Cours de secourisme exigé par le ministère de la Famille : l’employeur est-il tenu de payer le temps de formation?

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Le Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance1 (le « Règlement ») prévoit l’obligation pour tout titulaire de permis de s’assurer que chaque membre de son personnel de garde détient un certificat de secourisme datant d’au plus trois ans, lequel doit avoir été obtenu après la réussite d’un cours adapté à la petite enfance d’une durée minimale de huit heures.

À la suite de la modification du Règlement le 1er avril 20162, un volet supplémentaire a été ajouté à cette obligation de formation. Il porte sur la gestion des réactions allergiques graves :

« 20. Le titulaire d’un permis doit s’assurer que chaque membre de son personnel de garde est titulaire d’un certificat, datant d’au plus 3 ans, attestant la réussite d’un cours de secourisme adapté à la petite enfance d’une durée minimale de 8 heures comprenant un volet sur la gestion de réactions allergiques sévères ou d’un cours d’appoint d’une durée minimale de 6 heures visant la mise à jour des connaissances acquises dans le cadre du cours de secourisme adapté à la petite enfance. »

Cette obligation, imposée au titulaire d’un permis, est assortie d’une pénalité administrative et pénale en cas de contravention3.

Récemment, dans l’affaire Syndicat québécois des employés et employées de service, section locale 298 et CPE Les Petits Semeurs4, l’arbitre André Sylvestre a maintenu la décision d’un Centre de la petite enfance (« CPE ») de ne pas rémunérer les heures de formation devant être complétées en vertu de cet article du Règlement. Par le fait même, il a abordé la portée de l’obligation des CPE en vertu de l’article 57 (4) de la Loi sur les normes du travail5 (« LNT »), lequel se lit comme suit :

« 57. Un salarié est réputé au travail dans les cas suivants : (…)

4° durant toute période d’essai ou de formation exigée par l’employeur. »

Trame factuelle

L’employeur a pris l’habitude de transmettre une note aux éducatrices à son emploi, laquelle leur rappelle, deux mois avant l’expiration de leur carte de secouriste, l’exigence de suivre un cours de rafraîchissement de six heures suivant l’article 20 du Règlement. Parallèlement, les termes mêmes de la convention collective imposent à chaque membre du personnel de garde l’obligation d’être muni d’une attestation de formation en premiers soins.

À la note transmise est par ailleurs jointe une liste des écoles de la région où la formation est donnée. De plus, pour certaines éducatrices, l’employeur remet un avis selon lequel à défaut de renouveler leur carte de secouriste, elles se verront suspendues sans solde jusqu’au renouvellement de cette dernière.

La convention collective et la position des parties

La convention collective énonce, à son article 27.04, que l’employeur rembourse les frais d’inscription au cours de premiers soins, mais non le salaire afférent aux heures consacrées à le suivre. L’article 27.05 prévoit, quant à lui, que « lors d’un perfectionnement pendant le jour autorisé par l’employeur, la personne salariée est réputée être au travail, donc rémunérée ».

Par son grief, le syndicat conteste la décision de l’employeur de ne pas reconnaître les salariées « réputées être au travail » lorsque celles-ci suivent leur cours de premiers soins, formation jugée essentielle pour exercer leur tâche et rendue nécessaire par la nature de leur emploi.
À ce titre, il invoque l’article 57 (4) de la LNT ainsi que l’article 27.05 de la convention collective.

De son côté, l’employeur prétend que le libellé de l’article 27.05 de la convention collective ne donne pas ouverture au droit réclamé par le grief et que l’article 57 (4) de la LNT ne peut trouver application. Au soutien de ses prétentions, il invoque qu’il n’exige pas lui-même la formation de secouriste, mais qu’elle est plutôt imposée par le ministère de la Famille.

La décision de l’arbitre

D’une part, l’arbitre conclut que les cours de secourisme ne répondent pas aux critères prévus à l’article 27.05 de la convention collective. En effet, selon l’arbitre, ces cours ne sont pas ponctuels, mais bien périodiques puisqu’ils doivent être renouvelés tous les trois ans. De plus, l’employeur n’autorise pas ces cours; il n’a pas à le faire étant donné qu’il s’agit d’une obligation légale et se limite plutôt à rappeler aux employées de renouveler leur formation avant la date d’échéance. En outre, la clause 27.04 de la convention collective n’impose que le paiement des frais d’inscription au cours de premiers soins. Or, si les parties avaient eu l’intention de prévoir le versement du salaire pour les heures consacrées à suivre ce cours, elles l’auraient prévu, ce qu’elles n’ont pas fait.

D’autre part, quant à l’application de l’article 57 (4) de la LNT, l’arbitre retient la prétention de l’employeur, à savoir que « l’exigence professionnelle imposée par un texte législatif ne constitue pas une formation exigée par un employeur » au sens de cet article. L’arbitre conclut ainsi que la réclamation au grief ne saurait être retenue, l’exigence imposée à l’article 20 du Règlement provenant du ministère de la Famille et non de l’employeur. En effet, ce dernier se limite à transmettre des lettres de rappel aux membres de son personnel.

Conclusion

À la lumière de cette décision, et sous réserves de dispositions plus avantageuses du contrat de travail ou de la convention collective, l’employeur peut être en droit de refuser de reconnaître que ses éducatrices sont « réputées être au travail » lorsque celles-ci suivent un cours de premiers soins exigé par le ministère de la Famille.

Toutefois, cette conclusion pourrait différer si les faits démontraient que la formation constitue bel et bien une exigence de l’employeur, notamment si aucun choix n’est laissé à l’employé. En effet, dans la décision Syndicat des travailleuses en CPE - région Laurentides (CSN) et CPE Le petit équipage6, où la clause pertinente de la convention collective est différente, l’arbitre André G. Lavoie a déterminé que la formation est effectivement une exigence de l’employeur, comme ce dernier voit à inscrire lui-même ses salariées à un cours de secourisme et qu’il en impose le lieu et la date.

Dans tous les cas, une étude minutieuse des circonstances et des obligations prévues à la convention collective ou au contrat de travail devrait être réalisée afin de déterminer si l’employeur peut effectivement être dispensé de rémunérer le temps associé à une formation exigée par le ministère de la Famille.


  1. RLRQ, c. S-4.1.1, r. 2.
  2. Pour de plus amples renseignements concernant les modifications législatives apportées au Règlement, nous vous invitons à consulter le bulletin Le Droit de savoir, « Modification éventuelle au règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance », novembre 2015, par Me Myriam Lavallée.
  3. Note 1, art. 123.1 et 124.
  4. D.T.E. 2016T-333 (T.A.).
  5. RLRQ, c. N-1.1.
  6. D.T.E. 2015T-32 (T.A.).
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