La prise de sûretés au Québec : d’importants changements à considérer

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Le 20 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté la Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 (L.Q. 2015, c. 8). Parmi les nombreux amendements introduits par cette loi (la « Loi »), certains portent sur la prise de sûretés au Québec. Ce bulletin vise à vous informer d’importants changements à considérer dans le cadre de financements.

FINANCEMENT DES ENTREPRISES :
HYPOTHÈQUE EN FAVEUR D’UN FONDÉ DE POUVOIR (ARTICLE 2692 DU CODE CIVIL DU QUÉBEC)

Depuis son entrée en vigueur en 1994, cet article du Code civil du Québec (le « Code civil » ou « C.c.Q. ») est fréquemment utilisé dans le cadre des prêts syndiqués, permettant ainsi aux nouveaux prêteurs se joignant au syndicat (à la suite, par exemple, d’une cession effectuée dans le cadre de la syndication d’une facilité de crédit) ou aux créanciers d’obligations futures (celles naissant notamment de crédits rotatifs, faisant l’objet de déboursements et de remboursements fréquents) de bénéficier d’une hypothèque consentie à un représentant des créanciers, appelé « fondé de pouvoir ».

L’hypothèque créée en vertu de cet article devait obligatoirement garantir le paiement d’obligations (débentures) ou d’autres titres d’emprunt, et être constituée par acte notarié en minute. Dans le cadre de prêts syndiqués ne comportant aucune émission d’obligations ou de titres d’emprunt, il était fréquent de recourir à l’émission et au gage d’une débenture par l’emprunteur ou un autre constituant, afin de bénéficier des dispositions de l’article 2692 du Code civil.

Les amendements apportés à l’article 2692 C.c.Q., en vigueur depuis le 21 avril dernier, ont notamment :

  • éliminé la nécessité de recourir à l’émission et au gage de débentures (sans par ailleurs l’interdire), en permettant que l’hypothèque puisse garantir directement l’exécution d’obligations créées aux termes des ententes de crédit;
  • précisé les modalités entourant la nomination et le remplacement du fondé de pouvoir; et
  • confirmé la nécessité que l’hypothèque soit créée par acte notarié en minute, à moins qu’il ne s’agisse d’une hypothèque mobilière avec dépossession.


Tant les emprunteurs que les prêteurs bénéficieront des amendements ainsi apportés à l’article 2692 du Code civil, qui simplifient la prise de sûretés, notamment dans le cadre de prêts syndiqués ou de financements effectués depuis l’étranger.

HYPOTHÈQUES AVEC DÉPOSSESSION SUR CERTAINES CRÉANCES PÉCUNIAIRES

La Loi prévoit une nouvelle manière (plus efficace et inspirée du droit américain) de créer une sûreté sur des sommes d’argent et confère à cette sûreté un rang privilégié. Cette sûreté vise soit les sommes d’argent au crédit d’un compte financier (tel un compte de dépôt tenu par une institution financière), soit des sommes remises aux fins de garantie à un tiers (personne physique ou morale, institution financière ou non), soit une somme d’argent due par le créancier garanti à la personne qui crée la sûreté. Dans tous les cas, la sûreté porte sur la créance appartenant à celui qui la crée (« créance pécuniaire »). Comme toute autre hypothèque, l’obligation garantie peut être celle de celui qui crée la sûreté ou celle d’un tiers.

Cette sûreté est un gage (ou « hypothèque mobilière avec dépossession ») opposable aux tiers sans inscription au Registre des droits personnels et réels mobiliers, la « dépossession » s’effectuant par la « maîtrise » que doit obtenir le créancier relativement à la créance pécuniaire.

Si la créance pécuniaire grevée est due par le créancier garanti à la personne qui crée la sûreté, la maîtrise s’obtient par le consentement de cette personne à ce que sa créance garantisse l’exécution d’une obligation envers ce créancier.

Si la créance pécuniaire grevée est due par un tiers, la maîtrise s’obtient soit par la conclusion d’un accord de maîtrise avec ce tiers, en vertu duquel ce dernier conviendra notamment de se conformer aux instructions du créancier garanti, sans le consentement additionnel de la personne qui crée la sûreté (le tiers n’étant toutefois pas tenu de conclure pareil accord), soit en devenant titulaire du compte financier dont le solde créditeur représente la créance pécuniaire.

Il est important de noter que ni le consentement du constituant ni celui du tiers ne doivent être exprimés par écrit : le recours à un écrit sera toutefois souhaitable pour établir l’intention des parties.

La Loi établit également le rang des hypothèques qui affectent les créances pécuniaires. Elle stipule que l’hypothèque mobilière avec dépossession qui sera opérée par la maîtrise d’une créance pécuniaire prendra rang, dès l’obtention de la maîtrise, avant toute autre hypothèque mobilière grevant cette créance, quel que soit le moment où cette hypothèque a été publiée (notamment les hypothèques mobilières sans dépossession publiées au Registre des droits personnels et réels mobiliers) et précise le rang qu’occuperont plusieurs hypothèques mobilières avec dépossession grevant une même créance pécuniaire (article 2713.8 du Code civil).

Notons également le nouvel article 3106.1 du C.c.Q. qui précise la loi qui gouvernera la validité d’une sûreté grevant une créance pécuniaire, sa publicité et les effets de cette publicité, selon que cette loi soit ou non spécialement désignée dans un acte régissant telle créance.

Bien que les amendements portant sur l’instauration du nouveau régime d’hypothèque avec dépossession sur certaines créances pécuniaires n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2016, l’article 372 de la Loi précise que certaines hypothèques mobilières avec dépossession opérées par la maîtrise du créancier sur des créances pécuniaires ne pourront être annulées ou déclarées inopposables aux tiers aux motifs que cette maîtrise a été obtenue antérieurement au 1er janvier 2016.

Les créanciers ont donc tout intérêt à considérer dès maintenant l’acquisition de la maîtrise sur une créance pécuniaire, même si cette dernière ne sera valide qu’à compter du 1er janvier 2016. Il est à prévoir que la pratique des institutions financières devra s’ajuster à ces nouvelles façons de faire.

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