Romeo Aguilar Perez Avocat principal

Romeo Aguilar Perez Avocat principal

Bureau

  • Montréal

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514 877-2945

Admission au barreau

  • Québec, 2016

Langues

  • Anglais
  • Espagnol
  • Français

Secteurs de pratique

Profil

Avocat principal, CRHA

Romeo Aguilar Perez, CRHA, est membre du groupe de droit du travail et de l’emploi.

Dans le cadre de sa pratique, il conseille des employeurs issus des milieux public, parapublic et privé en ce qui a trait à toutes les facettes de la relation d’emploi et de la gestion du capital humain. Il se spécialise particulièrement en matière de litiges relatifs à l’emploi, de dossiers d’arbitrage de griefs, de relations de travail, de normes du travail, de droit de la personne, d’enquêtes administratives, de santé et de sécurité au travail et d’infractions pénales de la CNESST entendues à la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale. Son expertise est fréquemment sollicitée en matière de gestion et de traitement de plaintes de harcèlement psychologique ou sexuel au travail.

Me Aguilar Perez détient une maîtrise en droit portant sur le droit à la vie privée dans le cadre de l’utilisation des réseaux sociaux.

Publications

  • Co-auteur, « Minimaliste! » : la Cour d’appel sabre dans l’obligation de loyauté après la cessation d’emploi, Guy Lavoie et Romeo Aguilar Perez, 18 novembre 2021
  • Votre convention collective est-elle réellement équivalente ou plus avantageuse que la Loi sur les normes du travail en termes de congés rémunérés? - 2021
  • Employeurs de juridiction fédérale, le nouveau Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail entre en vigueur dans quelques mois – préparez-vous! - 2020
  • Comment mobiliser un syndicat en contexte économique difficile - 2020
  • Aurez-vous besoin de tous vos employés lors de la reprise des activités? Sinon, le régime juridique du licenciement collectif doit être pris en compte - 2020
  • Le Code canadien du travail fait peau neuve : aperçu des principales modifications à la partie III - 2019
  • Collaboration entre la CNESST et la CDPDJ en matière de harcèlement discriminatoire : ce que tout employeur doit savoir - 2019
  • Le Code canadien du travail fait peau neuve : aperçu des principales modifications en matière de harcèlement et de violence au travail - 2019
  • Coauteur, « Contrer le harcèlement : une affaire d’équipe avec en son centre le gestionnaire de proximité », Revue RH – Hors-série 2018, Ordre des CRHA
  • Coauteur, « Tout ce qu’il faut savoir sur les renseignements personnels en matière d’emploi – Volet I : Processus d’embauche de l’employeur », dans les Développements récents sur les 20 ans de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, Cowansville, Éditions Yvon Blais
  • Coauteur, « La médecine à l’ère des médias », Santé inc.

Formation

  • LL.M., Université McGill, 2015
  • LL.B., Université du Québec à Montréal, 2014

Conseils et associations

  • Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec (CRHA) depuis 2018
  • Mentor dans le cadre du programme Grands Frères Grandes Sœurs du Grand Montréal depuis 2017
  1. Harcèlement et violence en milieu de travail : un survol des récentes modifications législatives découlant du projet de loi 42

