L’AFFICHAGE PUBLIC DES MARQUES DE COMMERCE EN LANGUE ANGLAISEPar David Eramian avec la collaboration de Sylvie Demers, stagiaire en droit |
Le 9 avril dernier, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement1 sur une requête
en jugement déclaratoire relative à l’affichage public des marques de commerce en
langue anglaise. Les demanderesses Magasin Best Buy Ltée, Costco Wholesale Canada
Ltd., Gap (Canada) Inc., Old Navy (Canada) Inc., Corporation Guess? Canada, la Compagnie
Wal-Mart du Canada, Toys “R” Us Canada Ltée et Curves International Inc. demandaient
au tribunal de trancher la question suivante : « une marque de commerce de langue
anglaise, sans version française déposée, qu’on utilise dans l’affichage public
et la publicité commerciale, doit-elle être accompagnée d’un terme descriptif de
caractère générique en français pour respecter la Charte de la langue française
(« Charte ») et le Règlement sur la langue du commerce et des affaires
(« Règlement ») ? ». Cette requête en jugement déclaratoire s’inscrivait dans le
contexte d’un récent changement d’orientation de l’Office de la langue française
(« Office ») quant à l’interprétation du Règlement, mettant les demanderesses à
risque de faire l’objet de poursuites pénales et de se voir retirer leurs certificats
de francisation si elles n’accompagnaient pas leur marque de commerce en langue
anglaise d’un terme descriptif de caractère générique en français. Le Procureur
général du Québec invitait la Cour supérieure à répondre par l’affirmative à la
question posée. La Cour supérieure répond par la négative à cette question, donnant raison aux demanderesses. Premièrement, le tribunal souligne la distinction entre les concepts juridiques de nom d’entreprise et de marque de commerce. Le tribunal conclut que c’est en pleine connaissance de cause que le gouvernement a introduit une dérogation spécifique à la règle de l’affichage en français pour permettre l’affichage public des marques de commerce déposées uniquement dans une autre langue que le français. L’économie de la loi ne peut donc être invoquée pour aller à l’encontre d’une exception créée en toute connaissance de cause par le législateur. Deuxièmement, le tribunal constate que l’article 25(4) du Règlement a reçu de l’Office un traitement constant depuis son entrée en vigueur en 1993, soit de permettre l’affichage de marques de commerce déposées uniquement dans une langue autre que le français sans y accoler de termes génériques. Cette interprétation est donc continue et peut être considérée comme un usage interprétatif permettant aux demanderesses de croire que leurs pratiques d’affichage étaient conformes à la Charte. L’interprétation proposée par le Procureur général aurait pour effet de priver cette dérogation spécifiquement prévue à l’article 25(4) du Règlement de toute application pratique. La Cour supérieure conclut en précisant qu’il ne revient pas aux tribunaux de modifier des textes législatifs et réglementaires clairs appuyés par un usage interprétatif demeuré constant pendant près de 20 ans. Il appartient plutôt au législateur, s’il souhaite le faire, d’intervenir pour imposer les solutions qu’il considère adéquates quant à la langue d’affichage public des entreprises. _________________________________________ 1 2014 QCCS 1427, par. 9 |
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