Dans un arrêt unanime du 4 septembre 20141, la Cour d’appel confirme que le délai de 45 jours prévu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux2 pour permettre au médecin examinateur ainsi qu’au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services de traiter la plainte d’un usager n’est pas impératif, mais qu’il sert plutôt à indiquer le choix du législateur qu’il soit procédé avec diligence au traitement de celle-ci.
Cet arrêt fait suite à un jugement d’avril 2013 de la Cour supérieure qui en était arrivé à la même conclusion3.
Les faits sont simples : un médecin visé par une plainte estimait qu’à l’expiration d’un délai de 45 jours, le médecin examinateur qui n’avait pas encore procédé au traitement de cette plainte et n’avait émis aucune conclusion à son sujet perdait compétence. À toutes fins utiles, cette plainte devenait alors caduque à moins que le plaignant ne se prévale de son droit d’en saisir un comité de révision. En l’espèce, le médecin examinateur avait décidé que la plainte devait faire l’objet d’une étude à des fins disciplinaires et avait transmis le dossier aux instances concernées 22 jours après l’expiration du délai.
Il faut souligner que la LSSSS ne contient aucune autre disposition prévoyant un délai dans lequel les différentes instances disciplinaires compétentes seraient tenues de statuer sur l’imposition de sanctions à l’endroit d’un médecin. La LSSSS ne prévoit pas davantage d’indication sur le délai dans lequel une plainte peut être portée. Si la position du médecin avait été retenue, il en aurait résulté que, tout au long d’un processus qui n’est balisé par aucun délai particulier, le dépassement du délai initial de 45 jours constituerait un événement tellement déterminant que la plainte ne pourrait plus être traitée.
Tout comme l’avait fait la Cour supérieure, la Cour d’appel reconnaît que l’objectif principal du régime de traitement des plaintes des usagers est «l’exercice simple et efficace de leurs droits par les usagers ». Interpréter le délai de 45 jours pour le traitement d’une plainte de la manière suggérée par le médecin priverait en somme le plaignant du droit au traitement de sa plainte alors qu’il n’a rien à se reprocher. Ce serait ainsi faire échec à la finalité recherchée par le Législateur, qui n’a du reste employé aucun terme qui permettrait de conclure qu’il ait voulu conférer un caractère impératif à ce délai.
En fait, la Cour d’appel retient que le délai a plutôt été prévu, certes, pour indiquer que celui qui y est soumis doit agir avec diligence, mais principalement pour être le déclencheur du droit du plaignant de provoquer l’accélération du traitement de sa plainte puisqu’il peut, dès son expiration, saisir le comité de révision, celui-ci agissant, pour reprendre les termes de la Cour, comme « un comité de surveillance ».
L’arrêt de la Cour d’appel a une portée qui va bien au-delà de l’affaire immédiate puisque ce sont toutes les plaintes des usagers, et non pas uniquement celles qui concernent des médecins, dentistes ou pharmaciens, qui devraient être traitées dans le délai imparti. Or la Cour a fait écho à la réalité observée dans plusieurs milieux selon laquelle une variété de facteurs pouvaient expliquer que le médecin examinateur ou le commissaire aux plaintes n'étaient pas en mesure de formuler les conclusions recherchées dans le délai de 45 jours. Ces facteurs peuvent être attribuables au plaignant, à la personne visée par la plainte ou à des événements de toute nature. La Cour souligne à cet égard que le médecin examinateur n’a pas de véritable pouvoir de contrainte et que malgré son souhait de procéder avec diligence, le comportement de tiers pouvait l’en empêcher.
Cela dit, il faut garder à l’esprit que le délai de 45 jours, malgré son caractère indicatif, demeure l’expression de la volonté du Législateur que les plaintes des usagers soient traitées rapidement. L’arrêt de la Cour d’appel reconnaît certes au médecin examinateur la compétence de continuer à traiter une plainte malgré l’expiration de ce délai, mais il y est bien précisé que celui-ci a l’obligation de procéder avec toute la diligence possible.
_________________________________________
1 Liu c. Comité de discipline du Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville, 500-09-023569-130, 4 septembre 2014.
2 RLRQ, c. S-4.2.
3 Liu c. Comité de discipline du Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville, 2013 QCCS 1856.
Écrit par
-
Avocat-conseil