SOMMAIRE
- La violation d’une promesse d’achat – la responsabilité du tiers acquéreur
- Les clauses d’intégralité
- Les prêts hypothécaires fermés de plus de 5 ans : Changement législatif
La violation d’une promesse d’achat – la responsabilité du tiers acquéreur
Louis-Martin Dubé
La grande majorité des ventes d’immeubles sont précédées d’un avant-contrat, plus précisément, d’une promesse d’achat signée par le vendeur et l’acheteur, qui énonce la plupart des modalités de la vente à intervenir. Or, il arrive parfois qu’un propriétaire revienne sur sa parole et choisisse de vendre à un tiers qui lui offre des conditions de vente plus avantageuses.
Si le propriétaire vend son immeuble au deuxième acheteur, quels sont les recours du premier acheteur qui a été lésé ? Peut-il tenter de faire annuler la vente de l’immeuble au tiers ? Peut-il lui réclamer des dommages-intérêts ?
Dans un jugement rendu le 8 septembre 2011, la Cour supérieure du Québec s’est penchée sur le cas d’une compagnie (GLS) qui avait signé une promesse d’achat d’actifs avec un acheteur (Midbec), et qui, quelques jours plus tard, a conclu une vente avec un deuxième acheteur (Reliable) qui offrait de meilleures conditions. Midbec a poursuivi GLS et Reliable solidairement en dommages-intérêts. Comme GLS avait fait cession de ses biens, seule une condamnation en dommages contre Reliable était susceptible de procurer à Midbec la réparation du préjudice qu’elle a subi.
Reliable invoquait l’absence de lien de droit entre elle et Midbec, puisqu’elle n’était pas partie à la première promesse d’achat dont elle n’avait d’ailleurs pas pris connaissance. Reliable estimait en outre qu’il n’y a eu aucune complicité, collusion ou connivence entre elle et GLS et que, par conséquent, elle n’était pas de mauvaise foi au sens de l’article 1397 du Code civil du Québec qui se lit comme suit : « Le contrat (la vente à Reliable) conclu en violation d’une promesse de contracter (la promesse d’achat GLS/Midbec) est opposable au bénéficiaire de celle-ci (Midbec), sans préjudice, toutefois, de ses recours en dommages-intérêts contre le promettant (GLS) et la personne (Reliable) qui, de mauvaise foi, a conclu le contrat avec ce dernier. »
(Le texte en italique ne fait pas partie de la citation.)
La preuve a démontré que dans les faits, même si elle n’a pas vu la promesse d’achat entre GLS et Midbec, Reliable connaissait son existence et même certaines de ses lacunes. D’ailleurs, elle s’était assurée de remédier à ces lacunes dans sa propre promesse d’achat. Aussi, à la demande de GLS, Reliable s’est engagée à ne pas la poursuivre en cas de recours par Midbec, et les parties ont rapidement procédé à la clôture de la transaction pour éviter d’en être empêché par des procédures intentées par Midbec.
La Cour en est venue à la conclusion que Reliable a agi en toute connaissance de cause et que les faits étaient suffisants pour démontrer sa mauvaise foi. Reliable a été condamnée à payer à Midbec un montant de 784 703,00 $ en dommages pour perte de profits avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle.
DROITS SUR LES MUTATIONS IMMOBILIÈRES
Rappel : En 2010, la Ville de Montréal a adopté un règlement lui permettant de fixer un taux supérieur à celui applicable aux autres municipalités dans le calcul des droits de mutations immobilières. Ce taux est de 2 % pour la tranche de la base d’imposition excédentaire à 500 000,00 $.
Notons que ce taux supérieur s’applique uniquement sur le territoire de la Ville de Montréal, à l’exclusion des villes défusionnées.
Les clauses d’intégralité
Chantal Joubert
« Le présent contrat constitue l’intégralité de l’accord entre les parties relatif à l’objet des présentes et exclut toute déclaration, promesse ou garantie autres que celles prévues dans le présent contrat. »
Cette clause, dite d’« intégralité du contrat », que l’on retrouve fréquemment dans les contrats commerciaux, vise à empêcher les parties qui ont conclu un contrat final d’aller puiser dans des discussions ou des ententes antérieures pour donner un sens différent aux dispositions de celui-ci. La raison d’être d’une telle clause est simple : le contrat étant censé refléter l’entente finale des parties quant à leurs droits et obligations et, partant, leur véritable intention, il serait périlleux de permettre un retour sur des discussions ou ententes antérieures à la conclusion du contrat. Une telle clause vise essentiellement la stabilité des contrats.
Les tribunaux ont, en règle générale, donné effet à de telles clauses et ont exclu la preuve d’ententes, verbales ou écrites, antérieures à la signature du contrat final. Cependant, la Cour supérieure, dans l’affaire IHAG-Holding AG c. Intrawest Corporation, a mis de côté la clause d’intégralité prévue dans l’entente finale pour se reporter à une lettre d’intention antérieure afin de déterminer la méthode de calcul d’un prix d’achat.
