Dans une décision récente, la Cour d’appel du Québec, sous la plume de l’honorable juge Jacques Chamberland, se penche sur l’application des clauses d’exclusion pour activités criminelles contenues à une police d’assurance habitation1.
FAITS
L’Appelante, L’Union canadienne compagnie d’assurance assurait l’immeuble de l’intimée, Mme Lise Houle, et de son conjoint Christian Alexandre. Ce dernier se livrait à la culture de cannabis dans l’immeuble assuré. En effet, la résidence (la cuisine et possiblement le sous-sol) servait à la germination des graines de cannabis alors que le garage servait à poursuivre la culture après la mise en terre des jeunes plants. Cette culture se faisait à l’insu de Mme Houle, qui ne se rendait jamais dans le garage étant handicapée.
Un incendie causé par les installations électriques servant à la culture de cannabis est survenu le 8 août 2006 et a endommagé tant la résidence que le garage.
EXCLUSIONS
Deux exclusions sont invoquées par l’assureur pour nier couverture à ses assurés, soit les suivantes :
« 16. Outre les exclusions indiquées ailleurs dans le présent contrat, NOUS NE COUVRONS PAS :
(…)
Les constructions :
(…)
Occupées par l’ASSURÉ et utilisées pour des activités illégales ou criminelles.
21. Les SINISTRES imputables aux actes criminels (…) d’un ASSURÉ. »
JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
En première instance, la juge Sophie Picard analyse d’abord l’exclusion 16. Elle conclut qu’en l’absence des mots « en tout ou en partie » dans le libellé de la clause, comme c’était par exemple le cas dans la décision Promutuel Bagot c. Lévesque2, cette exclusion ne s’applique qu’aux constructions dont « une partie substantielle » est utilisée pour des activités criminelles. Le garage est donc selon elle exclu, mais non le bâtiment d’habitation qui n’était utilisé qu’en partie pour la culture de marijuana.
Quant à la clause d’exclusion 21, la juge conclut qu’elle s’applique à M. Alexandre, qui menait lui-même les activités de production de cannabis, mais non à Mme Houle, qui ignorait tout de ces activités.
JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL
La Cour d’appel analyse l’exclusion 16, citant tout d’abord l’article 2402 para. 1 C.c.Q., qui prévoit qu’un assureur peut se libérer de ses obligations en cas d’une violation de la loi constituant un acte criminel :
« 2402. En matière d’assurance terrestre, est réputée non-écrite la clause générale par laquelle l’assureur est libéré de ses obligations en cas de violation de la loi, à moins que cette violation ne constitue un acte criminel. (…) »
Le tribunal précise que la clause de la police prévoit une exclusion pour les « constructions », et non les « lieux assurés », utilisés pour des activités illégales. Par conséquent, cette clause doit s’analyser en fonction de chacune des constructions et non de l’ensemble des lieux assurés, comme le prétendait l’Appelante.
Toutefois, contrairement au premier juge, le tribunal se déclare d’avis qu’il est erroné de lier l’application de l’exclusion au degré d’utilisation des constructions aux activités criminelles :
« [26] À mon avis, l’occupation d’une construction par l’assuré et son utilisation pour des activités illicites suffisent pour conclure que cette construction n’est pas assurée, et ce, peu importe que l’utilisation en question vise la totalité de la construction ou une partie seulement. »
Malgré le fait que les mots « en tout ou en partie » soient absents du libellé de la clause, il demeure qu’il n’est pas nécessaire pour l’assureur de démontrer qu’une « partie substantielle » de la construction a été utilisée pour des activités criminelles.
La Cour d’appel conclut donc que la question qui doit être tranchée est celle de savoir si la construction a été utilisée pour des activités criminelles, sans qu’il soit nécessaire de déterminer le degré d’une telle utilisation. Dans les circonstances, puisque tant la résidence que le garage ont été utilisés à de telles fins, les deux constructions sont exclues de la couverture d’assurance.
Vu cette conclusion, le tribunal juge qu’il n’est pas nécessaire de se pencher sur l’exclusion 21.
CONCLUSION
Nous pouvons constater que le texte même des diverses clauses revêt une importance particulière en matière d’analyse de police d’assurance. En l’espèce, l’absence des mots « en tout ou en partie » a entraîné un débat jusqu’à la Cour d’appel.
De même, on peut s’interroger sur l’impact de la connaissance de l’assurée de l’utilisation illégale des lieux dans l’analyse de l’exclusion. La Cour d’appel n’en traite pas spécifiquement dans la décision sous étude. Toutefois, selon une décision récente de la Cour supérieure analysant une exclusion semblable, on ne peut opposer à l’assuré l’utilisation à des fins criminelles par un tiers en l’absence d’un contrôle spécifique de l’assuré sur une telle utilisation3. La clause analysée dans cette décision ne prévoyait toutefois pas que les lieux devaient être occupés par l’assuré, comme c’était le cas dans la décision Union canadienne c. Houle. Il sera intéressant de voir si la Cour d’appel se penchera éventuellement sur cette question précise.
_________________________________________
1 L’Union canadienne compagnie d’assurance c. Houle, 2013 QCCA 677.
2 EYB 2011-28493 (C.A.).
3 Lévesque c. Compagnie d’assurance Desjardins, 2013 QCCS 1552.