En septembre 2012, nous avons annoncé que la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait rendu un jugement1 qui confirme qu’une politique adoptée par une société qui vise à imposer un processus de mise en candidature préalable à une assemblée des actionnaires était raisonnable et ne brimait pas les droits des actionnaires à l’égard de l’élection des administrateurs d’une société (une « politique de préavis »). Nous avions alors conclu qu’une politique de préavis était un outil qui pouvait contrer ou baliser les courses aux procurations et les mises en candidature qui se font parfois par embuscade. Neuf mois plus tard, nous constatons que des politiques de préavis ont été adoptées par plusieurs sociétés publiques canadiennes et que des sociétés d’expertise-conseil en matière de procurations comme l’Institutional Shareholder Services Inc. (« ISS ») et Glass Lewis & Co, LLC (« Glass Lewis ») ont largement appuyé leur adoption.
Par ailleurs, puisque plusieurs sociétés publiques canadiennes cherchent toujours à mettre en oeuvre d’autres moyens de défenses raisonnables pour se prémunir des courses aux procurations, nous tenons à souligner que Canadian Oil Sands Limited et d’autres sociétés publiques canadiennes ont récemment adopté au cours de leur assemblée annuelle et extraordinaire des actionnaires un « règlement administratif de quorum renforcé », en plus d’une politique de préavis. Ce règlement administratif de quorum renforcé exige qu’un minimum de deux actionnaires détenant au moins la majorité des actions ordinaires émises et en circulation (un « quorum renforcé ») soient présents ou représentés par procuration à une assemblée au cours de laquelle un actionnaire propose de remplacer au moins la moitié du conseil d’administration avant que l’assemblée ne puisse être tenue et que les délibérations ne soient considérées comme valables.
Cette exigence s’éloigne de la pratique courante, selon laquelle les émetteurs sont généralement assujettis à une exigence en matière de quorum pour les assemblées des actionnaires qui correspond à 10 % des actions émises et en circulation, représentées en personne ou par procuration. L’exigence d’un quorum renforcé vise à assurer l’admission au suffrage de tous les actionnaires et à s’assurer que ceux-ci représentent un nombre important d’actions au cours des assemblées des actionnaires lorsqu’un tel changement fondamental des activités et de la direction stratégique d’une société peut se produire. Des règlements administratifs de quorum renforcé ont récemment été adoptés par au moins quatre sociétés publiques canadiennes.
Un quorum renforcé permettrait d’encadrer le droit fondamental des actionnaires d’apporter des changements importants au conseil d’administration d’une société publique. À défaut d’un quorum renforcé pendant les délibérations au cours d’une assemblée où ce quorum est exigé, ceux qui sont présents et habilités à voter constitueront le quorum aux fins i) d’expédition de toutes les affaires autres que celles concernant l’élection des administrateurs, et ii) d’interruption et de reprise de cette assemblée. L’assemblée ne peut être interrompue que deux fois et reprise qu’au plus tard 65 jours, au total, après les interruptions. Si le quorum renforcé n’existe pas à l’ouverture de la deuxième reprise de l’assemblée, le cas échéant, les actionnaires présents et habilités à voter formeront quorum pour la disposition des affaires lors de la reprise de l’assemblée, y compris en ce qui a trait à l’élection des administrateurs.
Le concept de quorum renforcé a été intégré par quelques autres sociétés canadiennes comme Open Text Corporation, Rutter Inc. et Enghouse Systems Limited dans le cadre de leur politique respective de vote à la majorité. Les politiques de votes à majorité prévoient généralement que si les votes en faveur de l’élection d’un candidat au poste d’administrateur au cours d’une assemblée des actionnaires représentent moins que la majorité ( 50 % ) des droits de vote exercés ou ayant fait l’objet d’une abstention, le candidat soumettra sa démission promptement après l’assemblée, laquelle sera étudiée par la société. Les politiques de votes à majorité des sociétés susmentionnées s’appliqueraient seulement dans le cas d’une élection non contestée au cours de laquelle plus de 65 % des droits de vote rattachés aux actions ordinaires en circulation ont été exercés par les détenteurs en personne et par procuration.
Il est raisonnable de croire que ISS et Glass Lewis appuieront généralement l’adoption des règlements administratifs de quorum renforcé. À l’instar des politiques de préavis, les règlements administratifs de quorum renforcé semblent être une autre réponse à l’activisme des actionnaires qui s’accroît et gagne en popularité au Canada. Les règlements administratifs de quorum renforcé seront particulièrement avantageux pour les petits émetteurs comme cela a été le cas avec les politiques de préavis.
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1 Northern Minerals Investment Corp. v. Mundoro Capital Inc., 2012 BCSC 1090 [Mundoro Capital].