Les faits relatés dans cette affaire peuvent se résumer comme suit : une lettre d’intention, qui ne liait pas les parties, stipulait une formule élaborée pour le calcul du prix d’achat d’un complexe sportif dans la région de Gatineau. L’entente finale signée par les parties reproduisait cette même formule mais avec une erreur de rédaction ayant pour effet d’augmenter le prix d’achat de 6,2 millions de dollars par rapport à celui qui aurait été obtenu si on avait reproduit intégralement la formule prévue dans la lettre d’intention.
La Cour supérieure a décidé d’écarter la formule de calcul du prix d’achat prévu dans le contrat final signé par les parties et d’appliquer la formule prévue dans la lettre d’intention antérieure qui elle, ne liait pas les parties. La Cour en est arrivée à la conclusion qu’il était justifié d’écarter la clause d’intégralité et de retourner à une entente antérieure lorsqu’il est manifeste qu’une partie tente de tirer avantage de la clause d’intégralité pour profiter d’une erreur. En effet, l’erreur de rédaction, qui avait jusqu’alors échappée aux deux parties, ne fut décelée qu’au moment de verser la contrepartie de type « earn-out payment »; le vendeur a alors tenté de faire appliquer la clause d’intégralité qui lui aurait permis d’écarter la formule prévue dans la lettre d’intention qui lui était moins avantageuse. Or l’application d’une clause d’intégralité ne peut avoir pour effet de permettre d’écarter l’obligation de bonne foi à laquelle les parties sont tenues.
Quant à la lettre d’intention, bien qu’elle ne lie pas les parties, la Cour a conclu qu’elle pouvait être appliquée puisqu’elle représentait véritablement ce sur quoi les parties s’étaient véritablement entendues quant à la formule du prix d’achat.
Les prêts hypothécaires fermés de plus de 5 ans : Changement législatif
François Martel
Une modification, depuis longtemps souhaitée, vient d’être apportée à l’article 10 de la Loi sur l’intérêt (Canada) (la « Loi») qui réjouira les prêteurs et les propriétaires d’immeubles commerciaux. En effet, le 20 octobre 2011, le gouvernement canadien adoptait le « Règlement prévoyant les entités et les catégories d’hypothèques ». Ce règlement définit les entités qui seront admissibles aux fins de l’application de l’alinéa 10(2)b de la Loi.
Un bref rappel historique s’impose. Le paragraphe 10(1) de la Loi adoptée en 1890 prévoyait que les emprunteurs pouvaient rembourser leur prêt garanti par hypothèque immobilière, après cinq ans, même si l’hypothèque était fermée pour un plus long terme, moyennant le paiement d’une simple pénalité de trois mois d’intérêt. Le Parlement de l’époque voulait ainsi protéger les particuliers, notamment les agriculteurs. Par la suite, pour favoriser le commerce, particulièrement les compagnies de chemin de fer qui cherchaient à structurer leur dette à long terme, le Parlement a modifié la Loi en ajoutant un 2e paragraphe à l’article 10 prévoyant que cette règle générale ne s’appliquait pas aux compagnies par actions et aux autres personnes morales. Dès lors, les compagnies ont eu accès à des prêts de plus de 5 ans garantis par des hypothèques immobilières.
La pratique commerciale immobilière ayant beaucoup évolué depuis, les propriétaires d’immeubles commerciaux se structurent de plus en plus en sociétés en commandite ou en fiducies commerciales pour des raisons fiscales.
Malheureusement, n’étant pas assujettis à l’exception du 2e paragraphe de l’article 10 de la Loi, mais plutôt à la règle générale plus généreuse du paragraphe 10(1), ces propriétaires ont difficilement accès à des prêts de plus de 5 ans, puisque les prêteurs ne veulent pas permettre aux emprunteurs de rembourser leur prêt par anticipation après la 5e année moyennant une faible pénalité, la règle générale du paragraphe 10(1) de la Loi étant d’ordre public.
Des stratagèmes, par exemple la détention de l’immeuble via une compagnie prête-nom, ont donc été imaginés et adoptés par ces propriétaires d’immeubles afin de bénéficier de prêts à long terme. De nombreux prêteurs demeuraient toutefois réticents, avec raison, à s’engager dans ce type de prêt, craignant que le tout ne soit pas reconnu par les tribunaux.
Le gouvernement, dans l’explication de son nouveau règlement, énonce clairement les raisons de ce changement : « Certaines entreprises ou entités commerciales qui ne sont pas structurées comme des personnes morales […] ont éprouvé des difficultés à accéder au financement hypothécaire à long terme parce que les modalités de remboursement anticipé des hypothèques qu’elles souhaitent contracter sont fixées par la Loi. ».
En vertu du nouveau règlement récemment adopté, pour les hypothèques qui seront contractées après le 1er janvier 2012, les sociétés de personnes (notamment les sociétés en commandites) et les fiducies établies pour affaires bénéficieront de l’exemption du 2e paragraphe de l’article 10 de la Loi au même titre que les compagnies par actions et les personnes morales.
Ce sera la fin longtemps souhaitée des structures de détention alambiquées visant à obtenir des prêts de plus de 5 ans garantis par hypothèques immobilières. Les prêteurs pourront désormais octroyer de tels prêts aux sociétés en commandites et aux fiducies établies à des fins commerciales et pourront négocier librement les conditions de remboursement anticipé des prêts.