    Introduction Alors que des statistiques nous apprenaient que près d’une femme sur deux et environ trois hommes sur dix considèrent avoir déjà été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle en milieu de travail1, le ministre du Travail a exprimé, depuis 2020, sa volonté de contribuer à la prévention de ce fléau et de le combattre. Le gouvernement a d’abord mis sur pied un comité chargé d'examiner les cas de harcèlement sexuel et d'agressions à caractère sexuel (le « Comité ») dont le mandat était d'étudier le traitement de ces affaires dans le contexte du monde du travail2. Le Comité a présenté plus de 82 recommandations dans son rapport intitulé « Mettre fin au harcèlement sexuel dans le cadre du travail : Se donner les moyens d'agir », qui a été préparé en collaboration avec les organismes chargés de l'application des lois et à la suite de la consultation de divers groupes, notamment communautaires, syndicaux, patronaux et de travailleuses individuelles. Dans le projet de loi 42 (le « PL 42 »)3, le gouvernement a donné suite à plusieurs des recommandations découlant du rapport. Le PL 42, visant à prévenir et combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, a été sanctionné le 27 mars dernier. Il institue des changements importants à différentes lois du travail, qui sont de nature à modifier les pratiques existantes au sein des organisations. Nous vous proposons donc un survol de ces modifications ainsi que des incidences potentielles de leur introduction. A.Santé et sécurité du travail La Loi sur la santé et sécurité du travail est d’abord modifiée pour y introduire une définition de ce que constitue la « violence à caractère sexuel » qui est entrée en vigueur le 27 mars dernier et qui se lit comme suit : « toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre. »4. Cette définition large risque d’avoir une incidence sur les politiques existantes chez les employeurs et sera susceptible d’engendrer de nombreuses problématiques nécessitant l’intervention des tribunaux pour en encadrer l’application. Plan d’action et programme de prévention [en vigueur le 6 octobre 2025] : les employeurs devront, dans leur plan d’action (moins de 20 personnes salariées) et leur programme de prévention (20 personnes salariées et plus) déterminer et prévoir les risques psychosociaux et les risques liés à la violence à caractère sexuel pouvant affecter les personnes salariées de l’établissement5. B. Accidents du travail et maladies professionnelles Nouvelles présomptions de lésion professionnelle [en vigueur le 27 septembre 2024] : la loi crée deux (2) nouvelles présomptions de lésion professionnelle visant à alléger le fardeau de preuve des victimes de violence à caractère sexuel dans les situations suivantes : Lorsque les blessures et maladies résultent de la violence à caractère sexuel subie par un travailleur et commise soit par son employeur ou l’un des dirigeants de celui-ci, dans le cas d’une personne morale, ou encore par un travailleur dont les services sont utilisés par cet employeur; Lorsqu’une maladie survient dans les trois (3) mois après que la personne salariée ait subi de la violence à caractère sexuel. Ainsi, l’employeur qui conteste une lésion de cette nature aura le fardeau de renverser ces présomptions. La gestion du dossier de lésion professionnelle s’annonce en outre plus ardue puisque le PL 42 prévoit que l’employeur n’aura pas accès au dossier médical du travailleur avant une éventuelle audition devant le Tribunal administratif du travail. Interdiction d’accès au dossier médical par l’employeur [en vigueur le 27 septembre 2024] : Le PL42 vient resserrer les obligations des professionnels de la santé désignés par l’employeur. Seul le professionnel de la santé désigné par l’employeur peut avoir accès au dossier médical que possède la CNESST relativement à la lésion professionnelle du travailleur 6. L’employeur ne pourra pas obtenir le portrait médical complet du travailleur puisque le professionnel de la santé sera tenu de limiter la divulgation uniquement aux renseignements qui lui sont nécessaires pour fournir un résumé de ce dossier à l’employeur et lui donner un avis qui lui permettra d’administrer la lésion professionnelle7. Cette interdiction est également assortie d’amendes sévères qui varient de 1 000 $ à 5 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 2 000 $ à 10 000 $8 dans le cas d’une personne morale. Il est en revanche important de noter que cette interdiction ne prive pas les employeurs [NOTE : du droit?] d’obtenir les dossiers médicaux relatifs à la lésion professionnelle par voie d’autorisation ou de citation à comparaitre. Prolongation du délai pour déposer une réclamation [en vigueur le 27 septembre 2024] : Le délai pour déposer une réclamation fondée sur la violence à caractère sexuel est de deux (2) ans9. À titre de rappel, dans les autres cas, le