Pour la première fois, la Cour d’appel se prononce dans le cadre d’un recours collectif intenté en vertu de la Loi sur la concurrence. Un arrêt unanime favorable à notre cliente, Toyota Canada Inc. et 37 de ses concessionnaires de la région de Montréal, a été rendu le 26 février 2008.
Il ne suffit pas d'établir une apparence d'une violation à la Loi sur la concurrence pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif.
Le recours collectif avait été intenté par le requérant, M. André Harmegnies, qui alléguait que le programme « Accès Toyota », mis sur pied par Toyota Canada Inc., contrevenait à la Loi sur la concurrence (la « loi »). Plus particulièrement, il alléguait que le programme contrevenait à la loi en ce que Toyota et ses concessionnaires restreignaient indûment la concurrence et gonflaient artificiellement le prix des véhicules. La Cour d’appel a confirmé unanimement le jugement rendu par l’honorable juge Hélène Poulin de la Cour supérieure du Québec le 12 février 2007, qui avait refusé d'autoriser le recours collectif.
Tout d’abord, la Cour d’appel a rappelé qu’un juge au stade de l’autorisation dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation des conditions d'exercice d'un recours collectif. Elle a aussi précisé qu’il est bien établi que la discrétion du juge mérite déférence, et ne justifiera l’intervention de la Cour d’appel que si cette discrétion se révèle manifestement non fondée ou que l’analyse qui la sous-tend est viciée par une erreur de droit.
Par ailleurs, en ce qui concerne le critère de l’apparence de droit, la Cour d’appel est d'avis que le requérant n’a pas démontré que les 37 000 membres du groupe ont subi un préjudice. Au contraire, les allégations, devant être tenues pour avérées, ne reposent que sur du ouï-dire et des impressions vagues et imprécises. Par conséquent, le requérant n’a pas su démontrer l’existence d’une perte à son égard ou à l’égard des membres du groupe. La Cour d’appel précise qu’il ne suffit pas d'alléguer qu'en raison d'une contravention invoquée à la loi, il y a automatiquement un préjudice.
En outre, la Cour d’appel a statué que le recours collectif n'est pas le moyen qui convient pour punir un contrevenant à la loi, mais qu’il s’agit plutôt d’un véhicule approprié aux fins d’indemniser un groupe de personnes ayant subi des pertes réelles et communes.
Quant au critère des questions communes, la Cour d’appel confirme que, même si on accepte qu'il y a eu perte, « le préjudice subi par les membres du groupe est susceptible de variations individuelles considérables et d'éléments subjectifs impondérables ». En premier lieu, la Cour note que le fait de ne pouvoir négocier le prix peut constituer un préjudice pour ceux qui aiment le faire, mais au contraire, un bénéfice pour ceux d'opinion contraire, et ce sans parler de comment chiffrer le dommage résultant de la privation de la possibilité de négocier. En second lieu, la valeur exacte de chaque véhicule acheté ou loué dépend également d'éléments individuels et particuliers, notamment l'inclusion dans le prix des accessoires, des options ou du service après-vente, de même que la valeur du véhicule donné en échange le cas échéant, l'époque de la transaction, la date de sortie de nouveaux véhicules, la liquidation d'anciens modèles, etc.
Enfin, la Cour estime qu'il est essentiel de démontrer le caractère collectif du préjudice et que le recours collectif n'est pas approprié si, lors de l'audition sur le fond, il donnait naissance à une multitude de petits procès en raison de la multiplication des facteurs subjectifs.
La Cour ajoute que, « dans le présent cas, le juge saisi du fond aurait dû se livrer à un examen détaillé d'une multitude de facteurs individuels et prendre en considération tout un ensemble de circonstances variées avant de pouvoir trancher quant à savoir si l'un des membres a subi un préjudice et, le cas échéant, quelle est l'étendue de celui-ci. »
En résumé, cet arrêt est particulièrement important puisqu’il émet une mise en garde à toute personne désireuse d’intenter un recours collectif en droit de la concurrence en ce qu’il ne suffit pas d’établir une apparence d’une violation alléguée à la Loi sur la concurrence, mais qu’il faut aussi démontrer prima facie que cette personne et toutes celles qu’elle entend représenter ont également subi une perte en raison de ladite violation.
Dans cette affaire, Guy Lemay et Jean Saint-Onge pilotaient le dossier. Ils étaient assistés par Anne-Marie Lévesque.