernement fédéral afin de financer une réduction du fardeau fiscal de la classe moyenne.
Dans leur plate-forme électorale, les libéraux ont fait part de leur intention d’augmenter l’impôt sur les avantages liés aux options d’achat d’actions émises à des employés en instaurant un plafond sur la déduction qui y est applicable. Du même souffle, ils ont toutefois reconnu que les options d’achat d’actions représentent un outil de rémunération utile pour les entreprises en démarrage. Par conséquent, les employés dont l’avantage relatif à des options d’achat d’actions s’élève à 100 000 $ ou moins par année ne seront pas touchés par le nouveau plafond.
Par contre, le programme libéral ne fait aucune distinction entre les options émises par des sociétés publiques et celles émises par des sociétés privées sous contrôle canadien. Aucun détail n’est par ailleurs fourni en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur de cette réforme ni quant aux mesures transitoires applicables aux options déjà émises. Cette incertitude a poussé certaines personnes à conseiller aux détenteurs d’options d’achat d’actions de les exercer dès que possible afin d’éviter les nouvelles règles défavorables qui pourraient s’appliquer dès leur annonce.
Le nouveau ministre fédéral des Finances, l’honorable Bill Morneau, a apporté certaines précisions quant aux intentions du gouvernement à ce sujet lors d’une conférence de presse en marge de la présentation de la Mise à jour des projections économiques et budgétaires le 20 novembre 2015.
Le ministre a indiqué que sa réflexion sur le traitement fiscal des options d’achat d’actions allait se poursuivre au cours des prochains mois. Il a toutefois fourni un éclaircissement important: tout changement s’appliquera uniquement aux options émises à compter du jour de l’annonce de la décision. Par conséquent, toute option émise avant cette date recevra le traitement fiscal qui prévaut actuellement. M. Morneau a précisé lors de la conférence de presse qu’il souhaitait ainsi dissiper toute incertitude et éviter que des décisions soient prises précipitamment par certains contribuables.
Bien que ces précisions doivent être accueillies favorablement, des incertitudes subsistent quant aux modifications précises qui seront apportées au traitement fiscal des options d’achat d’actions. La déclaration du ministre des Finances du 20 novembre dernier indiquant qu’il n’est pas nécessaire que les détenteurs précipitent l’exercice de leurs options d’achat d’actions dans le but d’éviter l’application de nouvelles règles moins avantageuses, il serait préférable que les contribuables prennent une décision réfléchie à cet égard en tenant compte de leur situation fiscale dans son ensemble et des autres changements législatifs à prévoir, comme l’ajout d’un palier d’imposition de 33 % s’appliquant au revenu imposable supérieur à 200 000 $.
Le projet de loi C-2 qu’a présenté le ministre Morneau à la Chambre des communes le 9 décembre 2015 ne traite pas de la réforme du régime fiscal des options d’achat d’actions. Celle-ci sera possiblement annoncée dans le cadre du budget 2016-2017 qui sera rendu public au cours des premiers mois de 2016. Dans l’intervalle, il ne fait aucun doute que les opposants à ces modifications feront entendre leur voix. On peut penser aux entreprises en démarrage qui n’ont souvent pas les moyens d’offrir des salaires concurrentiels et qui comptent sur un régime d’options d’achat d’actions pour attirer et maintenir en poste des employés de haut niveau.
Dans ce contexte, les entreprises qui ont mis en place un régime d’options d’achat d’actions pour leurs employés seraient bien avisées de revoir celui-ci afin de s’assurer que leur politique de rémunération demeure adéquate et concurrentielle à la lumière des modifications à prévoir au traitement fiscal de ces options.