délai pour déposer une réclamation est de six (6) mois à compter de la survenance de la lésion10. Transfert des coûts des prestations [en vigueur le 27 mars 2024] : Faisant exception au principe voulant que l’employeur prenne en charge les coûts découlant d’une lésion professionnelle, la loi prévoit une imputation automatique des coûts des prestations aux employeurs de toutes les unités lorsque la lésion professionnelle résulte de la violence à caractère sexuel subie par la personne salariée11. Cependant, il faut se rappeler que l’imputation des coûts à toutes les unités n'est pas sans répercussion puisqu’elle entraîne une augmentation des coûts du régime d’indemnisation pour l’ensemble des employeurs. C. Normes du travail Le PL 42 apporte également une série de modifications à la Loi sur les normes du travail, dont les suivantes. Mise à jour d’une Politique de prévention du harcèlement et de traitement des plaintes [en vigueur le 27 septembre 2024] : Une telle politique doit notamment contenir : les méthodes et les techniques utilisées pour déterminer, contrôler et éliminer les risques de harcèlement psychologique, y compris un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel; les programmes d’information et de formations précis en matière de prévention du harcèlement psychologique qui sont offerts aux personnes salariées ainsi qu’aux personnes désignées par l’employeur pour la prise en charge d’une plainte ou d’un signalement; les recommandations concernant les conduites à adopter lors de la participation aux activités sociales liées au travail; les modalités applicables pour présenter une plainte ou effectuer un signalement à l’employeur ou pour lui fournir un renseignement ou un document, la personne désignée pour en prendre charge ainsi que l’information sur le suivi qui doit être donné par l’employeur; les mesures visant à protéger les personnes concernées par une situation de harcèlement psychologique et celles qui ont collaboré au traitement d’une plainte ou d’un signalement portant sur une telle situation; le processus de prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, y compris celui applicable lors de la tenue d’une enquête par l’employeur; les mesures visant à assurer la confidentialité d’une plainte, d’un signalement, d’un renseignement ou d’un document reçu ainsi que le délai de conservation des documents préparés ou obtenus dans le cadre de la prise en charge d’une situation de harcèlement psychologique, qui doit être d’au moins deux (2) ans12. La politique devra faire partie intégrante du programme de prévention ou du plan d’action en vertu de la Loi sur la santé et sécurité du travail. [À compter de l’entrée en vigueur qui sera fixée par le Gouvernement, au plus tard le 6 octobre 2025]. Gardez l’œil ouvert sur les tierces personnes! [en vigueur le 27 septembre 2024] : L’obligation de l’employeur de prévenir le harcèlement psychologique s’étend explicitement aux situations de harcèlement « provenant de toute personne ». Cela comprend donc les tiers qui gravitent autour de l’employeur, notamment les clients, les sous-traitants et les fournisseurs13. L’écoulement du temps ne « remet pas le compteur à zéro" [en vigueur le 27 mars 2024] : Une clause d’amnistie contenue dans une convention collective ne peut produire d’effets face aux mesures disciplinaires découlant de comportements assimilables à la notion de violence physique ou psychologique tels que ces comportements sont maintenant définis dans la loi14. Cette modification importante s’inscrit également dans les avancées jurisprudentielles sur l’application des clauses d’amnistie dans les situations de harcèlement psychologique. Confidentialité du processus de règlement d’une plainte en harcèlement psychologique [en vigueur le 27 septembre 2024] : Lorsque, dans le cadre d’un règlement d’une plainte pour harcèlement psychologique, vous ne souhaitez pas vous engagez à préserver la confidentialité de l’entente, vous devez convenir expressément par écrit, dans le texte de l’entente, de la levée de l’obligation de confidentialité15. Dommages et intérêts punitifs même en présence d’une lésion professionnelle [en vigueur le 27 mars 2024] :  Dans le cas où une plainte pour harcèlement psychologique serait accueillie, la personne salariée qui est également victime d’une lésion professionnelle résultant du harcèlement psychologique pourrait en outre avoir droit à des dommages et intérêts punitifs16. Rappelons qu’il était auparavant interdit au Tribunal administratif du travail d’ordonner de verser des dommages et intérêts punitifs lorsque la personne salariée était victime d’une lésion professionnelle découlant du harcèlement psychologique17. Interdiction élargie contre les représailles [en vigueur le 27 mars 2024] : En plus des cas déjà prévus par la LNT, l’employeur ne peut exercer de représailles contre une personne salariée au motif