Obligations environnementales : administrateurs et dirigeants, vos responsabilités sont peut-être plus importantes que vous ne le pensiez
De manière générale, les administrateurs et les dirigeants d’une personne morale ont des obligations et responsabilités en lien avec les activités de cette personne morale. Ainsi, tout administrateur d’une personne morale doit agir avec prudence, diligence, honnêteté, loyauté et dans l’intérêt de cette personne morale1. Le dirigeant d’une personne morale, pour sa part, a pour mission de la représenter et de diriger ses activités.2 Cela dit, l’administrateur et le dirigeant doivent garder à l’esprit que ces devoirs et responsabilités sont accrus et qu’un fardeau plus lourd leur est imposé lorsqu’il est question de s’assurer du respect de certaines lois environnementales. Depuis son entrée en vigueur le 12 mai 2022, l’application de diverses lois environnementales3 est assurée par la Loi sur certaines mesures permettant d’appliquer les lois en matière d’environnement et de sécurité des barrages (« LMA »). La LMA prévoit essentiellement deux types de conséquences pour les actes des administrateurs, dirigeants, et même, parfois, autres représentants de personnes morales : certaines impliquent un fardeau particulier quant au respect des lois environnementales et d’autres impliquent des conséquences en lien avec l’administration du régime d’autorisations environnementales. La responsabilité des administrateurs et dirigeants quant au respect des lois environnementales Les dispositions pénales de la LMA prévoient des peines accrues pour les administrateurs lorsqu’ils commettent une infraction à une loi environnementale. L’article 47 LMA prévoit que lorsqu’une infraction est commise par un administrateur ou un dirigeant d’une personne morale, les montants minimal et maximal des peines sont le double de ceux qui sont prévus pour une personne physique. Par ailleurs, il importe de rappeler que lorsqu’une personne morale commet une infraction à une loi environnementale, tout administrateur ou dirigeant est présumé avoir commis lui-même cette infraction à moins qu’il n’établisse avoir fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration.4 La LMA ajoute que quiconque aide une personne (que ce soit par un acte ou une omission) à commettre une infraction, ou l’amène par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre à commettre une telle infraction, commet lui-même cette infraction et est passible de la même peine que celle qui est prévue pour la personne qu’il a aidée ou amenée à commettre l'infraction5. Cette règle s’applique évidemment aux administrateurs et dirigeants de la personne morale, mais ne se limite pas à ceux-ci. Par exemple, un ingénieur ou un conseiller juridique qui prodiguerait un conseil à une personne morale l’amenant ainsi à commettre une infraction à une loi environnementale serait également visé. Enfin, lorsqu’une personne morale est en défaut de payer une somme due6, les administrateurs et les dirigeants sont solidairement tenus avec celle-ci au paiement de cette somme. Ils peuvent toutefois se libérer de cette obligation en faisant la démonstration qu’ils ont fait preuve de prudence et de diligence pour prévenir le manquement qui a donné lieu à la réclamation.7 Cette règle pourrait notamment trouver application dans le cas où la personne morale est insolvable, ce qui illustre bien l’importance d’une saine gestion et d’une certaine anticipation des enjeux environnementaux auxquels la personne morale est susceptible de faire face. Le comportement des administrateurs, dirigeants et actionnaires et le régime d’autorisation environnementale La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) met en place un régime d’autorisation ministérielle visant à encadrer l’exercice de certaines activités considérées comme susceptibles d’avoir un impact sur la qualité de l’environnement.8 Ce régime d’autorisation est discrétionnaire. Lorsqu’une activité est visée par ce régime d’autorisation ministérielle, elle ne peut être exercée légalement sans que l’autorisation requise n’ait été préalablement émise. L’importance de détenir et de conserver cette autorisation est par conséquent fondamentale pour le maintien des activités de l’entreprise. Or, selon la LMA, le ministre de l’Environnement9 peut