La relève d’entreprise par des gestionnaires

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Compte tenu du contexte démographique québécois, le nombre de transferts d’entreprises connaît une croissance soutenue depuis quelques années. Que ce soit de façon inattendue ou de manière calculée dans le cadre d’un plan de relève, il arrive que certains employés clés démontrent le potentiel et l’ambition de prendre la relève de l’actuel propriétaire. Le présent bulletin Lavery PME explore brièvement certains éléments qui sont particulièrement pertinents dans le contexte d’un transfert d’entreprise à des employés ou dirigeants.

LA VÉRIFICATION DILIGENTE ET LES REPRÉSENTATIONS

Que ce soit dans une situation de vente d’actions ou de vente d’actifs, le processus de vérification diligente permet à l’acheteur d’obtenir un portrait détaillé de la situation de l’entreprise ciblée1. Dans le contexte d’une vente à des employés clés, ce processus est normalement simplifié puisque les acquéreurs connaissent déjà en profondeur les opérations et les perspectives d’affaires de leur employeur.

Ainsi, plusieurs des préoccupations qu’un acquéreur moins familier avec l’entreprise peut légitimement ressentir seront probablement absentes dans le cas d’employés qui se portent acquéreurs de la société au sein de laquelle ils oeuvrent.

Compte tenu de la connaissance exhaustive de l’entreprise que possède un acquéreur qui est employé de celle-ci, le vendeur pourra tenter de réduire le nombre et la portée de ses représentations dans la convention de vente. Les représentations du vendeur portent généralement sur une panoplie de facettes de l’entreprise vendue dont notamment sa situation financière, fiscale et environnementale, l’état de ses actifs, ses relations avec ses employés et l’existence d’un litige actuel ou potentiel ainsi que de changements défavorables pouvant être survenus. Elles constituent un mécanisme de transfert de risques de l’acquéreur vers le vendeur; une représentation qui, à la suite de la clôture de la transaction, s’avérait fausse ou inexacte, donnerait ouverture à un recours de la part de l’acquéreur. L’information imparfaite que possède généralement un acquéreur est donc compensée en partie par les représentations du vendeur. Ce dernier pourra ainsi prétendre que la résorption du déficit d’information de la part de l’acquéreur, dans un contexte de vente à des employés, justifie des limites importantes à la portée temporelle de ses représentations de même qu’à leur nombre et leur étendue.

LE FINANCEMENT

Le transfert d’entreprise à des employés présente souvent un défi particulier au niveau du financement de la transaction. Dans un contexte de vente à un tiers, le vendeur exige normalement de l’acquéreur potentiel qu’il démontre sa capacité d’acquitter le prix de vente. L’acquéreur potentiel doit donc avoir accès à des liquidités suffisantes ou posséder la capacité de financement nécessaire, ce qui n’est généralement pas le cas d’un groupe d’employés. Dans cette situation, la participation du vendeur au financement de la transaction peut devenir la pièce qui permet de résoudre le casse-tête que constitue le montage financier. Cette participation prend typiquement la forme d’un solde de prix de vente payable après la clôture de la transaction selon des modalités convenues entre les parties.

L’existence d’un solde de prix de vente n’est certainement pas limitée au contexte de la vente à des employés; cette approche est cependant presque toujours utilisée dans un tel contexte. Le solde de prix de vente peut, de façon générale, viser deux objectifs : compléter le montage financier et mettre à l’abri du vendeur des fonds que pourrait revendiquer l’acquéreur s’il avait une réclamation à formuler contre le vendeur après la clôture de la transaction. L’importance du second élément ne doit pas être sous-estimée. En effet, il est fréquent qu’un acquéreur qui acquitte le prix de vente en entier à la clôture exige qu’une partie du prix de vente soit entiercée pour une période donnée précisément dans ce but.

Dans le scénario où un solde de prix de vente demeure payable par l’acquéreur après la clôture de la transaction, un vendeur prudent cherchera à protéger sa créance par divers mécanismes, dont nous traitons sommairement dans la section suivante.

LA PROTECTION DU SOLDE DE PRIX DE VENTE

Un vendeur soucieux de protéger sa créance cherchera souvent à inclure, dans la convention de vente, des mécanismes de surveillance et de contrôle. Ainsi, le vendeur pourra exiger de l’acheteur que des états financiers lui soient régulièrement remis afin de lui permettre de surveiller l’évolution de la situation financière de l’entreprise. Comme corollaire de ce qui précède, des exigences quant au maintien de certains ratios financiers peuvent permettre au vendeur d’exiger le remboursement de son solde de prix de vente si la situation financière de l’entreprise devait se détériorer. Toutefois, il est à noter que les institutions financières ayant participé au financement de la transaction et des activités de l’entreprise sont susceptibles d’imposer des restrictions à cet égard.

Une autre mesure destinée à protéger la créance du vendeur consiste à assujettir la prise de certaines décisions susceptibles d’influer négativement sur la situation financière de l’entreprise à l’obtention du consentement du vendeur. Ce mécanisme permet au vendeur d’exercer un certain contrôle sur les liquidités disponibles dans le but de s’assurer que l’acquéreur détient les fonds requis pour acquitter le solde du prix de vente. En l’absence d’un tel consentement, l’entrée en vigueur de l’une ou l’autre des décisions visées constitue généralement un cas de défaut dont la survenance entraînera la perte du bénéfice du terme. En d’autres mots, la totalité du solde du prix de vente deviendra due et exigible à compter d’un tel défaut.

Afin de garantir le remboursement du solde du prix de vente, le vendeur peut exiger que certains biens de l’entreprise soient grevés d’une hypothèque. Bien que les institutions financières qui auront participé au financement de la transaction ou des activités de l’entreprise exigeront, afin de garantir le remboursement de leurs créances, des hypothèques de rang antérieur, le vendeur détiendra néanmoins une sûreté réelle lui conférant un droit de préférence par rapport aux créanciers non garantis.

Il existe d’autres mécanismes de protection du solde du prix de vente; une analyse poussée de ceux-ci dépasse le cadre de ce bref article, mais ils comprennent généralement des cautionnements de la part des actionnaires de l’acquéreur ou de personnes morales qui lui sont liées, une assurance-vie contractée sur la tête de l’acquéreur ou de ses dirigeants et, dans l’éventualité où le vendeur demeure actionnaire de la société exploitant l’entreprise vendue jusqu’au paiement complet et définitif du prix de vente, l’inclusion dans une convention entre actionnaires de droits de veto en faveur du vendeur à l’égard de certaines décisions et la souscription par le vendeur à des actions conférant le contrôle effectif. L’utilisation de l’un ou l’autre de ces mécanismes est tributaire de plusieurs facteurs dont notamment le pouvoir de négociation de chacune des parties, l’importance du solde de prix de vente ainsi que la volonté des parties d’effectuer un réel transfert du contrôle de l’entreprise à compter de la date de clôture.

CONCLUSION

L’un des objectifs de toute opération d’achat-vente est l’atteinte d’un équilibre entre les intérêts du vendeur, qui souhaite limiter sa responsabilité et garantir sa créance, et ceux de l’acheteur, qui souhaite obtenir une protection à l’égard des représentations et garanties faites par le vendeur et gérer ses liquidités sans trop d’ingérence de la part de ce dernier. La vente d’une entreprise à des employés s’inscrit dans cette même tendance, bien qu’elle présente des particularités qui lui sont propres.


1 Le lecteur est invité à consulter le bulletin Lavery PME, numéro 24 (mars 2015) dans lequel Me Valérie Boucher et Me Catherine Méthot traitent des principales étapes d’une vente d’entreprise.

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