Prévoyez-vous embaucher cette année? Que faire lorsqu’un employé a exagéré ses compétences et ne livre pas la marchandise?

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Une décision récente1 de la Commission des relations du travail (« CRT ») met en lumière la situation d’un employeur aux prises avec un employé qui a exagéré ses compétences au cours de son entrevue d’embauche et se révèle par la suite incapable de réaliser les objectifs de rendement liés à son poste. Dans cette affaire, Valeurs mobilières Banque Laurentienne inc. (« Laurentienne ») s’est défendue avec succès dans le cadre d’un recours pour congédiement sans cause juste et suffisante intenté par cet ancien employé.

Les faits de l’affaire sont les suivants. Pendant plusieurs années, l’employé avait connu un grand succès comme conseiller en placement chez Desjardins Gestion de Patrimoine (« Desjardins »). Au cours d’une entrevue d’embauche avec le vice-président de Laurentienne, l’employé avait estimé être en mesure de transférer chez Laurentienne 75 % de son portefeuille d’une valeur de 37 millions de dollars d’actifs sous gestion. Son potentiel de rendement a donné lieu à une offre d’emploi de la part de Laurentienne et lui a permis de négocier une rémunération et des avantages sociaux enviables.

Au cours des premiers jours de son nouvel emploi, lesquels sont critiques au point de vue de la rétention de clients, l’employé n’a fait que des efforts minimes pour récupérer la clientèle qu’il avait bâtie au cours des années. De fait, peu de clients ont transféré leurs actifs pour le suivre chez Laurentienne et après plusieurs mois à son nouvel emploi, l’employé était loin d’atteindre ses objectifs de rentabilité initiaux.

La disparité entre son rendement et la rentabilité que l’on attendait de lui s’est amplifiée au fil des évaluations de rendement annuelles. Les efforts déployés par Laurentienne pour le soutenir vers l’atteinte de ses objectifs – l’encourager à utiliser son budget de développement des affaires, préparer un plan d’affaires, etc. – se sont révélés infructueux. Après trois ans d’emploi, Laurentienne l’a congédié au motif qu’il ne respectait pas les exigences de l’emploi.

Du point de vue de l’employé, son manque de succès était le résultat d’une série de facteurs externes qui étaient totalement indépendants de ses compétences (à titre d’exemple, son bureau était à aire ouverte, ce qui faisait en sorte qu’il ne pouvait bénéficier de la confidentialité nécessaire pour appeler ses clients; on lui a refusé d’être transféré au sein d’une filiale; Laurentienne a embauché le conseiller en placement de qui il avait acheté la clientèle il y a plusieurs années et ce nouvel employé aurait injustement sollicité ses clients; un de ses anciens partenaires chez Desjardins l’aurait diffamé en expliquant pourquoi ses clients ont rompu leur relation avec lui suite à son transfert chez Laurentienne). De plus, l’employé a invoqué son état de santé comme facteur atténuant; la pression au travail aurait causé une dépression, laquelle est responsable de sa faible motivation à solliciter de nouveaux clients.

Les multiples explications données par l’employé pour expliquer sa mauvaise performance n’ont pas convaincu la CRT. Au contraire, l’employé fut considéré comme un vétéran dans son domaine, bien informé des attentes à l’égard de sa performance. Cette grande expérience semble avoir été déterminante pour la CRT dans son appréciation de la preuve, tel qu’illustré par le résumé suivant de sa grille d’analyse.

Dans le cas d’un congédiement administratif, l’employeur a le fardeau de démontrer la présence d’une cause juste et suffisante de congédiement. La CRT doit notamment s’assurer que les mesures prises par l’employeur ne sont pas arbitraires, discriminatoires ou déraisonnables et que l’employeur s’est acquitté des obligations que lui impose la jurisprudence. Au terme de son analyse des mesures prises par Laurentienne eu égard aux critères applicables, la CRT a déterminé ce qui suit :

  • L’employé a-t-il été informé des politiques de la compagnie et des attentes de l’employeur à son endroit ?
    L’employé était expérimenté dans le secteur des services financiers et familier avec les exigences d’emploi d’un conseiller en placement. De plus, les objectifs fixés par la Laurentienne étaient usuels pour un poste de cette nature. Dans les circonstances, la CRT a conclu que les attentes de Laurentienne étaient raisonnables et suffisamment transparentes.
  • Les lacunes de l’employé lui avaient-elles été préalablement signalées ?
    L’employé avait été informé à plusieurs reprises, formellement et informellement, que son rendement était inadéquat. On lui a même signalé par écrit qu’il devait préparer un plan d’affaires pour améliorer son rendement au travail.
  • L’employé a-t-il reçu le soutien nécessaire pour remédier à ses lacunes et atteindre ses objectifs de rendement ?
    Laurentienne a fourni à l’employé le soutien approprié pour lui permettre de réaliser ses objectifs (par exemple, l’utilisation d’un fonds de développement des affaires, le lancement d’une campagne publicitaire, le travail en collaboration avec d’autres conseillers, etc.).
  • L’employé a-t-il disposé d’une période de temps raisonnable pour s’ajuster ?
    Laurentienne a conservé l’employé à son service pendant trois ans et celui-ci a été avisé de ses lacunes au moins dès sa première évaluation annuelle. Il a donc bénéficié d’une période de temps raisonnable pour ajuster son rendement.
  • L’employé a-t-il été avisé du fait que le défaut d’améliorer son rendement entraînerait son congédiement ?
    L’employé ne pouvait prétendre qu’il n’avait pas vu venir son congédiement. Il avait été clairement informé que son emploi était en péril suite à sa deuxième évaluation annuelle.

Cette décision rappelle aux employeurs l’importance de définir des objectifs de rendement fermes et raisonnables dès le début de la relation d’emploi. Si un congédiement pour rendement insuffisant devient inévitable, en cas de litige, l’employeur devra démontrer que l’employé a été informé de ses lacunes au niveau de la performance, qu’il a obtenu le support nécessaire pour atteindre ses objectifs et qu’il a été informé qu’à défaut de s’améliorer, son emploi serait en péril. Bien qu’un tel processus puisse exiger temps et patience, il est nécessaire afin d’éviter une éventuelle responsabilité découlant d’une conclusion de congédiement sans cause juste et suffisante.

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1 Daniel Denis c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne inc., 2014 QCCRT 0517.

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