Employeurs et intervenants des centres d’appels d’urgence: votre responsabilité en cas de dommages matériels est limitée
Le 12 mai dernier, la Cour du Québec1 a exonéré un centre d’appels d’urgence de toute responsabilité quant aux dommages matériels causés par les premiers répondants ayant défoncé une porte de la résidence afin d’intervenir auprès d’un usager en détresse respiratoire. Dans cette affaire, la Cour retient en effet que le centre d’appels ayant requis l’intervention d’un service de premiers répondants ne peut être tenu responsable des dommages résultant de cette intervention, malgré le défaut du préposé du centre d’appels de transmettre aux premiers répondants le code d’accès permettant d’ouvrir la porte de la résidence. Lors de l’audience, les faits ne sont pas contestés par le centre d’appels qui reconnaît que le code d’accès de la porte d’entrée avait effectivement été fourni au répartiteur du centre d’appels. Il est également admis que le code d’accès n’avait pas été divulgué aux premiers répondants. Malgré cette erreur, la Cour, se fondant sur l’exonération prévue à l’alinéa 2 de l’article 42 de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence2 (ci-après la « LSPU »), conclut au rejet de la demande. La disposition pertinente se lit comme suit : « 42. Toute personne qui agit à titre de premier répondant en vertu de la présente loi et dans le respect des protocoles d’intervention clinique élaborés par le ministre en vertu de l’article 39 est exonérée de toute responsabilité pour le préjudice qui peut résulter de son intervention, à moins que ce préjudice ne soit dû à sa faute intentionnelle ou à sa faute lourde. Cette exonération bénéficie également à l’autorité qui a établi le service de premiers répondants. De plus, la personne ou l’organisme qui a requis l’intervention ou l’assistance d’un service de premiers répondants ne peut être tenu responsable d’un préjudice résultant d’une telle intervention. » [nos soulignements] La Cour du Québec précise la portée de la disposition portant sur l’exonération de responsabilité dont bénéficie le centre d’appels d’urgence à titre « [d]’organisme qui a requis l’intervention ou l’assistance d’un service de premiers répondants »3, qui n’avait jusque-là fait l’objet d’aucune interprétation par les tribunaux. Ainsi, la Cour précise qu’en l’absence de toute preuve de faute intentionnelle ou de faute lourde, « la responsabilité de la partie défenderesse ne [peut] être retenue en application de l’alinéa 2 de l’article 42 de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence »4. De fait, l’omission de communiquer le code d’accès de la porte, bien que constituant une erreur, n’était pas intentionnelle et ne peut être qualifiée de faute lourde. De plus, constatant que les pompiers ont dû procéder très rapidement lors de leur intervention, la Cour mentionne qu’elle ne peut présumer que ces derniers auraient utilisé le code d’entrée pour ouvrir la porte de la résidence de l’usager même s’ils avaient été en possession d’une telle information. D’ailleurs, la preuve a révélé que des voisins, sur place au moment des faits, ont mentionné aux premiers répondants qu’ils détenaient le code permettant d’ouvrir la porte. En somme, en l’absence de toute preuve d’une faute lourde ou intentionnelle, la responsabilité d’un centre d’appels d’urgence ne saurait être retenue. Cette décision nous semble cohérente avec l’article premier de la LSPU, qui énonce que cette loi « vise à ce que soit apportée, en tout temps, aux personnes faisant appel à des services préhospitaliers d’urgence, une réponse appropriée, efficiente et de qualité ayant pour but la réduction de la mortalité et de la morbidité à l’égard des personnes en détresse »5. Agissant de concert avec le premier répondant, le centre d’appels d’urgence doit aussi pouvoir intervenir rapidement, en se concentrant sur son objectif premier qui est de porter secours à une personne en détresse, sans craindre d’être poursuivi devant les tribunaux. Roy c. Groupe Alerte Santé inc., 2017 QCCQ 6729 ( ci-après « Roy »). Loi sur les services préhospitaliers d’urgence, RLRQ, c. S-6.2 ( ci-après la « LSPU »). Ibid., art. 42 al 2. Roy, préc., note 1, paragr. 15. LSPU, préc., note 2, art. 1 al.1.