refuser de délivrer, de modifier ou de renouveler une autorisation ministérielle ou encore décider de modifier, de révoquer, d’annuler ou de s’opposer à la cession de cette autorisation dans certaines situations liées au comportement des administrateurs, dirigeants et actionnaires10 de la personne morale titulaire de l’autorisation.11 Les situations permettant au ministre d’intervenir de cette manière sont, par exemple, celles où l’un des administrateurs, dirigeants ou actionnaires de la personne morale : a produit une déclaration, un document ou un renseignement faux ou dénaturé ou a omis de déclarer un fait important pour la délivrance, le maintien, la modification, le renouvellement ou la cession d’une autorisation; est en défaut de respecter une injonction rendue en vertu d’une loi relevant du ministre de l’Environnement; est en défaut de payer une somme due en vertu d’une loi relevant du ministre de l’Environnement (incluant les sanctions administratives pécuniaires ou tous autres frais qui doivent être payés en vertu de ces lois); a été déclaré coupable d’une infraction à une loi relevant du ministre de l’Environnement ou à l’un de ses règlements; a été déclaré coupable d’une infraction à une loi fiscale ou d’une infraction criminelle liée à l’exercice d’activités visées par l’autorisation.12 Ainsi, le comportement d’administrateurs, dirigeants ou actionnaires pourrait entraîner des répercussions sur les droits et les obligations d’une personne morale relativement à l’exercice d’activités autorisées par le ministre. En outre, il pourrait nuire à la cession d’une autorisation dans le contexte d’une vente d’actifs, voire l’empêcher. Les administrateurs et dirigeants ont tout intérêt à s’assurer que la personne morale respecte les lois environnementales. Il en va évidemment de l’intérêt de la personne morale elle-même, mais aussi de celui des administrateurs et dirigeants, dont la responsabilité personnelle ainsi que le patrimoine pourraient être mis en jeu en cas de défaut de la part de la personne morale. Articles 321 et 322 du Code civil du Québec. Article 312 C.c.Q. Ces lois environnementales sont : la Loi sur la qualité de l’environnement, la Loi visant l’augmentation du nombre de véhicules automobiles zéro émission au Québec afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants, la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, la Loi sur les pesticides et la Loi sur la sécurité des barrages (article 1 LMA). Article 51 LMA Article 49 LMA La somme due peut notamment être une sanction administrative pécuniaire, une amende, une compensation financière exigée en vertu d’un avis d’exécution, etc. Article 66 LMA; En outre, selon l’article 67 LMA, le remboursement d’une somme due est garanti par une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles du débiteur, en l’occurrence, l’administrateur et le dirigeant de la personne morale. Article 22 LQE. La Loi prévoit par ailleurs que certaines activités répertoriées au Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement peuvent bénéficier du régime plus souple de la déclaration de conformité ou même d’une exemption. Il n’est toutefois pas nécessaire d’entrer dans le détail de ces régimes pour les fins du présent texte. Conformément à l’article 2 des Modalités de signature de certains documents du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (M-30.001, r.1), les sous-ministres adjoints, les directeurs généraux, le secrétaire général, les directeurs, les directeurs régionaux et les directeurs adjoints sont également autorisés à signer des documents faisant état de décisions en cette matière. Pour les fins de l’application de ces dispositions de la LMA, l’actionnaire est la personne physique détenant, directement ou indirectement, des actions conférant 20 % ou plus des droits de vote d’une personne morale qui n’est pas un émetteur assujetti à la Loi sur les valeurs mobilières (article 2 LMA). Sauf en cas d’urgence, une telle décision du ministre doit faire l’objet d’un préavis à la personne visée afin de lui permettre de présenter ses observations (article 39 LMA). Par la suite, la décision du ministre est notifiée à la personne concernée (article 40 LMA) qui peut la contester devant le Tribunal administratif du Québec (articles 40 et 41 LMA). Voir les articles 32 à 36 LMA