qu’elle a effectué un signalement relatif à une conduite de harcèlement psychologique ou qu’elle a collaboré au traitement d’un tel signalement ou d’une plainte18. Conseils pratiques Compte tenu des nombreuses modifications découlant du PL 42, tout employeur devrait demeurer à l’affût des nouveautés et des pratiques exemplaires à adopter en matière de prévention et de gestion des situations de harcèlement et de violence au travail. À court terme, nous recommandons aux employeurs de : faire appel à des experts afin de réviser et mettre à jour leur politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail, et ce avant le 27 septembre 2024; retenir, en fonction des situations, les services d’un professionnel de la santé qui jouera un rôle proactif et facilitera le lien avec l’employeur dans l’administration d’une lésion professionnelle; définir de façon précise les éléments du mandat octroyé à l’expert afin de cibler les renseignements nécessaires à l’administration de la lésion professionnelle; prévoir des séances de formation pour l’ensemble du personnel (y compris les cadres et la direction). Ces formations devraient notamment porter sur les modifications mentionnées ci-dessus, mais également sur le processus de signalement d’une situation de harcèlement ou de violence à caractère sexuel, de plainte et du traitement de celle-ci voire de la confidentialité du processus; sensibiliser les membres de leurs organisations à cette nouvelle définition et à la mise à jour de la politique de l’entreprise et établir des paramètres d’intervention afin d’orienter les gestionnaires qui devront administrer les différentes situations qui sont susceptibles de se présenter désigner une personne-ressource, qui sera responsable de faire observer et d’appliquer la politique de prévention du harcèlement et de traitement des plaintes; au surplus, nous recommandons aux employeurs de documenter de manière rigoureuse et vigilante tous les aspects d’une enquête découlant de situations de violence sexuelle ou de harcèlement sexuel; faire appel à des spécialistes du milieu pour les aider à déterminer et analyser les risques psychosociaux et les risques liés à la violence à caractère sexuel pouvant affecter les personnes salariées de leur établissement. Finalement, sur le plan de l’administration des dossiers de lésion professionnelle, malgré la désimputation des coûts pour les employeurs, il est à prévoir que plusieurs situations pourraient amener un employeur à administrer le dossier de lésion professionnelle ou le contester. Pour ce faire, l’employeur aura le fardeau de renverser les présomptions dont bénéficie le travailleur. Sans un accès suffisant aux données médicales, une telle gestion de dossier devient plus aléatoire et complexe. En conséquence de ces modifications importantes, nous croyons qu’il sera de plus en plus nécessaire pour les employeurs d’avoir recours à des experts qualifiés. En pareilles circonstances, ils devront s’assurer de préciser soigneusement le mandat qu’ils désirent confier à l’expert afin d’obtenir un avis suffisamment précis pour leur permettre  de gérer adéquatement la lésion professionnelle. Le mandat devra donc être rédigé de façon à ce que l’expert saisisse la pertinence des renseignements demandés afin d’assurer à l’employeur une gestion adéquate du dossier. Notre équipe demeure disponible pour vous accompagner dans l’analyse des incidences que peuvent avoir ces nombreuses modifications. Statistiques Canada, « Cadre des résultats relatifs aux genres : nouveau tableau de données sur le harcèlement en milieu de travail », diffusion le 12 février 2024, en ligne : Le Quotidien — Cadre des résultats relatifs aux genres : nouveau tableau de données sur le harcèlement en milieu de travail (statcan.gc.ca). Cette initiative faisait suite à la recommandation 138 du rapport intitulé "Rebâtir la confiance : Rapport du comité d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale" déposé en 2020. Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, projet de loi n°42 (adoption- 21 mars 2024), 1re sess., 43e légis. (Qc) (ci-après le « PL 42 »). : Soulignons que les dispositions du Projet de loi s’harmoniseront graduellement avec les autres changements législatifs apportés par d’autres récents projets de loi, notamment la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail[3] et la Loi sur l’encadrement du travail des enfants. Art. 33 PL 42; Art. 1 LSST. Art. 35 et 36 PL 42; Art. 59 et 61.2 LSST. Art. 5 PL 42; Art. 38 LATMP. Art. 7 PL 42; Art. 39 LATMP. Art. 16 PL 42; Art. 458.1 LATMP. Art. 16 PL 42; Art. 271 et 272 LATMP. Art. 10 PL 42; Art. 271 LATMP. Art. 12 PL 42; Art. 327 LATMP. Art 18 PL 42; Art 81.19 LNT; Art. 18 PL42; Art. 81.19 LNT. Art. 20 PL 42; Art. 97.1 LNT. Art. 25 PL 25; Art. 123. 17 LNT. Art. 24 PL 42; Art. 123.15(4.1) LNT. Art. 123.15(4) et 126.16 LNT. Art. 21 PL 42; Art. 122 LNT.

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  2. « Minimaliste! » : la Cour d’appel sabre dans l’obligation de loyauté après la cessation d’emploi

    Prenons pour hypothèse que votre meilleur employé, l’étoile montante que vous avez formée depuis plusieurs années, démissionne. C’est une fort mauvaise nouvelle surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Et pour couronner le tout, son nouvel employeur est votre principal concurrent. Depuis combien de temps l’employé concocte-t-il son départ? L’a-t-il fait pendant ses heures de travail? Avec le matériel de votre entreprise? Qu’en est-il des connaissances et des contacts acquis au cours des dernières années : en fera-t-il bénéficier le concurrent? Dans l’affirmative, serait-ce pour lui illégal de le faire? À ce stade-ci, l’une des principales questions est celle de savoir si le contrat d’emploi de l’employé démissionnaire contient des clauses restrictives : par exemple, des clauses de non-concurrence, de non-sollicitation ou de confidentialité. Si tel est le cas, cela augure bien mais encore faut-il que ces clauses soient valides et exécutoires. En l’absence de telles clauses, l’employeur devra se rabattre sur l’obligation générale de loyauté prévue à l’article 2088 du Code civil du Québec, un filet de sécurité sur lequel les employeurs se fiaient jusqu’à ce qu’un récent jugement de la Cour d’appel du Québec en limite la portée. L’affaire Sahlaoui c. Médicus1 Un orthésiste-prothésiste, M. Sahlaoui, était au service de la société Médicus depuis une dizaine d’années au cours desquelles il avait établi une relation de confiance avec la clientèle grâce à la qualité de ses services. Il annonce à Médicus qu’il démissionne pour démarrer une entreprise concurrente, Evo. Reprochant à M. Sahlaoui d’avoir violé son obligation de loyauté, Médicus le poursuit, ainsi que sa nouvelle entreprise, réclamant des dommages-intérêts correspondant à un an de perte de profits ainsi que pour troubles et inconvénients. La Cour supérieure accorde effectivement à Médicus des dommages au montant de 135 238$ et des intérêts. La Cour d’appel rejette toutefois le recours de Médicus dans son intégralité et réaffirme le droit à la liberté de travailler, concluant que l’ex-employé, tant avant qu’après sa démission, n’avait pas manqué à son devoir de loyauté. La Cour considère ainsi que l’obligation de loyauté stipulée au Code civil du Québec doit être appréciée en deux étapes, soit en cours d’emploi et après la cessation de celui-ci. L’obligation en cours d’emploi En cours d’emploi, l’obligation de loyauté de l’employé est assez lourde, surtout pour les employés clés ou ceux qui jouissent d’une grande latitude professionnelle. Il est à noter que les liens étroits que M. Sahlaoui a tissés avec la clientèle en cours d’emploi n’ont pas suffi pour convaincre la Cour qu’il occupait un poste clé au sein de l’entreprise de son employeur qui, faut-il le rappeler, comptait environ 350 employés dans 15 succursales. La Cour estime que le fait de chercher un nouveau travail ne constitue pas en soi une violation de l’obligation de loyauté puisqu’il s’agit là d’un corollaire de la liberté de travailler. Il existe par conséquent des limites légitimes à la franchise et à la transparence requises aux termes du contrat de travail, de telle sorte qu’un employé peut garder secrètes tant son intention de changer d’emploi que les démarches qu’il entreprend à cette fin2. En revanche, les préparatifs de départ de l’employé en cours d’emploi ne doivent pas être effectués durant les heures de travail, avec les outils que l’employeur a mis à sa disposition. Piller ou pirater de l’information confidentielle, cacher ou détourner des occasions d’affaires de l’employeur, s’approprier la liste de clients ou recruter des clients à son bénéfice sont des exemples d’actes déloyaux énumérés par la Cour. Les juges citent avec approbation une décision rendue par leur cour en 2007, suivant laquelle conserver ou refuser de remettre les biens de l’ex-employeur constitue dans certains cas un vol pur et simple, sans égard à la notion de loyauté3. L’obligation après la cessation de l’emploi Après le départ de l’employé, la Cour d’appel est d’avis que l’obligation de loyauté est considérablement atténuée. L’obligation de loyauté énoncée par le Code civil du Québec ne saurait imposer à l’employé des restrictions équivalentes à celles résultant d’une clause de non-concurrence4 bien rédigée, notamment en termes de durée puisque l’obligation de loyauté générale n’a d’effet que durant un délai raisonnable qui ne dépasse que rarement quelques mois (3 à 4 mois)5. En l’espèce, bien que M. Sahlaoui eût signé un « engagement de loyauté, de confidentialité et de non-concurrence » visant à régir sa conduite après la cessation de son emploi, la Cour n’en a pas tenu compte puisque cet engagement ne respectait pas les exigences établies par les tribunaux en matière de clauses restrictives. Les gestes de M. Sahlaoui ont donc été analysés en fonction de l’obligation générale de loyauté prévue par l’article 2088 du Code civil du Québec. Comme le souligne la Cour d’appel, l’employé qui n’est pas assujetti à une clause de non-concurrence (ou même de non-sollicitation ou de confidentialité pour une durée prolongée à la suite de la cessation de son emploi) peut disposer à sa guise de son « patrimoine professionnel personnel », c’est-à-dire de l’expertise, des connaissances, du réseau et des qualités qu’il a acquis ou développés chez son ancien employeur. Il peut faire concurrence à ce dernier, notamment, en cherchant à s’en approprier la clientèle sans pour autant commettre une faute 6. En bref, l’obligation de loyauté en vertu du Code civil du Québec, n’interdit pas la concurrence, mais requiert qu’elle soit exercée «avec modération» et pour une courte période suivant la fin d’emploi. À retenir L’obligation générale de loyauté étant « plutôt minimaliste » pour reprendre les propos de la Cour d’appel, toute organisation aurait intérêt à se protéger par l’utilisation de clauses restrictives et avoir un plan d’action clair lorsqu’un employé quitte pour joindre la concurrence. Pour être exécutoires, les clauses restrictives doivent être précises et adaptées à leur contexte. Elles ne doivent pas dépasser ce qui est raisonnable pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. Les questions suivantes méritent d’être considérées : Au moment de la préparation du contrat d’embauche, peut-on prévoir si l’employé aura des relations directes avec la clientèle ou les fournisseurs? Connaîtra-il, à titre d’exemple, les procédés de fabrication ou les techniques que l’organisation s’efforce de préserver? Dans l’affirmative, quelles clauses restrictives le contrat d’emploi devrait-il contenir, notamment compte tenu de la nature des tâches, du niveau hiérarchique et de l’expertise unique de l’employé? Que cherche-t-on à protéger? On peut notamment penser à la confidentialité de l’information ou à la réputation de l’entreprise et de ses services. L’entreprise voudra également se prémunir contre la concurrence, la sollicitation de sa clientèle, de ses fournisseurs et de ses employés. Il importe de bien saisir la finalité de chaque clause restrictive, de ne pas confondre l’une avec l’autre ou croire que l’une comprend l’autre afin d’éviter les mauvaises surprises. Les clauses restrictives se conforment-elles aux critères de raisonnabilité essentiels pour être jugées exécutoires et résister dans la mesure du possible à toute contestation? Dès l’annonce du départ de l’employé, qui sera chargé de prendre le relais auprès de la clientèle ou des fournisseurs pour maintenir un lien de confiance? Quels paramètres de sécurité seront instaurés dès l’annonce du départ pour assurer et préserver la confidentialité de certains renseignements? Nous convenons que l’absence de clauses restrictives lors de l’embauche n’est pas fatale. Les parties peuvent négocier de telles clauses en cours d’emploi. Bien que l’employé ne puisse être contraint de les accepter, il est plus facile d’en venir à une entente à l’occasion d’une augmentation de salaire, d’une promotion ou d’une autre contrepartie, en s’assurant alors encore une fois que ces clauses restrictives soient raisonnables eu égard aux circonstances propres à la prestation de travail de l’employé et aux besoins et droits légitimes de l’employeur. Il est également loisible aux parties de convenir de certaines restrictions dans le cadre d’une entente de départ. La décision Médicus a tout au moins le mérite de clarifier la portée de l’obligation de loyauté prévue au Code civil du Québec. Les membres de l’équipe Droit du travail et Emploi demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questionnements. Sahlaoui c. 2330-2029 Québec inc. (Médicus), 2021 QCCA 1310, voir paragraphe 59. Voir paragraphe 35. Concentrés scientifiques Bélisle inc. c. Lyrco Nutrition inc. 2007 QCCA 676. Voir paragraphe 44. Voir paragraphe 48. Voir le paragraphe 53.

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  1. Lavery accueille cinq nouveaux avocats

    Lavery est heureux d’annoncer l’arrivée de cinq nouveaux avocats au cabinet avec des expertises variées.   Romeo Aguilar Perez, CRHA Romeo Aguilar Perez se joint à notre groupe Droit du travail et de l’emploi. Dans le cadre de sa pratique, il conseille des employeurs issus des milieux public, parapublic et privé en ce qui a trait à toutes les facettes de la relation d’emploi et de la gestion du capital humain. Il se spécialise particulièrement en matière de de litiges relatifs à l’emploi, de dossiers d’arbitrage de griefs, de relations de travail, de normes du travail, de droit de la personne, d’enquêtes administratives et de santé et de sécurité au travail.   Frédéric Bolduc Frédéric Bolduc se joint à notre groupe Droit du travail et de l’emploi. Au cours de ses études à l’Université de Montréal, il a agi à titre de mentor et s’est impliqué à titre d’étudiant clinicien auprès de la Clinique juridique itinérante. L’excellence de ses résultats académiques lui a valu de figurer sur la liste d’honneur des étudiants du 1er cycle de la Faculté de droit de l’Université de Montréal et de se faire décerner le prix Barreau de Montréal pour excellence en droit des affaires (2019). Louis Lafleur, CRHA Louis Lafleur se joint à notre groupe Droit du travail et de l’emploi. Sa pratique l’amène à conseiller des employeurs dans tous les domaines relatifs au droit du travail et de l’emploi. Il conseille les clients tant sur des questions concernant les rapports individuels que les rapports collectifs de travail pour tout litige relatif à l’emploi. Jinnie Liu Jinnie Liu se joint à notre groupe Droit des affaires et concentre sa pratique en droit fiscal. Jinnie Liu a débuté sa carrière au sein du groupe de fiscalité des sociétés d’un cabinet international de services professionnels. Elle y a joué un rôle important en assistant les clients dans tous les aspects de la vie corporative des entreprises, quelle que soit leur taille, notamment dans le cadre des fusions et acquisitions, de réorganisations, de financements et de mandats transfrontaliers.   Adnana Zbona Adnana Zbona se joint à notre groupe Droit de la famille, des personnes et des successions. Sa pratique couvre tous les aspects du litige en matière de droit de la famille, des personnes et des successions, notamment la négociation de règlements à l’amiable, la révision et rédaction de procédures, ainsi que la représentation devant les tribunaux.

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